Allez, je ne vais pas m'en cacher,
Marc-Antoine Mathieu est un de mes auteurs de BD préférés. Je n'ai pas tout lu de lui, loin de là, mais à chaque fois, il suscite chez moi un sentiment d'émerveillement sans cesse renouvelé…
Avec
Dieu en personne, j'ai craint notre première anicroche, notre premier moment d'incompréhension. C'est qu'il a placé haut la barre encore une fois, peut-être un peu trop pour moi. Il m'a fallu m'accrocher, puis lâcher l'affaire pour mieux y revenir, jusqu'à ce week-end où, motivée par un challenge babeliesque, je m'y reprenne pour au final goûter l'oeuvre…
Ainsi commence-t-elle : « Dans une file d'attente, un petit bonhomme attend patiemment son tour. Au moment de décliner son identité, il se présente sous le nom de "Dieu". Il n'a pas de domicile, pas de papiers, ni de numéro de sécurité sociale. »
Une fois le choc de la révélation passé, une fois la reconnaissance de Dieu établie, la sidération, le doute laisse place aux questionnements, puis très vite, aux réclamations, qui vont conduire Dieu à répondre de ses actes devant une cour de justice.
Au cours du procès, s'enchaînent les témoignages, de tout type de personnes, depuis les hommes politiques jusqu'aux artistes, voire individus lambda ; la question incontournable étant : Qui est Dieu ? Autant d'avis que de personnes interrogées… Pourquoi Dieu ? Autant d'attentes que d'intervenants…
Ne serait-ce pas l'humanité tout entière qui serait en audience ?
De son trait unique et reconnaissable entre tous,
Marc-Antoine Mathieu nous livre une BD incroyable, autant sur le fond que sur la forme. Même si son dessin reste un peu plus sage que d'habitude, il reste malgré tout très créatif, ne serait-ce que pour la représentation de son personnage principal, dont on ne verra jamais le visage grâce à différents stratagèmes dont il a le secret, et sans que cela ne nuise à l'ouvrage, bien au contraire.
Cette BD philosophique peut apparaître d'un abord difficile, nourrie qu'elle est par la vaste culture scientifique de l'auteur, même si ce dernier reconnaît avoir là « un discours plus ciblé sur le monde, sur la société, et ce n'est pas forcément là où il est le meilleur. », lui qui préfère « l'absurde, l'humour noir et le décalage ».
Beaucoup de points de vue sont abordés : philosophique, historique, économique, scientifique, etc., mais grâce au talent pédagogique de MAM, porté par son dessin clair et expressif, son propos reste abordable d'autant plus qu'affleurent régulièrement des pointes d'humour jouissives.
Le rythme est contenu, permettant ainsi au lecteur d'assimiler les différentes réflexions développées, sur le monde contemporain et son mode de fonctionnement, sur les valeurs humaines, sur le pouvoir devenu extrême des communicants sur un public ayant perdu tout esprit critique et recul.
Une jolie claque.