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sur 8853 notes
Une vie ou plutôt comment subir sa vie! Maupassant nous raconte la vie de Jeanne, naïve et insouciante, qui rêve de grand amour et qui se retrouve confrontée à la désillusion du mariage. Maupassant se sert de la résignation de Jeanne face à tous ses malheurs pour encore une fois présenter les travers de la société du XIXème siècle. Un très bon roman si l'on aime Maupassant, un incontournable!
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Une vie est facile à lire grâce au merveilleux sens de la narration de l'auteur, ce qui compense largement le style un peu désuet.

Jeanne vient de sortir de son couvent et espère beaucoup de sa nouvelle existence, qui sera malheureusement bien loin de ses rêves. Ses parents pourtant ne pensent qu'à la rendre heureuse. Ils acceptent qu'elle épouse un homme moins riche qu'elle, Julien.

Les femmes sont nombreuses dans ce récit (Jeanne, Adélaïde, la mère de Jeanne, Rosalie, sa soeur de lait) et c'est leurs histoires que l'auteur raconte. Je ne vous apprendrai rien en vous annonçant qu'elles comptaient pour du beurre aux yeux de beaucoup de gens. Quant à la vision que Guy de Maupassant nous donne des femmes, elle n'a rien de bien réjouissant.

Bien sûr, l'écriture est désuète, bien sûr sa vision des femmes a quelque chose d'agaçant, mais Maupassant a un sens de la narration remarquable qui rend la lecture facile et addictive.

De plus, si nous nous concentrons beaucoup sur les femmes de cette histoire, ce n'est pas ce dont Maupassant a voulu parler, mais plutôt des aléas de la vie.

Lien : https://dequoilire.com/une-v..
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" Car la vie, voyez-vous, conclura Rosalie, sa fidèle servante, çà n'est jamais si bon et si mauvais qu'on croit. "

À sa sortie de couvent, Jeanne la romantique, persuadée d'avoir trouvé le grand amour en la personne de Julien de la Mare, entrevu peu de temps après sa sortie de couvant, de la même lignée Aristocratique, n'hésite pas sceller son destin à cet homme séduisant, aux attentions bien rodées. Leur union célébrée, Jeanne déchante très vite lors de leur nuit de noces en découvrant le vrai visage de son époux, un homme rustre, loin de l'image romantique dont il usait pour la séduire. Ses rêves de jeune fille brisés, affaiblie par des années de souffrance, trompée, trahie, ruinée et abandonnée par ses proches, c'est auprès de Rosalie, la fidèle servante qu'elle avait autrefois injustement chassé que Jeanne trouvera un tant soit peu de réconfort.

Une vie est sans conteste un grand classique De Maupassant. Cependant, les premières pages pour décrire les lieux, les situations, les évènements et cette attente du grand amour dont Jeanne rêve tant m'ont paru longues et ennuyeuses. J'ai pris un réel plaisir à lire cette oeuvre lors de la rencontre des deux principaux protagonistes.

Maupassant nous décrit une jeune femme dont le romantisme est tel qu'il lui ôte le discernement nécessaire sur ce qui l'entoure, la plongeant dans la vie avec une certaine naïveté, sans défense, presque sans volonté d'action, subissant humiliations et supercheries de son entourage. Sa passivité peut parfois " agacer " le lecteur. Mais peut-on réellement lui reprocher ses faiblesses? Les cinq années passées dans un couvent pour parfaire son éducation, n'auront-elles pas plutôt causé sa perte, n'étant pas suffisamment armée pour une vie ?

