Nous reprenons, en l'accommodant à notre manière « Venus in furs » l'ode sado-maso du Velvet Underground, guitares saturées sur rythmique hypnotique mâtinée d'indianisme, extrait du fameux album à la banane d'Andy Warhol dont une légende urbaine tenace, peut-être pas dénuée de fondement, prétend que la colle de certains exemplaires numérotés contenait du L.S.D.
Au début, je suis obligé de m'aider d'un bout de papier pour ne pas oublier une partie des paroles, riches et suggestives :
Kiss the boot of shiny, shiny leather
Shiny leather in the dark
Tongue of thongs, the belt that does await you
Strike, dear mistress, and cure his heart
Ce morceau inspiré par le roman éponyme de Leopold von Sacher-Masoch est d'un autre niveau que les chansons mièvres des Yéyés qui copient les Américains faute de compositeurs, et assènent leurs rimes indigentes par manque d'auteurs.
Le plus ardu est de se rapprocher des sons de la guitare Ostrich de Lou Reed. Toutes les cordes sur la même note, seuls les octaves diffèrent.
Par chance, Johan, un bassiste réunionnais que nous ne tarderons pas à intégrer au groupe, vient à la rescousse. Il s'est fabriqué une basse fretless. Accordée spécialement à notre intention pour ce morceau.
Fluet et décharné, l'allure d'un moineau agrippé à son fil télégraphique, le regard ailleurs derrière d'épaisses lunettes de myope, ce mathématicien émérite fait bouillir la marmite en enseignant chez les curés. Mais sa vraie vie est ailleurs.
Johan est homo, ce qui est banal. Il est aussi transformiste, ce qui l'est moins.
On ne l'a pas reconnu la première fois qu'il a débarqué à l'improviste, accoutré en femme. Robe moulante rouge et talons hauts, perruque brune ondoyante, maquillage de starlette et lentilles de contact vertes. Il voulait nous faire une surprise. C'est réussi. Doublement. Car il ajoute à son talent d'acteur une voix de soprano. Traînante et légèrement voilée, proche de celle de Karen Dalton.
Une illustre inconnue en France... Bob Dylan avait débuté avec elle à Greenwich Village. Il affirmait qu'elle égalait Jimmy Reed à la guitare et chantait aussi bien que Billie Holiday. Avis de connaisseur.
Bien qu'ils ne jouent jamais ensemble (et pour cause !) seuls les initiés établissent la corrélation entre ce bassiste efficace d'allure effacée, et cette nana pétillante et exubérante qui interprète invariablement deux chansons à la suite. Jamais plus. C'est son label. Sa marque de fabrique. Une ballade enveloppante prélude à un rock fracassant. Clones de Joan Baez et Tina Turner compatibles...
Retour en coulisses de « Jenna » ondulante et papillonnante. Reprise de thèmes rock-pop assourdis grâce à un bassiste revenu on ne sait d'où...
Johan aimerait présenter officiellement son numéro. Pourtant, il en diffère l'annonce. Temporise. La crainte de perdre son boulot si ça venait à se savoir en dehors du club ?