La Dispute

La Dispute est l'une des admirables comédies sociales de Marivaux qui se présentent presque sous forme d'expériences scientifiques à scène ouverte. Il y est ici question de l'origine de l'infidélité conjugale. Est-elle chose mâle ou chose femelle ?

À main gauche, Hermiane, convaincue qu'il s'agit d'une malfaçon viscéralement masculine. À main droite, le Prince, qui, somme toute n'en disconvient pas mais considère que la chose doit être analysée plus finement.

Pour ce faire et puisque la controverse avait déjà éclaté du temps de son père, le Prince propose de mettre à exécution une expérience préparée de longue date par son défunt aïeul, qui lui était convaincue que l'inconstance était de sexe féminin.

Le vieil homme avait soigneusement fait élever trois couples de jeunes enfants, trois garçons et trois filles, tous isolément et n'ayant pour seule fenêtre sur le monde extérieur que deux domestiques noirs qui pourvoyaient à leurs besoins, tels des parents adoptifs.

Le temps est donc venu, dix-huit ans plus tard de libérer ces jeunes jouvenceaux et jouvencelles afin d'étudier leurs réactions vis-à-vis de leurs semblables du sexe opposé et d'allure si différente des domestiques qui les ont élevés jusqu'alors.

Il s'agit donc d'une mise en abîme de théâtre dans le théâtre puisque nous sommes spectateurs de la dispute entre Hermiane et le Prince, eux-mêmes spectateur des moindres faits et gestes d'Églé, Azor, Adine, Mesrin, Dina et Meslis.

Je vous laisse le loisir de découvrir les résultats de l'expérience, pas exactement à la hauteur d'aucuns des spectateurs et commanditaires. Toutefois, c'est encore l'occasion pour Pierre de Marivaux d'étriller un peu plus les a priori d'où qu'ils sortent et de nous faire réfléchir sur la condition de l'humain, avec ses qualités et ses travers.

J'ai beaucoup aimé cette pièce de théâtre digne d'une expérience anthropologique et comportementale : qui de la femme ou de l'homme est le premier a être infidèle ?
Si personne n'en saura jamais la réponse, j'ai trouvé cette pièce d'une finesse et d'une grande modernité, qui se termine avec une belle morale.
Un théâtre expérimental et presque psychologique qui porte à réflexion sur les relations humaines.

Étrange et inquiétant prérequis : deux filles et deux garçons enlevés au berceau sont élevés séparément sur ordre du Prince par un couple de serviteurs noirs. Ils ne voient aucune figure humaine, sinon leurs éducateurs, et n'ont même pas droit au miroir. Dix-huit ans plus tard, le fils du Prince emmène son amante Hermiane pour « un spectacle très curieux ». Hermiane s'étonne : « Je n'y comprends rien. Qu'est-ce que c'est que cette maison, où vous me faites entrer, et qui forme un édifice si singulier, que signifie la hauteur prodigieuse des différents murs qui l'environnent ? Où me menez-vous ? ». le « spectacle très curieux » vise à éclaircir une « dispute » par la mise en présence des adolescents : dans l'état de nature, les hommes sont-ils plus inconstants que les femmes ou l'inverse ? Peu importe le marivaudage qui suit et la conclusion de la dispute, c'est l'expérimentation et les cobayes humains qui frappent. Chéreau ne s'y est pas trompé, qui pour sa mise en scène ajoutait un prologue inquiétant à la pièce, déclarait : « Marivaux tient la porte, Sade fait son entrée », et pensait qu'au terme de l'expérience le Prince pouvait aussi bien supprimer ses cobayes. Hermiane n'est pas non plus enchantée. Elle clôt la pièce par une ultime réponse au Prince : « Croyez-moi, nous n'avons pas lieu de plaisanter. Partons ».

La Dispute est une pièce de théâtre philosophique écrit pendant le siècle des Lumières. Elle pose une question sur la nature originelle de l'homme. Cette question a été beaucoup reprise par de nombreux traités philosophiques durant ce siècle. Et plus précisément dans cette pièce Marivaux met en place une expérimentation pour répondre à la question suivante : " Qui entre l'homme et la femme fût le premier inconstant ?".

Le spectateur assiste tout au long de la pièce à cette expérimentation en même temps que les personnages Hermiane et le Prince qui a mis en place cette expérience.

Cette pièce m'a beaucoup plu car elle est très bien construite, elle permet au lecteur de se questionner et de faire mûrir sa réflexion.
Elle permet de se faire sa propre opinion sur la réponse à la question puisque le dénouement est ouvert. Il ne répond pas à la question.
En plus même si cette pièce a une fonction instructive, elle est aussi très divertissante puisqu'elle tourne au ridicule les personnages qui sont soumis à l'expérimentation. Ce qui permet de faire ressortir leurs vices et leurs défauts.

Cette comédie en un acte est l'une des dernières de Marivaux .On y retrouve l'habituel chassé croisé amoureux mais ici utilisé comme outil d'expérimentation in vivo sur plusieurs couples afin de déterminer qui de l'homme ou de la femme est à l'origine de l'infidélité ( sujet classique de dispute de salon). Les cobayes sont des jeunes gens élevés à l'écart de la société par des domestiques noirs (les seuls du théâtre de Marivaux) . Ils sont successivement mis en présence les uns des autres pour former des couples dont on scrute la fidélité . Cette étrange expérimentation sur l'inné et l'acquis n'aboutit bien entendu à rien . Les dialogues sont charmants et pleins de verve mais le sujet un peu trop abstrait et invraisemblable pour qu'on s'y attache .J'ai le souvenir d'avoir assisté à une merveilleuse mise en scène de Patrice Chéreau en 1975 je crois.

Les comédies de Marivaux ont un charme unique grâce à leur style et leurs personnages à la fois fouillés psychologiquement et représentatifs de la comedia dell'arte. Cette pièce cie est particulièrement gracieuse et enjouée et propose avec finesse une réflexion sur la superficialité des passions immédiates.

Dans mon groupe de théâtre, (niveau collège), nous avons joué cette pièce, peu adaptée à nos âges, peu l'ont comprise, mais l'histoire était intéressante, même si la fin était étrange...