Un magnifique classique De Maupassant, qui puise sa force et son élégance dans un français des plus remarquables. Admirable!
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Un très beau livre, écrit dans une langue magnifique. Maupassant à observé très finement les moeurs de son temps et la psychologie des femmes, ce qui en fait pour moi l'un des meilleurs livres de cette fin du XIXème siècle. Contenant
Ce livre reflète la violence de la condition Féminine. Ça sonne juste et l'émotion est la, renforcée par la musique des phrases ; la galerie de personnages familiers, domestiques, curés, parents... est tres vraie. On passe du bonheur a la douleur, du rire aux pleurs, et l'on vit avec Jeanne, victime du comportement de son mari, sa longue descente aux enfers ; sa relation à son fils est tres bien vue également.
Un vrai roman féministe avant l'heure !
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J'ai beaucoup aimé découvrir Pierre et Jean il a quelques mois et j'ai acheté Une vie comme un petit trésor à mettre de côté pour le lire le moment venu. C'est ma deuxième lecture durant le confinement, un éblouissement.
Jeanne, innocente, sortie la veille du couvent, a tout pour être heureuse à dix-sept ans, choyée par des parents aimants, elle appartient à la petite noblesse normande, "prête à saisir les bonheurs dont elle rêvait depuis si longtemps.". Mais elle n'a pas le caractère révolté et passionné de Madame Bovary, elle va beaucoup se résigner et souffrir. Croyant épouser le prince charmant en la personne de Julien, sa déconvenue sera immense, la douceur apparente de la campagne normande entre gens "bien nés" masque l'hypocrisie qui règne dans les familles et au sein de l'église.
Les descriptions sont minutieuses, détaillées, sans analyse psychologique. Il émane une certaine mélancolie de ce court roman sans concessions, Maupassant croque les personnages avec justesse et mordant, sans être moralisateur. Les paysages et la nature sont au coeur de ce récit intense, riche en portraits savoureux d'ecclésiastiques, paysans et nobles de province , les adultères et les intérêts financiers règnent en maître.
Je me suis attachée à Jeanne...
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Quelle dégustation! C'est avec grand plaisir, dès les premières pages, que je me suis réconciliée avec le talent incontestable de narrateur de Guy de Maupassant. Que dire de ce livre ou de cette Jeanne qu'on voit toute chaste, toute naïve, qui sort du couvent comme une fleur aux milles promesses des princesse de mille et une nuit, et qui va peu à peu se flétrir , quand devenue épouse, elle doit faire face à des réalités auxquelles elle n'était pas préparée... puis vient le crépuscule, elle semble se relever de ses flétrissures tant le soleil l'a beaucoup frappée, que, sa peau s'est quelque peu endurcie...on ne peut que s'attacher à cette fille...
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Lorsqu'on parle de ce roman certains évoquent l'émouvante banalité quotidienne de cette vie sans relief et d'autres regrettent le manque de complexité psychologique des personnages...

Pour ma part j'ai trouvé ce roman splendide. Il ne s'agit pas vraiment d'un roman psychologique mais d'un tableau ou plutôt d'une succession de peintures naturalistes, impressionnistes ou luministes qui dessinent la silhouette à la fois forte et fragile d'une femme qui ploie sans jamais rompre sous les évènements heureux et tragiques d'une existence ordinaire. Une silhouette qui s'immerge dans des paysages et des espaces changeants dont la lumière, les couleurs, les formes, le relief, sont minutieusement décrits par touches délicates dans un style limpide et reflètent les états d'âme de cette femme. Ce sont ces tableaux qui montrent son univers intérieur et en disent plus que toute psychologie alors même qu'elle semble en surface lisse, passive et résignée face aux coups du sort, seulement animée de son amour pour son fils. Des tableaux qui décrivent un clair de lune sur les terres d'un manoir normand en bord de mer, les reflets des rayons du soleil sur l'eau que traverse une embarcation, les couleurs aveuglantes des paysages corses, mais aussi la pénombre d'une maison vide, d' un jardin d'Automne...

Une vie ce sont ces images, ces objets, ces lieux qui nous restent en mémoire quand tout a disparu autour de nous et qui portent en eux le souvenir et l'essence même des êtres que nous avons aimés ou rencontrés sur notre route, et surtout de notre propre identité. Et lorsque Jeanne se retrouve seule et déracinée en quittant sa maison, perdant tout repère, elle devient comme son vieux chien fidèle, Massacre, qui erre dans des espaces vides et dénués de sens en attendant la mort. Cette dernière partie du roman est magnifique. Mais Maupassant n'a pas voulu faire un mélodrame et plutôt que de terminer sur la mort de cette femme et sur le désespoir de l'échec d'une vie, il apporte au contraire une dernière lueur qui va réveiller Jeanne pour quelques temps encore. L'image de ce point noir d'un train qui entre en gare est le dernier tableau qui redonne des couleurs à un univers devenu terne et vidé de sa substance. Une vie ce sont aussi ces variations de l'intensité lumineuse que l'on projette autour de soi.

