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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Et c'est parti pour une immersion en Amazonie dans la région de l'Acre.
Une région où naître femme est une condamnation à mort.
Une toute jeune fille est violée, mutilée, assassinée dans la forêt.
Trois fils de familles influentes resteront en liberté.
Trois femmes vont se brûler les doigts en réclamant justice.
Derrière cette histoire se cache les mille et unes raisons ainsi que tout ce qui peut servir d'arme (au gré de l'imagination) et les différentes personnes (encore une longue liste) capables de tuer.
Quant aux causes, il n'y a que l'embarras du choix.
Les femmes sont les biens tristes vedettes de ce roman et on se rend compte que toutes sont impactées par cette histoire soit en temps que victimes collatérales, soit dans leur attitude vis-à-vis des hommes.
Après une telle lecture comment ne pas voir un monstre dans chaque homme ?
Et que vaut une femme aux yeux de la justice ? Et là pas besoin d'aller en Amazonie, il me semble.
Patricia Melo mêle avec brio histoire et politique du Brésil, phénomène sociétal et réalisme magique car une partie du récit prend place parmi des tribus amazoniennes.
Le style est fluide, sombre et parfois poétique.
Un roman coup de poing qui laisse sans voix et que je vous conseille de lire.
Merci aux éditions Buchet Chastel
#Cellesquontue # NetGalleyFrance
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Celles qu'on tue est l'univers d'un roman noir, âpre et violent, traversé de douleurs et de colères froides, mais aussi d'une sororité magnifique teintée de chamanisme, source d'espoir.
L'histoire se passe au Brésil, dans l'État de l'Acre, une région partiellement couverte par la forêt amazonienne.
La narratrice, une jeune avocate originaire de São Paulo, a été choisie par son cabinet d'avocats pour couvrir une campagne de jugements de féminicides survenus dans le pays, le but étant d'alimenter au moyen d'informations et de statistiques l'actionnaire majoritaire du cabinet qui prépare un ouvrage à charge sur la manière dont l'État brésilien fabrique des assassins, évoquant « le massacre autorisé des femmes ». Il est vrai que ces féminicides sont en effet la plupart du temps non résolus ou bien ils se concluent par des acquittements.
Elle se rend ainsi dans l'État de l'Acre, naguère terre indigène, forêt vierge que l'homme blanc a colonisé au XXème siècle dans une domination qui continue de peser dans le paysage géographique et sociologique. Cet État marqué par la déforestation et les massacres d'animaux détient aussi le triste record du plus fort taux de féminicides du pays, un féminicide toutes les trois heures.
C'est là à Cruzeiro do Sul que la narratrice va suivre le procès des assassins d'une jeune indigène de quatorze ans, Txupira, violée, torturée, égorgée par trois jeunes garçons issus de familles dominantes de la région. Au cours des premières audiences, elle fait la connaissance de Carla Penteado, l'avocate générale. Entre les deux femmes naît une empathie mutuelle et immédiate. C'est aussi le début d'une enquête dans laquelle les deux femmes vont nous entraîner, révoltées par le verdict du procès...
Sur place, éclairée par cette nouvelle amie, la narratrice nous fait découvrir l'impensable : l'impunité dont bénéficie la plupart du temps les assassins auxquels la justice finit toujours par trouver des circonstances atténuantes, des jurés soudoyés par les avocats de la défense, des témoins achetés par la famille, sans parler de l'opinion publique complaisante ou au mieux indifférente...
Ces hommes qui tuent, ce sont des maris, des amants, des frères, des pères...
Ce sont là-bas des tragédies presque ordinaires.
