La première case débute comme un soir de théâtre : noir sur scène.
Puis apparaît alors un minuscule point blanc, comme une petite lumière au bout d'un tunnel. Ce point grossit, puis prend forme. Peu à peu se dessine un décor, se silhouettent des personnages. le tout zoome sur un homme, plus loin, dans une loge. Son oeil bien rond se focalise sur l'écran de son téléphone qui lui annonce un message...
De reflet en reflet, nous voilà baladé de scène en scène tout le long de notre lecture. Autant de miroirs qui nous permettent d'appréhender tous les angles d'une même séquence qui se déroule en 3 petites secondes...
J'ai toujours pensé que les concepts, et surtout dans la bande dessinée, ne donnaient jamais rien de concluant. Je donne souvent en exemple la série Sept ou les auteurs ont 46 pages pour présenter sept personnages et développer un scénario. Très peu d'albums sont parvenus à faire quelque chose de correct sur ce principe.
Ici le concept est totalement différent, puisque l'idée est de nous promener de scène en scène par le biais de reflets et de zooms, dans l'espace d'une poignée de seconde. le temps y est comme figé mais les angles sont nombreux et chaque revisite d'un lieu nous permet d'affiner notre expertise du scénario, de chercher de nouveaux indices qui nous amèneraient sur la voie de la compréhension.
Croyez-le ou non, mais j'ai trouvé ce concept intéressant, et même particulièrement réussi. Mais nous avons affaire avec quelqu'un qui sait faire, car
Marc-Antoine Mathieu n'est pas le premier venu en ce qui concerne la mise en abyme. Déjà avec Les sous-sols du Révolu, il nous avait emmené dans cette toile exposée dans le musée, toujours plus loin, dans un soucis du détail démesuré. Cet album de
3 secondes perpétue cet exercice de style à son paroxysme et nous permet de découvrir l'intrigue par petits bouts.
Une prouesse d'autant plus extraordinaire qu'elle joue sur l'espace et le temps.
L'espace bien évidemment parce qu'on est baladé d'éclat en éclat : les textes sont inversés et notre perception des choses renversée à chaque espace. On est en quête du moindre indice et j'ai trouvé assez amusant de jouer avec ces miroirs.
Le temps, aussi, a une grande importance. Car si la scène semble figée, elle avance inexorablement au fil de l'album.
Marc-Antoine Mathieu a joué avec la vitesse de la lumière et s'est servi de voyages plus ou moins longs pour faire avancer plus ou moins vite les choses.
En bref, il vous faudra bien tout regarder d'un bout à l'autre (je parle de regarder, parce que la BD est quasiment muette) pour comprendre et résoudre cette intrigue qui remue presse, politiques, justice et sportifs.
Une lecture qui prend un temps fou pour tout bien décrypter lorsqu'on veut s'en donner la peine, et qui demande une concentration certaine.
Pour approfondir après cette intense enquête, l'éditeur vous propose de visionner le film de l'album en ligne, sur internet, grâce à un code donné dans la bande dessinée. Une démarche intéressante et qui permet de jouer avec le média informatique tant redouté dans le milieu du livre.
Marc-Antoine Mathieu pionnier ?
Lien :
http://bendis.uldosphere.org..