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EAN : 9782889011193
Editions Antipodes (01/05/2016)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Ce numéro traite des luttes féministes autour des reconfigurations d'une « morale sexuelle contemporaine » qui s'efforce, au-delà des normes religieuses traditionnelles, de définir les comportements convenables, acceptables, légitimes, valorisés, ou au contraire répréhensibles ou stigmatisés. À travers des objets divers comme la contraception, la prostitution, la SlutWalk, le consentement des patientes en gynécologie, la régulation des naissances dans le mariage cat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Puissance du collectif et prise en charge totale de nous-même

« Ce numéro se propose de mettre en évidence la contribution originale, décisive et parfois aussi ambiguë des luttes féministes à la reconfiguration d'une « morale sexuelle » qui s'efforce, au-delà des normes religieuses traditionnelles, de définir les comportements acceptables, légitimés, valorisés ou au contraire répréhensibles ou stigmatisées »

Dans leur éditorial, Marta Roca i Escoda, Anne-Françoise Praz et Eléonore Lépinard rappellent la convergences de luttes féministes vers l'objectif de « contester la construction structurelle, mais aussi normative de la séparation privé/public » et interrogent les « ressorts profonds des convergences et des divergences ». Elles développent autour de trois points : « Sexualité et domination masculine : une base commune de revendication », « Sexualité et identité sexuée : tension au sein du féminisme », « Sexualité et divisions des féministes : des divergences tactiques… et davantage ? ».

Il me (je suis dubitatif sur le terme même de « morale(s) sexuelle(s) ») semble que certaines divergences sont liées aux contextes différenciés, aux imbrications distinctes (et à leurs perceptions) des rapports sociaux et aux tensions et contradictions internes à ceux-ci qu'il faut « habiter » et non « nier, » à la temporalité (dont l'urgence) de certaines revendications, à l'oubli quelque fois de l'historicité des constructions sociales… Sans oublier qu'aucun groupe social ne peut se représenter (ou être représenté) comme uniforme (ce qui ne dit rien des processus d'unification possibles). Les choix démocratiques impliquent de faire vivre les dissensus, cela passe aussi par l'expression la plus vive des accords et des désaccords. Je partage donc la conclusion des auteures, « A travers les différents textes proposés, la morale sexuelle apparaît comme au coeur du projet féministe, et donc de ses divisions. Pour autant, le recul historique et l'analyse des débats sur la sexualité suggèrent que nous ne devrions pas chercher à résoudre ces tensions, mais plutôt reconnaître leur existence, car c'est à cette condition que les féministes peuvent prendre conscience des conséquences parfois non désirées de leurs revendications et de leurs actions pour « toutes » les femmes, et c'est également à cette condition que des alliances, et des changements radicaux, deviennent possibles »

Cinq textes composent le « Grand angle ». Quelques éléments.

Élisabeth Mercier aborde la SlutWalk, les marches de nuits, le dénuement et les controverses entre militantes féministes sur ce sujet. Je ne suis pas convaincu par ces analyses en termes de « respectabilité » ou d'« acceptabilité » et je regrette la banalisation des termes « travail du sexe », « pro-sexe » ou « tenue sexy »

Lucile Quéré aborde le consentement et la gynécologie, la politisation d'espaces traditionnellement considérés comme non politiques (ici, « à la porte du cabinet médical »), le droit des patient-e-s, les frontières entre espace public et science, le Women's Health movement, les centres autogérés d'avortement, le mouvement de self help gynécologique ou auto-examen, la revendication « d'avoir les moyens de choisir en connaissance de cause »…

L'auteure analyse « L'émergence d'une mobilisation féministe sur le consentement médical », l'exemple des « touchers vaginaux » sous anesthésie générale, la notion de consentement issue de la loi de 2002 (« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut-être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment »), les discours d'autorité sur la sexualité. Elle parle, entre autres, de l'utilisation de témoignages, de « publiciser les expérience privées », d'information et de savoirs profanes, de politisation du cabinet gynécologique.
Christine Levy présente des débats autour de la contraception et de l'autonomie des femmes au Japon, l'image de la pilule, le refus de la « déresponsabilisation » des hommes, le droit à l'avortement. Elle souligne les contextes historiques dont les politiques démographiques, les mobilisations contre la remise en cause de la loi sur l'avortement, les critiques sur la pilule, « il est question de rester soi-même, sans céder aux exigences masculines, et défendre son corps de femme contre les méfaits de la technologie moderne ». Comprendre des conceptions apparemment opposées nécessitent bien une contextualisation. Les effets de la « liberté » sexuelle, ont bien quelque chose à voir avec les inégalités sociales, dont celles de genre.

