Ce livre m'a semblé assez difficile à lire. D'abord parce que, écrit par une universitaire, il se refuse à toute facilité et parfois il est un peu aride. Mais aussi et surtout parce que son sujet est pénible. Les témoins actifs d'une sale guerre n'ont jamais envie d'en parler, surtout si elle a été "perdue" ». Et, d'ailleurs, au sujet de la soi-disant "pacification" (1954-1962) en Algérie, beaucoup hésitent encore à utiliser le mot de guerre.
L'auteure analyse en détails sa grande enquête basée sur des interviews d'anciens combattants d'Algérie, des appelés originaires des Vosges. A travers une parole souvent elliptique, des faits indiscutables apparaissent: un racisme brutal et des violences à l'égard des civils arabes (incluant des infractions comme des vols !), la torture de personnes suspectées, l'exécution sommaire de rebelles en train de se rendre et les "corvées de bois" ont été très courants, hélas ! Beaucoup des anciens soldats interrogés sont très gênés pour en parler, et ils le font avec des circonlocutions; ils essaient souvent d'atténuer leur participation personnelle aux exactions évoquées. Notons aussi qu'ils ne sont pas tendres avec les Pieds-Noirs.
Ce type de travail - encore rare - est important, et même essentiel pour la mémoire historique française. J'en suis convaincu. Je n'ai vu, dans ce même esprit, que le film de B. Tavernier et une émission de télévision récente (en 2020, je crois). On est évidemment très loin des ouvrages de Y. Courrière et, a fortiori, de J. Lartéguy. C''est bien comme ça.
Je me permets quand même d'exprimer quelques réserves. D'abord, ici, l'instruction est menée "à charge" contre l'armée française; les effroyables exactions du FLN sont quasiment passées sous silence, sauf dans le cas notable de l'embuscade de Palestro (mais… les combattants de l'ALN y sont disculpés, les mutilations des soldats étant attribuées à des villageois vindicatifs).
Claire Mauss-Copeaux n'a pas évidemment vécu cette guerre - on ne va pas lui en faire le reproche, évidemment ! - et elle ne peut pas imaginer les effets de l'adrénaline sur des hommes pris dans des affrontements. Il est clair qu'une peur intense inspire d'horribles gestes pendant et aussitôt après un combat.
Par ailleurs, je trouve presque ridicule un passage dans lequel l'auteure réprouve la disproportion des forces, entre l'aviation française et une troupe de rebelles. En réalité, pour tout soldat engagé dans une opération, l'alternative est simple, c'est lui ou c'est l'ennemi: donc pas question d'un combat où on laisserait volontairement toutes ses chances à l'adversaire !
Par nature, toute guerre est cruelle - mais ce sont les chefs qui, toujours, devraient faire le nécessaire pour qu'elle ne soit pas trop inhumaine. Mais il faut souligner que, en Algérie, les instructions écrites et (surtout) orales du commandement ont joué un rôle déterminant dans toutes les dérives majeures qui sont pointées ici par l'auteure.
Pour conclure, je dirai que cet ouvrage est très utile et précis dans son analyse. Si on s'intéresse à la guerre d'Algérie, il faut le lire.