Mais la narratrice découvre aussi la beauté hypnotique et mystérieuse du ventre de la jungle, les rites ancestraux des peuples indigènes d'Amazonie et notamment la prise de l'ayahuasca, un puissant hallucinogène utilisé dans les rites chamaniques. Ce sont ces chemins particuliers qui vont lui révéler la part d'elle-même et son histoire familiale qui l'ont amenée ici, sans véritable hasard...
La jeune femme décide alors de s'engager dans une quête de justice pour les femmes qu'elles rencontrent et pour elle-même aussi...
Patricia Melo, autrice brésilienne que je découvre ici, nous plonge dans un monde édifiant et ne prend pas de gants pour nous en livrer la part sombre et violente, les injustices et les tragédies vécues au quotidien par les populations locales.
Comment vous parler d'un livre qui fut pour moi plus qu'un coup de coeur, mais un coup de poing un véritable uppercut.
C'est un livre à la croisée des genres, à la croisée des chemins puisqu'ici trois formes s'alternent et se couturent harmonieusement, la fiction d'un récit à suspens entre réalité et cauchemar avec pour toile de fond une chronique sociale rudement bien documentée, des faits divers comme des coupures de journaux qui nous rappellent tragiquement les nôtres, et puis il y a le surgissement de l'invisible, le passage vers un autre monde onirique si familier des indigènes et qui rend brusquement possible la fin d'une fatalité inéluctable. C'est dans cette dimension magique que la narratrice va comprendre son itinéraire cathartique, mais découvrir aussi des femmes prêtes à se dresser dans une puissance vengeresse.
L'ensemble tient dans une magnifique construction cohérente où tous ces chemins donnent sens au récit.
J'ai rencontré le tableau d'un pays gangréné par la violence, la corruption et un système judiciaire profondément inéquitable, au coeur duquel les femmes sont les plus grandes victimes.
J'ai rencontré la sororité. Car des femmes finissent par se lever, s'unir et lutter encore, toujours et à jamais...
J'ai rencontré ma colère qui me rappelle à chaque page que ces violences existent ici aussi, que des femmes affolées, martyrisées en 2023 par des conjoints viennent porter plainte dans des commissariats de police et sont rarement entendues. Peut-être faudrait-il que les commissariats de police de France soient tenus par des femmes, cela diminuerait peut-être enfin le taux de féminicides...
Patricia Mélo ne fait aucune concession et nous livre un texte engagé, cru, sans fard, plein de rage, qui dénonce et suscite l'indignation. C'est un roman à charge contre les hommes qui tuent des femmes dans l'indifférence de tous. Ils tuent comme ils respirent, librement, ouvertement, facilement. Comme on écrase brutalement un insecte qui finit par agacer.
Parfois ce fut une lecture oppressante. J'ai puisé des respirations dans la beauté luxuriante de la forêt, dans la magie des rites chamaniques, dans la force de conviction de ces femmes, devenues fortes et nombreuses, qui disent malgré tout ne jamais renoncer.
Ce soir je pense à Txupira, Eudinéia, Iza, Fernanda, Almecina, Soraia, Fabiola, Queila, Alessandra, Taita, Daniela, Rita et tant d'autres encore puisqu'une d'entre elles tombe là-bas toutes les trois heures sous les coups d'un homme qui lui était proche...
C'est un livre qui rugit encore en moi... Inoubliable...
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Dans l'Acre, région du Brésil au coeur de l'Amazonie, qui détient le triste record du plus fort taux de féminicides du pays, des femmes se battent pour tenter de changer les choses. Elles livrent un combat sans merci à l'impunité qui entoure trop souvent ces meurtres perpétrés par des maris, des pères, des frères ou des ex-compagnons éconduits. 