A distance ce roman prend une ampleur bouleversante et j'en retiens un kaleidoscope de sensations purement picturales qui en font un chef d'oeuvre.
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Normandie, au 19ème siècle.
Jeanne, dix-sept ans, quitte le couvent dans lequel elle a suivi toute sa scolarité. Elle retourne dans le manoir de ses parents et y retrouve les joies du cocon familial. Peu de temps après son retour, elle fait la connaissance d'un jeune homme dont elle tombe amoureuse. le mariage est très vite organisé et la vie conjugale va vite se transformer en désillusions pour la jeune mariée dont l'époux changera de comportements en très peu de temps.
Une chronique sociale qui aborde la famille, les tromperies et l'amour maternel durant la période de la Restauration en France.

Premier roman de Guy de Maupassant, ce livre est publié pour la première fois en 1883 sous le titre "L'humble vérité". L'auteur y évoque plusieurs thèmes propres à la littérature du 19ème siècle.
[...]
"Une vie" nous plonge dans l'histoire d'une famille aristocrate normande. le manoir de la famille est proche des côtes, situé en bord de mer. Jeanne le Perthuis des Vauds est la fille unique du baron Simon-Jacques et de la baronne Adélaïde, des parents riches, bons et aimants dont le bien-être de leur fille est leur priorité. Alors que la scolarité de Jeanne se termine au couvent de la région, ils lui aménagent un appartement douillet au sein de la demeure familiale.
Jeanne reprend ses habitudes, va se baigner, se promener dans la nature et dans le village. Elle finit par rencontrer Julien de Lamare, un jeune homme très beau, bien élevé et agréable. Les jeunes gens tombent amoureux et les noces sont organisées en quelques semaines.
[...]
La famille de Julien est ruinée ce qui ne dérange en rien les parents de Jeanne, trop heureux du bonheur de leur fille. le couple part en voyage de noce en Corse avant de s'installer dans le manoir. Dès leur retour, Julien change de comportement. C'est un homme avare et volage, qui se désintéresse de son épouse. Jeanne devra faire face à ces désillusions, tromperies, infidélités et à sa solitude alors qu'elle avait si longtemps imaginé épouser l'homme parfait qui la comblerait de bonheur. Un enfant naîtra tout de même de cette union et Jeanne s'accrochera très fort à cette maternité, reportant tout son amour sur son fils.

La description des personnages est un travail minutieux. On se prend vite d'affection pour Jeanne qui devra faire face à son destin. Ses parents sont adorables, les caractères sont décrits avec beaucoup de soin. D'autres portraits faisant partis de l'entourage direct de la famille sont évoqués.

Comme tout auteur naturaliste, Guy de Maupassant nous détaille tellement bien les lieux et l'environnement de l'histoire que l'on s'y croirait presque. Je n'ai eu aucun mal à voir les paysages et l'intérieur du manoir, à imaginer physiquement les divers personnages ainsi que leurs manières et leurs attitudes. J'ai trouvé dans cette lecture beaucoup de ressemblances avec "Madame Bovary" de Gustave Flaubert. J'y ai essentiellement retrouvé des similitudes entre le personnage de Jeanne et celui d'Emma Bovary surtout s'agissant de leur côté romantique, de l'attente du grand amour puis de leurs désillusions. Emma recherche le bonheur dans son infidélité alors que Jeanne le trouve dans l'amour exclusif qu'elle porte à son enfant.
Je suis vraiment ravie d'avoir enfin découvert ce grand auteur de la littérature française car cette lecture a été un véritable plaisir. Ce livre m'a fortement réconcilié avec la littérature classique.
Lien : http://labibliothequedemarjo..
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Avec son roman Une vie, Guy de Maupassant nous offre à voir effectivement une vie. Une parmi tant d'autres. Évidemment, il n'a pas livré la plus joyeuse.

