Pour Sylvain Maréchal, l'heure est grave : depuis les Lumières, quelques penseurs sont favorables à une instruction plus sérieuse pour les femmes. Impensable pour l'auteur ! L'instruction ne peut apporter aux femmes que des inconvénients : des négligences dans la conduite de leur ménage, seule activité à laquelle se consacre une femme honnête ; une vertu qui pourrait être attaquée par un instructeur peu scrupuleux ; voire même (considération n°39) une mort prématurée (!) due à l'étude de sciences « peu compatible à leurs forces et à leurs goûts naturels ».
Son faux projet de loi ne contient pas moins de 113 considérations, qui se réduisent vite à trois stratégies simplistes : dresser la liste des femmes qui ont eu un destin glorieux sans savoir lire, tourner en ridicule les femmes qui écrivent ou qui ont écrit, faire honte aux maris qui ont une instruction moindre que leur épouse.
J'imaginais à la base que cet écrit était un pamphlet « pro-féministe », Maréchal étant plutôt connu comme un auteur progressiste. Il faut croire qu'on ne peut pas briser tous les carcans sociaux en une seule vie.
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Comme il est bon de vivre en France au XXIe siècle, au moins eu égard à l’égalité de l’instruction.
Avoir pu lire des histoires chaque soir à mes enfants, tous ses souvenirs si doux,
avoir vécu mille vies pour donner plus de saveur et de profondeur à la sienne,
être sur un pied d’égalité pour discuter de tout avec son amoureux,
pouvoir s’instruire des sujets les plus obscurs ou farfelus à sa convenance,
heureuse de ne jamais vous avoir connu, M. Maréchal.
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Projet aujourd'hui révoltant et insensé, mais qui a pourtant rencontré des partisans lors de la querelle qu'il suscita à sa parution en 1801. L'auteur présente sa pensée de manière très structurée (tout d'abord une série de "considérant" pour justifier sa proposition, puis le projet de loi lui-même pour délimiter tout ce que celui-ci implique et provoque) et fait preuve d'une très grande érudition. Néanmoins, ses arguments n'en restent pas moins caducs et mauvais: la plupart peuvent servir quasi tels quels pour argumenter l'idée inverse, ses exemples ne font que montrer l'importance qu'ont pu avoir les femmes lettrées au cours de l'Histoire, et l'idée sous-tendue dans l'ensemble de ce projet de loi, l'infériorité des femmes par rapport aux hommes et la stricte séparation des tâches, apparaissait déjà comme dépassée au début du 19e siècle.
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MOTIFS DE LA LOI.
CONSIDERANT :
2o. Les inconvéniens graves qui résultent pour les deux sexes, de ce que les femmes sachent lire.
CONSIDERANT :
3o. Qu'apprendre à lire aux femmes est un hors-d'oeuvre, nuisible à leur éducation naturelle : c'est un luxe dont l'effet fut presque toujours l'altération et la ruine des moeurs.
CONSIDERANT :
31o. Que pour l'ordinaire, une femme perd de ses graces et même de ses moeurs, à mesure qu'elle gagne en savoir et en talens.
Pour peu qu'elle sache lire et écrire, une femme se croit émancipée, et hors de la tutelle où la nature et la société l'ont mise pour son propre intérêt.
CONSIDERANT :
44o. Qu'il y a scandale et discorde dans un ménage, quand une femme en sait autant ou plus que le mari.
CONSIDERANT :
52o. Combien les femmes deviennent négligentes, paresseuses, hautaines, exigeantes, acariâtres, peu soumises, pour peu qu'elles sachent lire et écrire ; combien est insoutenable celle qui vise à l'esprit ou au savoir, celle qui parle comme un livre.
XII.
LA RAISON veut que les maris soient les seuls livres de leurs femmes ; livres vivans, où nuit et jour, elles doivent apprendre à lire leurs destinées.
XIX.
LA RAISON souffre de voir les femmes grossir le troupeau des gens de lettres ; elles ont assez déjà des infirmités attachées à leur sexe, sans s'exposer encore à celles de cette profession.
LIV.
La voix d'une femme parmi les législateurs ferait nécessairement cacophonie.
Qu'elles aillent plutôt au marché !
LXXVIII.
Aussitôt que ce projet de loi aura obtenu sa sanction par la pluralité des suffrages, chacun des chefs de maison donnera une fête à sa famille, pour y proclamer ladite loi, dans l'intervalle du repas aux danses.
En même tems, il fera jeter au milieu d'un feu de joie tous les livres et instrumens à l'usage de l'éducation factice des femmes.
[Sylvain Maréchal 1801]
Considérant:
33º. Que la qualité de "femme qui sait lire", n'ajoute rien aux titres sublimes et touchans de "bonne fille", "bonne épouse" et "bonne mère", ni aux moyens d'en remplir les devoirs doux et sacrés.
La Raison veut que les sexes diffèrent de talens comme d'habits.
Il est aussi révoltant et scandaleux de voir un homme coudre, que de voir une femme écrire; de voir un homme tresser des cheveux, que de voir une femme tourner des phrases...
Considérant:
39º. La mort précoce de plusieurs jeunes filles que leurs mères avaient condamnées à l'étude des langues et à d'autres sciences toutes aussi peu compatibles aux forces et aux goûts naturels d'une jeune personne.
Considérant:
5º. Que l'intention de la bonne et sage nature a été que les femmes exclusivement occupées des soins domestiques, s'honoreraient de tenir dans leurs mains, non pas un livre ou une plume, mais bien une quenouille ou un fuseau.