La narratrice, avocate de Saõ Paulo, se rend sur place pour écouter, compiler et rendre compte des horreurs quotidiennes que subissent ces victimes muettes, bien souvent méprisées et vite oubliées. Dans ce pays où "dix mille cas de féminicides dans les tribunaux [restent] non résolus", la jeune femme s'attaque au sujet brûlant que représente le "massacre autorisé des femmes". Au coeur de l'actualité, le procès de trois jeunes blancs, héritiers directs des magnats de la région, accusés d'avoir violé, torturé et tué Txupira, une jeune indigène âgée de quatorze ans. A travers cette sordide histoire, la jeune avocate va se heurter à une affaire complexe, entre trafic de drogue, massacre de la forêt amazonienne et des indigènes, meurtres impunis de femmes, ravivant ses propres démons intimes…


Quelle claque! Je découvre Patricia Melo avec ce roman et j'en sors complètement chamboulée… Une plume puissante, pleine de hargne et de rage pour dire la folie destructrice des hommes qui sacrifient sur l'autel de leur cupidité et de leur soif de domination, les plus faibles et les plus démunis. 


En nous faisant pénétrer dans l'Acre, zone de non droit située à la frontière du Brésil, du Pérou et de la Bolivie, la romancière dresse un portrait sans concession de cette population cosmopolite, bien souvent méprisée, reflet d'une société creusée par les inégalités et les injustices. L'écriture est vive, dynamique et la narration à la première personne crée une immersion totale au coeur de cette culture en perdition, que l'on tente d'éradiquer à coup de déforestation, de marginalisation et d'indifférence.


La misogynie et la condition des femmes sont au coeur de ce roman coup de poing qui accuse et dénonce n'épargnant au lecteur aucune des violences faites aux victimes. Pour cela, Patricia Mélo entrecoupe ses chapitres de faits divers relatant un féminicide suivi, ou non, d'une condamnation. Les cas de femmes tuées s'empilent inlassablement, dans une liste qui semble de jamais vouloir s'arrêter et qui fait froid dans le dos.


Parallèlement à cette histoire macabre, l'histoire personnelle de l'héroïne, que l'on découvre sous forme de visions hallucinées, déclenchées par la prise d'ayahuasca, un puissant hallucinogène utilisé par les chamans afin de communiquer avec les esprits, donne lieu à d'incroyables passages où les victimes, transformées en véritables amazones, laissent éclater leur puissance vengeresse.


Bref, gros coup de coeur pour ce roman puissant et ambitieux, qui traite avec brio d'une terrible réalité. Une belle traduction qui plus est pour un texte redoutablement efficace.
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" La mort de ma mère était plus que mon identité. C'était un gilet d'explosifs collé à mon corps. Et pour actionner le détonateur il suffisait d'aborder le sujet."

Elle est avocate pour un cabinet. Ce dernier a choisit de jeunes avocats pour couvrir différentes campagnes de jugements de féminicides dans le pays. C'est ainsi qu'elle part dans l'état de l'Acre, au Brésil, au coeur de la forêt amazonienne.

Un roman terrible, merveilleusement documenté à en lire les remerciements, un roman bouleversant sur le sort de ces femmes indigènes tuées et toutes les femmes d'ailleurs et d'ici.

Je ne dévoilerais rien de plus, ce livre à lire tout simplement.
Lien : https://www.instagram.com/un..
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"Peu importe qui vous êtes.
Peu importe votre classe sociale.
Peu importe votre profession.
Être une femme est dangereux."
Cette déclaration de Patricia Melo, ainsi que le titre choisi pour son roman, pose la question du feminicide comme une gifle. Celle reçue par la narratrice, avocate à Sao Polo, de la part d'un compagnon apparemment irréprochable, va déclencher une succession de prises de conscience et un douloureux travail de mémoire.

Pour s'éloigner de cette relation toxique, elle accepte de se rendre à Acre, au milieu de la forêt amazonienne, pour couvrir une série de procès. Elle découvre alors l'ampleur des cas de femmes assassinées par leurs maris, petits amis ou proches dans les cent quatre-vingts plaintes qu'elle va devoir traiter. Son réquisitoire, qui sera dressé tout au long du roman avec de terribles details, prend aussi la forme de brèves de fait divers en début de chaque chapitre. On y découvre avec effroi le nom de la victime, la profession de son assassin et la description glaçante de la mise à mort. A plusieurs reprises, dans une longue litanie, Patricia Melo choisit de rendre à ses femmes leur dignité et leur visibilité, en egrenant leurs prénoms.
"Tuer des femmes est la soupape de sécurité de la mono-haine des protomachos. Bien sûr que je parle d'une façon générale. Une partie des protomachos déverse sa fange sur les homosexuels, les immigrés, les transgenres, les Noirs, les pauvres mais la majorité, la grande majorité concentre toute sa haine sur les femmes. "