Pauvre petite Jeanne... Elle souffre de sa condition de femme au XIXème siècle. Élevée au couvent, sortie à 17 ans, mariage dans la foulée ou presque (quelques mois après).
Sauf que son mari est loin d'être un homme bien. Avare, sans délicatesse, négligeant sa femme pour batifoler avec la bonne, etc. Mais qu'il était beau et charmeur le temps de sa cour et des fiançailles... Notre petite Jeanne le regardait alors avec le même enthousiasme charmant et enfantin qu'elle admirait les perspectives océanes depuis la fenêtre de sa chambre. Elle le trouvait un Prince charmant, lui a vu en elle le moyen de remonter la fortune dilapidée par son défunt père. Cette union donne raison à un vieux proverbe "L'amour est aveugle, le mariage lui rend la vue".

Aux désillusions de Jeanne s'ajoute l'ennui. Une femme de sa condition ne peut travailler. C'est Emma Bovary sans la recherche des émois dans l'adultère. Mais comme l'héroïne de Flaubert, elle a rêvé sa vie. L'homme rencontré serait forcément l'âme soeur pure et angélique, l'amour une osmose éthérée. La nuit de noce lui révèle d'emblée l'aspect plus... matériel et organique du mariage. Elle le supporte en se disant qu'elle appartient à son mari. A mes yeux, cette première consommation charnelle s'apparente à un viol.
Si dès les prémices de la lune de miel, Jeanne sent le rouge de la honte monter à son front plus souvent qu'à son goût par l'attitude mesquine de son époux, elle réussit à vivre une période de bonheur dans la sauvagerie des paysages corses.
De retour dans son village normand, la réalité fait voler en éclat ses dernières illusions. Tout devient gris et morne à ses yeux. Elle regarde devant l'horizon sans fin des jours à venir en tant que femme mariée. Chacune de ses journées ressemble à la première. Plus d'évolution, plus de rêve, plus d'avenir, plus d'espérance. Plus rien qu'un présent infini et désolant d'hébétude à force d'ennui.
De cocufiage en maternité, de mortification en exultation devant l'enfant chéri, on suit la vie de Jeanne entourée de son petit monde.
Si j'ai pu ressentir beaucoup de compassion pour Jeanne en épouse bafouée et humiliée par un Julien avare et sordide, Jeanne en mère m'a énervée très très souvent. On peut comprendre ce besoin de se livrer à l'objet de son affection, de déverser des torrents de tendresse maternelle et d'amour jusque là frustré. Mais en toute chose il est bon de respecter un certain équilibre. Résultat de son asservissement à son fils, la ruine morale et financière. Habitué à agir non en accord avec de solides principes mais au gré de ses envies, Paul, surnommé tendrement "Poulet" par sa maman,  se lance dans tout et n'importe quoi, accumulant dettes et mauvaise réputation, flétrissant aux yeux de son noble entourage son titre de vicomte par un concubinage avec une prostituée.
Cette seconde partie du roman tend à donner envie au lecteur de se faufiler entre les pages afin de recadrer vertement la mère et le fils. Ce que fera la brave Rosalie, soeur de lait de Jeanne et son ancienne servante dont on s'était débarrassé lorsqu'elle accoucha de l'enfant de Julien. Femme de tête et de principe, elle mena une vie dure de labeur mais digne auprès d'un mari "cache-bâtard" au départ. Leur union fut malgré cela une union équilibrée et clémente. Son fils, demi-frère de Paul, est sa parfaite antithèse : sérieux et travailleur.
Venue à la rescousse d'une Jeanne éplorée et acculée par la prodigalité de son Poulet, Rosalie reprend en main le foyer et mène d'une main ferme une Jeanne amorphe et languissante.

Dans ce roman normand, Maupassant ne vend guère de rêve quant à l'institution du mariage. Il démontre les défauts d'une société où l'on tient les jeunes vierges dans une ignorance crasse des réalités de la vie de femme dans ses divers états d'épouse et de mère.
S'il fait figurer une galerie somme toute restreinte de personnages, il leur offre des personnalités bien caracterisées. le vieux curé plein de mansuétude et de compréhension pour les us et coutumes de ses "fidèles" paroissiens est tout particulièrement savoureux. Quelle différence avec son successeur à la cure, jeune prêtre fanatique qui semble tout droit sorti des pires moments de l'Inquisition.

