Le Salon de la Libre Esthétique qui s'ouvrira à Bruxelles, dans les salles du Musée, au début de février, rencontre d'universelles sympathies. Il s'agit, on le sait, d'un Salon fermé, restreint à un choix d'invités appartenant aux fractions diverses de l'art neuf et dont le nombre est forcément limité par les exigences des locaux disponibles. Aussi les invitations sont-elles vivement convoitées.
L'ART EN 1893
Cette année Quatre-Vingt-Treize, au millésime épique, mémorial d'un séculaire terrible, que vient de sceller le Temps impassible archiviste, on désire, on veut, en l'inquiétude dont nous grèvent les événements vastes et surchargés, la condenser d'une inscription résumant son fourmillement, sa cahotante ébullition faite de riens infinis, aboutissant pourtant à une coulée unique, historiquement grandiose. Grandiose et grave, comme ses devancières irrémissiblernent figées en l'accompli , plus mystérieux peut-être, assurément plus mortuairement tragique, que le devenir. Oui, on a le haletant désir de voir, de savoir (nous artistes, spécialement pour l'Art), quelle goutte de puissant cordial, de philtre, ou de corrosif poison a laissée, dans la cornue des Destinées, cette alchimie complexe et formidable qui distille les ténèbres de l'Avenir avec les incessantes misères âpres du Présent.
Récemment la Ville de Paris faisait savoir aux magasins de Old England qu'elle ne tolérerait plus désormais dans ses rues les informes voitures écarlates qui servaient à ses réclames. Et le motif invoqué pour cette prohibition? Tout simplement que c'était laid sans nécessité. Admirable raison. Elle déroute de prime abord nos administratives habitudes de penser, mais, après réflexion, elle s'impose avec la force de l'évidence.
Si nos lettres belges sont d'expression française, en France on nous ignore, et depuis longtemps nos jeunes écrivains aspiraient à débuter avec ensemble sur la scène plus vaste de leur patrie intellectuelle du sud
Une importante revue de Paris, La Nouvelle Revue internationale, vient de mettre ses colonnes à la disposition de nos littérateurs.
L'Art, en cette année qu'ont résorbée les abîmes, fut ballotté par ces souffles énigmatiques. Certes en ses couches inférieures, les individualités vulgaires, pareilles aux poissons plats et stagnants qui tachent les bas-fonds marins, végètent irisées des rayons frauduleux qu'à travers les eaux saumâtres émet le journalisme de complaisance.