L'auteure traite de la question du feminicide au Brésil qui est particulièrement préoccupante, avec plus de 1400 femmes tuées en 2022.
Mais elle aborde également les mécanismes universels à l'oeuvre quand un homme dominateur marque son emprise sur une femme par les humiliations, les insultes et les coups avant d'en arriver au meurtre si sa victime tente de lui échapper.
" Voilà la conclusion à laquelle je suis arrivée au cours de ma deuxième semaine au tribunal : nous, les femmes, nous tombons comme des mouches. Vous, les hommes, vous prenez une cuite et vous nous tuez. Vous voulez baiser et vous nous tuez. Vous êtes furax et vous nous tuez. Vous voulez vous amuser et vous nous tuez. Vous découvrez nos amants et vous nous tuez. Vous vous faites larguer et vous nous tuez. Vous vous trouvez une maîtresse et vous nous tuez. Vous vous sentez humiliés et vous nous tuez. Vous rentrez fatigués et vous nous tuez.
Et au tribunal, vous dites que c'est notre faute. Nous, les femmes, nous savons provoquer. Nous savons vous taper sur les nerfs. Nous savons rendre la vie d'un mec impossible. Nous sommes infidèles. C'est notre faute. C'est nous qui provoquons. Au final, qu'est-ce qu'on fabriquait à cet endroit-là ? À cette fête-là ? À cette heure-là ? Dans cette tenue ? Au final, pourquoi avons-nous accepté la boisson qui nous a été offerte ? Pire encore : comment avons-nous pu accepter cette invitation à monter dans cette chambre d'hôtel ? Avec cette brute ? Si on ne voulait pas baiser ? Et ce n'est pas faute d'avoir été prévenues : ne sors pas de la maison. Encore moins le soir. Ne te soûle pas. Ne sois pas indépendante. Ne va pas ici. Ni là. Ne travaille pas. Ne mets pas cette jupe. Ni ce décolleté. "

En découvrant avec colère l'immobilisme du système judiciaire, la narratrice découvre un grand nombre de femmes indigènes violées et torturées par des hommes blancs en toute impunité. Plus encore que pour les autres femmes, l'inertie de la justice semble délibérée et l'avocate va consacrer une partie de son temps à enquêter sur le meurtre de Txupira, une indigène de 14 ans, massacrée par trois jeunes hommes issus de familles aisées et puissantes de la région. Sans pressentir qu'elle se met en danger, tout comme ses amies Carla l'avocate et Rita la journaliste qui partagent son indignation.
Elle témoigne ainsi de l'hypocrisie de l'état brésilien qui ferme les yeux sur les crimes des classes supérieures et moyennes blanches alors qu'il condamne fermement ceux commis par les indigènes.

Au cours de ses investigations, la jeune avocate découvre la beauté de la forêt et rencontre des femmes qui vont l'initier à la vie indigène, dans ce qu'elle a de plus beau et de plus tragique. Elle accepte de participer à des rituels autour de l'ayahuasca, une boisson hallucinogène utilisée à des fins mystiques, en espérant retrouver le souvenir de sa propre tragédie personnelle. Elle a assisté à l'âge de quatre ans au meurtre de sa mère par son père, mais en a totalement occulté le déroulement.
On assiste alors à la métamorphose de la protagoniste, rationnelle et moderne, dans son expérience avec les vieilles femmes indigènes et leurs sortilèges ancestraux, comme un hommage aux traditions de la forêt et aux pouvoirs des plantes.

Dans des visions d'une beauté hallucinante, écrites dans une langue d'une extraordinaire vivacité poétique, elle raconte sa rencontre avec des Icamiabas, un groupe de femmes guerrières avides de vengeance, qui vont allègrement torturer, dépecer et consommer le corps des hommes. Ces pages flamboyantes, débordant d'un lexique exotique et coloré, ne résonnent pas comme un appel au meurtre et à la disparition des hommes. le ton en est suffisamment cocasse et décalé pour en désamorcer la violence et l'envisager comme un joyeux fantasme de sororite.

Parallèlement, s'ouvre l'autre grand volet du roman : la défense de l'environnement. Au contact des indigènes, le personnage découvre la fragilité de cet écosystème. Elle regarde les terres brûlées, les forêts arrachés pour le profit des grands propriétaires, la surproduction, et le traitement des autochtones, traités comme des sous-hommes et chassés de leurs villages.
"Résister au désintérêt du gouvernement, aux incendies criminels, aux assauts des compagnies forestières illégales, et de l'agronegoce est une tâche quotidienne et exténuante pour le peuple du jaguar, du soleil, de la pupunha, du burriti, de la grenouille, et de tant d'autres peuples d'Amazonie qui vivent en danger d'extinction depuis des siècles. ".