La qualité d'écriture De Maupassant n'est plus à démontrer. Son récit se lit avec plaisir, du point de vue du style. Quant à l'intrigue, je l'ai suivie avec des ressentis mitigés comme expliqué ci-dessus. Cette lecture n'est globalement guère réjouissante. Maupassant y glisse heureusement quelques traits humoristiques avec le curé ou les façons saugrenues de leurs plus proches voisins membres de la noblesse.
Après Bel-Ami, je poursuis ma découverte De Maupassant romancier après l'avoir plus longtemps apprécié pour ses contes et nouvelles. A poursuivre avec Pierre et Jean ou Mont-Oriol qui sont dans ma bibliothèque.
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Autres temps, autres moeurs, nous sommes au XIXème siècle.
Le baron Simon-Jacques le Perthuis des Vauds « disciple enthousiaste de J.-J. Rousseau » a placé sa fille, Jeanne, au couvent du Sacré-Coeur à Rouen.

« Elle était demeurée jusqu'à douze ans dans la maison, puis, malgré les pleurs de la mère, elle fut mise au Sacré-Coeur. Il l'avait tenue là sévèrement enfermée, cloîtrée, ignorée et ignorante des choses humaines. Il voulait qu'on la lui rendît chaste à dix-sept ans pour la tremper lui-même dans une sorte de bain de poésie raisonnable ; et, par les champs, au milieu de la terre fécondée, ouvrir son âme, dégourdir son ignorance à l'aspect de l'amour naïf, des tendresses simples des animaux, des lois sereines de la vie ».

Jeanne, à dix-sept ans, sort du couvent et rêve de vivre. Elle idéalise la vie. Elle demande, sans plus attendre, malgré la pluie à verses, d'être conduite, dans les environs d'Yport, au château des Peupliers, que le baron a fait restaurer et embellir pour lui léguer.

Jeanne à la naïveté désarmante, prête autant à rire qu'à pleurer, plutôt à pleurer car sa vie est une suite de déconvenues où les rares moments de grâce sont suivis de disgrâce.

Je me suis livrée enchantée aux délices de la belle plume de Guy de Maupassant, où les longues descriptions de la campagne normande correspondent aux sentiments de Jeanne, anticipent l'intrigue et font office d'analepses et prolepses. L'immersion est immédiate. le récit, sous forme de quatorze chapitres, est comme un feuilleton addictif dont on brûle de connaître la suite.

Cependant, à l'heure des bilans, le sortilège s'est estompé.

La personnalité de Jeanne est touchante et vraisemblable, si elle n'était poussée à des extrêmes. Elle espère tout de l'amour dont elle ignore tout. N'ayant reçu aucune éducation sexuelle, elle s'étonne qu'après son mariage que son mari lui demande à être sa femme :

« Julien effleura son oreille de sa bouche :
– Ce soir vous serez ma femme.
Quoiqu'elle eût appris bien des choses dans son séjour aux champs, elle ne songeait encore qu'à la poésie de l'amour, et fut surprise. Sa femme ? ne l'était-elle pas déjà ? ».

La nuit de noces s'avère une torture.

Déçue par Julien, elle reporte tout son amour sur Paul, son fils, de façon possessive et exclusive, elle commet la même erreur éducative que le baron envers elle-même.

Malgré tous ses déboires, Jeanne reste foncièrement bonne.

De façon générale, les personnages sont stéréotypés. Guy de Maupassant cherche essentiellement à peindre les travers de son époque.

Je suis peinée par la façon de traiter la tante de Jeanne, Lison, qui est vieille fille.

« Quand on prononçait « tante Lison », ces deux mots n'éveillaient pour ainsi dire aucune affection en l'esprit de personne. C'est comme si on avait dit « la cafetière ou le sucrier ».