Christine Machiels revient sur des discours sur la prostitution et le mariage (1883-1906) dans une partie de l'espace francophone. Prostitution, mariage, sexualité conjugale, femmes honnêtes, contrôle de la sexualité, débats entre abolitionnistes et réglementaristes, double morale, interventionnisme public, surgissement de la parole des femmes sur la sexualité… Reste qu'il faudrait mettre en regard ces discours de féministes et les pratiques réelles des femmes dans les différentes couches sociales.

Magali Della Sudda souligne le questionnement de la morale sexuelle chez des femmes catholiques. Loin d'une unanimité prêtée car non questionnée, de l'« enfermement » des un-e-s dans la stricte sphère religieuse, l'auteure interroge « les conditions d'efficacité d'un discours régulateur de pratiques sexuelles et sur les possibilités de contestation intra-institutionnelles de ces normes sexuelles ». Catholicisme, continence et chasteté, procréation comme finalité première, morale rigoriste… « le féminisme catholique questionne de l'intérieur la dimension patriarcale de l'Eglise ». Des femmes prennent la parole, donnent leur avis sur un texte du magistère, une encyclique, « réelle déception pour beaucoup de catholiques ». Des refus fondés sur les expériences de femmes, « expérience d'épouse et de mère », des lectures plus personnelles des textes…

L'auteure souligne certaines interventions, sur ce « devoir conjugal » très asymétrique « en raison de l'inégalité des sexes devant l'expression du désir », la contradiction « entre morale sexuelle fondée sur la continence et une naturalisation du désir masculin à laquelle renvoie cette notion de devoir conjugal », une sexualité conjugale marquée par la double morale, l'intervention d'un « intrus » (le pape) dans l'intimité… « La sécularisation de l'intime rend dicible, de manière subtile, une sexualité non contrainte par le devoir et qui ne soit pas dictée par les impératifs procréateurs ». Il s'agit ici de l'affirmation de la subjectivité des femmes, même si « l'affirmation d'un désir féminin reste quant à elle timide et liminale » et que domine « le primat de la conjugalité matrimoniale ».

En complément du dossier, j'indique le texte de Fatiha Ajbli sur les « françaises voilées », les questions de la visibilité, de l'invisibilisation, de l'hypervisibilité, d'occupation de l'espace public, « les différenciations racisées et sexuées des modes de fréquentation de l'espace public », les moyens pour échapper à l'assignation religieuse, les ajustements vestimentaires… Je note cependant l'extension de ces problématiques à « la plupart des salarié-e-s musulmanes », en doutant de la pertinence de cette nomination par ailleurs extensive, elle-même essentialisante…

Nicole Mosconi traite de l'excellente et de l'égalité des chances à l'école. L'égalité des chances n'est pas l'égalité, l'excellence est bien un moyen de distinguer/classer des meilleur-e-s des autres. L'affichage des perspectives de l'école publique masque bien les réalités des rapports sociaux.

Je souligne le petit article de Francis Dupuis-Déri sur « un tueur de femme plutôt banal » prolongeant son article dans le précédent numéro de la revue.

'ai aussi particulèrement apprécié l'entretien avec Guilaine Enoc, militante du MLAC à Aix et à Lyon dans les années 1970-1980 (le titre de la note est inspiré d'une de ses analyses) et le dernier texte de présentation de timult l'écriture en chantier.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
A travers les différents textes proposés, la morale sexuelle apparaît comme au coeur du projet féministe, et donc de ses divisions. Pour autant, le recul historique et l’analyse des débats sur la sexualité suggèrent que nous ne devrions pas chercher à résoudre ces tensions, mais plutôt reconnaître leur existence, car c’est à cette condition que les féministes peuvent prendre conscience des conséquences parfois non désirées de leurs revendications et de leurs actions pour « toutes » les femmes, et c’est également à cette condition que des alliances, et des changements radicaux, deviennent possibles
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Ce numéro se propose de mettre en évidence la contribution originale, décisive et parfois aussi ambiguë des luttes féministes à la reconfiguration d’une « morale sexuelle » qui s’efforce, au-delà des normes religieuses traditionnelles, de définir les comportements acceptables, légitimés, valorisés ou au contraire répréhensibles ou stigmatisées
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