Dans cette approche de la nature dominée par l'homme, par analogie avec la domination masculine sur les femmes, Patricia Melo s'inscrit dans une réflexion ecofeministe, où le combat contre les feminicides rejoint le combat contre un racisme persistant et pour la protection de l'environnement.
Elle a beaucoup à dire, et elle le dit avec talent.
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La narratrice, une jeune avocate brésilienne de
de São Paulo doit se rendre dans la région de l'Acre pour son travail. Elle doit se rendre dans cette région de la forêt amazonienne pour suivre les procès des victimes de maris et hommes violents. Elle doit constater, pour des statistiques, l'indifférence qu'on fait vis à vis du cas de ces femmes.
Il se trouve que dans les procès qu'elle suit, il y a celui de Txupira, une jeune indigène de 14 ans à peine, tuée par trois hommes dans des circonstances affreuses. La justice se moque totalement de cette jeune fille dont la famille ne parle même pas la langue. En se rendant dans cette région, l'avocate fait la rencontre des peuples indigènes, et de leur culture. Elle prend de l'ayahuasca, un puissant hallucinogène.
Sous trans, elle rêve de justice pour cette jeune femme mais aussi pour toutes les autres, à commencer par sa mère.
C'est un livre très percutant sur la condition de la femme. L'auteur sait interpeller son lecteur sur toutes ces femmes qui tombent sous les coups, pour des raisons absurdes, dans l'indifférence totale. J'en sors marquée.

Merci à Buchet Chastel et Netgalley pour cette lecture.
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Une jeune avocate de São Paulo se rend dans l'état de l'Acre pour assister aux procès des assassins d'une jeune indigène. Là, entre triste modernité et rites ancestraux, elle va découvrir une région profondément ancrée dans l'injustice et la violence.

« Celles qu'on tue » est un roman noir et brutal, à la fois polar et plaidoyer sans concession contre les féminicides. Au coeur de la jungle amazonienne, l'autrice nous offre un récit d'une force incroyable, porté par une sororité quasiment mythologique et les rythmes palpitants de la jungle tropicale. J'y ai retrouvé par certains aspects l'atmosphère hypnotique de « la Couronne Verte » de Laura Kasischke, un livre que j'avais aussi beaucoup apprécié.

Excellente pioche donc pour ce roman de la rentrée littéraire. À lire absolument si le sujet vous tient à coeur.
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L'Acre, l'État qui présente actuellement le plus fort taux de féminicides au Brésil, c'est là que se rend l'héroïne du roman, avocate envoyée par son cabinet pour documenter le cas d'une jeune indigène torturée, violée et assassinée dans des circonstances particulièrement atroces.
 Très vite, elle va se rendre compte de l'ampleur du phénomène de ces féminicides impunis et empiler dans un carnet les noms et les circonstances dans lesquelles ces femmes sont mortes.
 Cette violence faites aux femmes fait écho à celles faites aux indigènes et à la forêt amazonienne, qui couvre une partie de ce territoire, le tout dans la plus grande indifférence.
Celles qu'on tue est un roman puissant qui nécessite des pauses dans sa lecture tant les  situations évoquées suscitent à la fois un sentiment de révolte et d'horreur. La grande force de Patricia Meo est tout à la fois de s'appuyer sur des faits documentés, mais aussi de créer du suspense et de susciter l'empathie avec la narratrice dont la mère a été elle aussi tuée par son époux. Une dimension hallucinatoire et onirique est apportée par le récit des prises d'ayahuasca par l'héroïne  qui s'initie aux rituels ancestraux des indigènes. Un roman à l'atmosphère étouffante , mais dont la lecture est nécessaire.
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Un roman incisif et poignant sur les violences faîtes aux femmes, sur les feminicides, les assassinats, sur l'emprise des hommes de l'Acre, une région du Brésil, sur leurs femmes, petites amies, épouses.
Ce livre parle aussi des peuples indigènes, de leurs coutumes et traditions, qui ont été écrasés et tués au profit de territoires et des trésors de la nature.