L'auteur souligne le ridicule de la noblesse normande.
« Jeanne et Julien considéraient ce présent royal quand entrèrent le marquis et la marquise. La femme était poudrée, aimable par fonction, et maniérée par désir de sembler condescendante. L'homme, gros personnage à cheveux blancs relevés droit sur la tête, mettait en ses gestes, en sa voix, en toute son attitude, une hauteur qui disait son importance ».

Rosalie, la domestique, est présentée comme simple d'esprit.

« Rosalie, un paquet sur les genoux, songeait de cette songerie animale des gens du peuple ».

Le chargé de recouvrer une dette est un juif qui parle dans un charabia incompréhensible.

« le Juif expliqua longuement qu'il s'agissait d'une dette de jeu devant être payée le lendemain avant midi, que Paul n'étant pas encore majeur, personne ne lui aurait rien prêté et que son « honneur été gombromise » sans le « bétit service obligeant » qu'il avait rendu à ce jeune homme ».

La satire devient particulièrement virulente envers l'église.

« L'abbé Tolbiac, de temps à autre, anathématisait en des allusions directes le château hanté par l'Esprit du Mal, l'Esprit d'Éternelle Révolte, l'Esprit d'Erreur et de Mensonge, l'Esprit d'Iniquité, l'Esprit de Corruption et d'Impureté. Il désignait ainsi le baron.
Son église d'ailleurs était désertée ; et, quand il allait le long des champs où les laboureurs poussaient leur charrue, les paysans ne s'arrêtaient pas pour lui parler, ne se détournaient point pour le saluer. Il passait en outre pour sorcier, parce qu'il avait chassé le démon d'une femme possédée. Il connaissait, disait-on, des paroles mystérieuses pour écarter les sorts, qui n'étaient, selon lui, que des espèces de farces de Satan. Il imposait les mains aux vaches qui donnaient du lait bleu ou qui portaient la queue en cercle, et par quelques mots inconnus il faisait retrouver les objets perdus ».

Je me suis amusée avec la scène de la gare, qui se déroule en 1852, puisque la ligne Paris – Rouen - Le Havre a été inaugurée en 1846.

« Depuis six ans, ces chemins de fer, dont on parlait partout, fonctionnaient entre Paris et Le Havre. Mais Jeanne, obsédée de chagrin, n'avait pas encore vu ces voitures à vapeur qui révolutionnaient tout le pays.
[…] Elles attendirent devant ces lignes de fer, cherchant à comprendre comment manoeuvrait cette chose.
[…] Enfin, un sifflement lointain leur fit tourner la tête, et elles aperçurent une machine noire qui grandissait. Cela arriva avec un bruit terrible, passa devant elles en traînant une longue chaîne de petites maisons roulantes.
[…] Un coup de sifflet partit encore, et tout le chapelet de voitures se remit à rouler doucement d'abord, puis plus vite, puis avec une rapidité effrayante ».

Nous pouvons faire certains rapprochements entre Une vie et des éléments autobiographiques de la vie de Guy de Maupassant.

L'auteur est né en 1850 au château de Miromesnil près de Dieppe. Il passe une partie de son enfance à Étretat. Il est chassé du séminaire d'Yvetot et termine ses études au lycée de Rouen. Il fréquente les milieux mondains.
Il a une affection particulière pour la Corse où Jeanne et Julien font leur voyage de noces, un des rares moments de bonheur de couple.
Sa mère, amie de Gustave Flaubert, est férue de littérature. La baronne de le Perthuis des Vauds, mère de Jeanne, lit aussi : Corinne, Walter Scott.

Une vie son premier roman, publié en 1883, lui aurait pris six ans d'écriture.

Un bon thriller, très visuel, servi par un style élégant.

Deux petites citations bucoliques :

« Seuls quelques crapauds mélancoliques poussaient vers la lune leur note courte et monotone ».

« le soleil baissait vers l'horizon, inondant de clarté les plaines verdoyantes, tachées de place en place par l'or des colzas en fleur, et par le sang des coquelicots ».

Les bémols sont le manque d'originalité, la noirceur des propos et certains raccourcis narratifs au milieu de longs cheminements.
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