Titre original : Atonement.
Briony
Tallis est une jeune fille de treize ans. Elle vit dans une famille aisée avec sa soeur, Cecilia et son frère Leon ainsi que Robbie Turner, le fils de la bonne, étudiant à Cambridge dont l'éducation est prise en charge par M.
Tallis, un député important. L'action se déroule pendant l'été torride de 1935. Briony, qui veut devenir écrivaine, essaie d'écrire une pièce pour ses cousins en visite, les jumeaux Jackson et Pierrot et leur soeur, Lola qui résident chez les
Tallis tandis que leurs parents divorcent.
Un dîner important doit avoir lieu. Leon, qui revient pour les vacances d'été, amène un ami, Paul Marshall et invite Robbie Turner à se joindre à eux, ce qui déroute d'abord Cecilia. Pendant ce temps, une série de faits apparemment sans importance, déterminent le destin du personnage et la suite de l'histoire. D'abord on perd du temps durant les répétitions de la pièce de Briony, à cause des jumeaux, puis tandis que Briony attend ses comédiens, elle aperçoit sa soeur qui plonge à demi-nue dans la fontaine du jardin sous le regard de Robbie. Voilà qui enflamme les imaginations de Briony et de Robbie mais pas de la même manière.
Un autre chapitre adopte le point de vue de Robbie et Cecilia expliquant comment ils ont cassé un vase précieux dont Cecilia essaie de rassembler les morceaux pour le recoller. Pendant ce temps, Robbie veut déclarer sa flamme à Cecilia, lui écrit une note mais lui donne la version qu'il comptait garder pour lui, à fortes connotations sexu
elles. Sa dernière erreur est d'utiliser Briony comme messager qui ouvre et lit la lettre, l'avoue à l'ambigüe Lola, âgée de quinze ans et conclut que Robbie est un pervers contre lequel elle doit protéger sa soeur. La suite confirme les doutes de Briony : la furieuse étreinte dans la bibliothèque dont elle est témoin et le viol de Lola dans les buissons tandis qu'on recherche les jumeaux enfuis, tout converge pour accuser Robbie qui est arrêté tandis qu'il revient avec les petits fugueurs. Mais cela reste son point de vue, son « allégorie de la caverne ».
La deuxième partie montre Robbie à la guerre (1939-1945), essayant de rejoindre Dunkerque, évitant de nombreux raids aériens, témoin de nombreuses horreurs et se souvenant de cette soirée chez les
Tallis…
« et particulièrement l'attitude de Briony à son égard. Tous les indices qu'il a rassemblés l'amènent à penser que Briony était amoureuse de lui : dans son esprit à elle, il avait trahi son amour en lui préférant sa soeur. »
La guerre agit comme un catalyseur des pensées de Robbie ainsi qu'une allégorie des sentiments violents (les avions) qui fondent sur les gens qui ne sont pas protégés (ici par les arbres) et les menant au chaos. le fait que l'auteur ait choisi la période qui se situe avant et après la guerre est très révélateur concernant les deux mondes de Cecilia et Robbie qui s'écroulent.
La partie qui suit révèle Briony en infirmière stagiaire qui trouve son «
expiation » en soignant les soldats blessés. Comme sa soeur voulant recoller les morceaux du vase cassé, elle essaie, à sa manière, de réparer l'amour qu'elle a détruit jadis et chaque soldat revêt le masque de Robbie.
La dernière rencontre entre Cecilia et Robbie fait apparaitre Briony comme une intruse. Elle promet d'écrire un nouveau témoignage car sa dernière révélation au couple les embarrasse.
La fin du roman se déroule de nos jours à
Londres Briony est devenue la narratrice de ses propres souvenirs mais ils vont fatalement disparaitre avec l'âge et la maladie. Elle revient dans son ancienne demeure transformée en hôtel et assiste pour la première fois à la pièce qu'elle essayait d'écrire au début.
Le vocabulaire de
Ian Mc Ewan est riche, ses mots sont rares. Pour qui le lit en version originale, le recours au dictionnaire est constant. le roman lui-même traite de création littéraire et la distance que l'auteur prend avec Briony, n'est pas seulement un moyen de se moquer de lui-même mais aussi de montrer comment une histoire se crée à partir d'observations , de mensonges, d'évènements chaotiques, les souvenirs ruminés et peu fiables. C'est pendant la guerre que Briony prend conscience de la structure de l'histoire, à travers les informations :
“ À présent elle voyait comment les informations pouvaient se relier entre
elles et comprit ce que tout le monde doit savoir… »
Le roman se fonde sur une cassure originale vers où convergent des évènements qui se situent dans « l'entre-deux ». Ainsi Briony, à treize ans, se situe entre l'enfance et l'âge adulte, le monde se situe dans « l'entre-deux guerres » et entre une vieille morale Victorienne et une nouvelle liberté en termes de moralité.
« Briony eut le premier faible indice que pour elle à présent il ne s'agissait plus de châteaux et de princesses de contes de fée mais de l'étrangeté d'ici et de maintenant, de ce qui se passe entre les gens, les gens ordinaires qu'elle connaissait, et quel pouvoir on pouvait avoir sur l'autre et combien c'était facile de comprendre tout de travers, complétement de travers. »
Assez bizarrement, Mc Ewan suit les pas de
Jane Austen ou, à mon sens de
Virginia Woolf (
Mrs Dalloway) surtout dans la description du printemps londonien durant la guerre. La ville elle-même apparaît comme un personnage blessé, qui change.
Ce roman – comme beaucoup – se lit à différents niveaux. La multiplicité des points de vue l'unifie, les descriptions et narrations diverses sont très précises. Des morceaux de bravoure tendent vers la prose poétique. Une lecture des plus enrichissantes.