Certains passages sont si douloureux de vérité, qu'ils ont raviver un profond sentiment d'injustice et de colère en moi, un sentiment intense qui tapisse mon être dès qu'il s'agit de la condition féminine ici ou ailleurs, avec cette terrible sensation d'impuissance et pourtant, lire ce roman est déjà une manière d'en prendre connaissance ; et parler de lui, est une manière d'allumer les consciences, autant sur la condition des femmes, que celles de certains peuples, dans ce monde.
C'est une manière de les mettre en lumière et ne pas oublier que ce livre est une fiction qui relate une réalité.
Il est sorti en 2023 et je n'en avais pas entendu parlé.

Je suis reconnaissante à ma médiathèque de m'avoir offert de découvrir “Celles qu'on tue” et la plume de Patricia Melo.
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Depuis ses premiers textes, la brésilienne Patrícia Melo conjugue avec brio roman social et intrigue policière pour peindre la réalité de son pays, qu'il s'agisse de la prétention bourgeoise et des tourments de la jalousie dans Eloge du mensonge (Actes Sud, 2000), du cauchemar urbain des favelas dans Enfer (Actes Sud, 2001) ou des luttes de territoire entre voisins d'un même immeuble, que la justice de l'Etat, en pleine déréliction, ne peut réussir à juguler dans Gog et Magog (Actes Sud, 2021), nous proposant à chaque fois des récits plein de suspens et à la satire mordante. Dans ce nouveau roman, elle s'est engagée auprès de ses éditrices à construire une histoire autour d'une héroïne féminine, et le pari est pleinement réussi, nous touchant par les multiples drames de féminicides qu'il évoque, en même temps qu'il nous tient en haleine jusqu'à la fin.
Jeune avocate exerçant à São Paulo, fille orpheline d'une mère assassinée par son père alors qu'elle n'avait que quatre ans, la narratrice est giflée violemment un soir par son compagnon. Quand on lui propose, dans les jours suivants, de se rendre dans l'Etat de l'Acre, au coeur de la jungle amazonienne, pour suivre un procès de féminicide et enquêter plus généralement sur les violences faites aux femmes, elle n'hésite pas. Mais dès son arrivée, plutôt que de trouver apaisement après le coup qu'elle a elle-même subi (dont l'auteur continue d'ailleurs à la harceler sur son smartphone), elle plonge dans la réalité la plus brutale, confrontée, au coeur d'un procès, à toute l'étendue de la barbarie masculine, quand elle s'exerce sans frein… Liant amitié avec Carla, la jeune procureuse générale, qui poursuit courageusement les responsables de cet assassinat, découvrant à quel point les populations indigènes sont démunies face à une Justice dont elles ne partagent pas la langue, elle s'aventure bientôt dans la forêt. Elle apprendra à connaître cet univers de nature impérieuse, si différent des territoires urbains qu'elle fréquente habituellement, et tissera des liens d'affection avec les femmes qu'elle rencontre, ces indiennes qui sont, parce qu'à la fois femmes, pauvres et de race méprisée, les premières victimes de la rage des hommes. Consommant de l'ayahuasca, un hallucinogène aux vertus divinatoires, elle accèdera à des secrets de son propre passé. Mais de nouvelles menaces pèsent bientôt sur elle et son entourage…
Dans une intrigue ponctuée tout du long par l'évocation des atteintes et des crimes exercés contre les femmes, dans la relation de courts faits-divers montrant à quel point l'imagination mâle est fertile en matière de violences, Patrícia Melo construit le meilleur des réquisitoires contre ce cauchemar permanent de la tyrannie mortelle des hommes, encore plus active au Brésil peut-être que dans notre partie du monde. La dimension féministe de son récit n'atteint pourtant toute son efficacité que grâce à son humour si particulier, cette forme de « rire jaune » qui permet de supporter le pire de ce qu'elle décrit. Et son roman trouve aussi ses charmes dans le réalisme magique avec lequel elle décrit merveilleusement le monde de la forêt (cette Amazonie si difficile à défendre) et dans l'introspection personnelle de la narratrice qui nous la rend si attachante. Plus une minute à perdre, embarquez immédiatement pour Cruzeiro do Sul avec Patrícia Melo, le voyage vaut le détour!
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