Ouvrage posthume de Thierry Metz , demandé à la Réserve de ma médiathèque...
Variations poétiques de l'écrivain à partir d'un poème de Paul Celan, accompagnées de deux encres originales de Jean Gilles Badaire. Ce bel ouvrage, imprimé à la main sur un lourd papier ivoire ...se trouve être le premier titre d'une collection à petit tirage, intitulée : "Le premier cent"...
Je me contente de transcrire le mot de l'éditeur, ainsi qu'un extrait des poèmes de Thierry Metz... qui prennent à la gorge, l'émotion à l'état brut... !
... d'autres mots me paraissant superflus ...
" J'ai achevé d'imprimer pendant l'année 1999, ces variations inédites à ce jour à partir du poème de Paul Celan, écrites par l'ami, comme un signe d'après départ, pour dire l'honneur, l'amitié, le bonheur aussi d'avoir à faire mémoire. "
.....
"Il reste où nous sommes un tas de pierres. ta voix
apportée là en riant avec des seaux de maçon
avec des brouettes
par ceux qui creusaient.
cela ne venait pas de loin
ce qui vint encore
Nous en parlons parfois, pour nous décrocher du poème
qui contient le cheval relâché de nos jours
Nous parlons maintenant avec du sable
ou des graviers. Mais rien de terrible.
L'ordinaire
demain et demain, continue
Balbutie."
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"Ils creusaient et n'entendaient plus rien.
ils ne devenaient point sages, n'inventaient aucun chant,
ne créaient aucune langue.
Ils creusaient".
Ce serait comme si, là, hors des mains,
il y avait encore des mots.
Et du sel. Et encore une maison.
Tout un écrit maintenant peut s'en passer.
Par la langue est sorti le chant,
mais reste un cri,
un seul, qui ne rend pas les sons.
Il reste où nous sommes un tas de pierres. ta voix
apportée là en riant avec des seaux de maçon
avec des brouettes
par ceux qui creusaient.
cela ne venait pas de loin
ce qui vint encore
Nous en parlons parfois, pour nous décrocher du poème
qui contient le cheval relâché de nos jours
Nous parlons maintenant avec du sable
ou des graviers. Mais rien de terrible.
L'ordinaire
demain et demain, continue
Balbutie.
Il y avait de la terre en eux
Il y avait de la terre en eux, et
ils creusaient
Ils creusaient et creusaient, ainsi s’en fut
leur jour, leur nuit. Et ils ne louaient point Dieu
qui, entendaient-ils, voulait tout cela
qui, entendaient-ils, savait tout cela.
Ils creusaient et n’entendaient plus rien,
ils ne devenaient point sage, ni inventaient aucun chant,
ne créaient aucune langue.
Ils creusaient.
Advint un silence, advint aussi un orage,
advinrent toutes les mers.
Je creuse, tu creuses, et semblablement creuse le ver,
et ce qui chante là-bas dit : ils creusent.
O l’un, ô nul, ô personne, ô toi :
où cela allait-il, puisque cela n’allait nulle part ?
Ou tu creuses et je creuse, et je me creuse jusqu’à toi,
et à nos doigts s’éveille l’anneau.
Paul Celan. . Traduction de Jean Daive.
Non, tu n'es pas rejoint,
tu retournes seulement dans tes pas
où quelqu'un, revenu d'une enfance,
voudrait te suivre. N'y parviens pas.
Homme de biais
qui ne cesse de repasser,
d'être cheminement
là où ne passent que des bêtes.
Va dans ce début d'image
qui attend, quelle personne, et comment,
comment, sans écriture, il se tient hors de nous
comme si,
là,
il y avait encore des mots.
(...) Donne la lampe à celui qui n'a pas compris
mais garde la lumière que l'on nomme absence
pour qu'il cherche, un peu aujourd'hui, un peu demain,
ce qui reste accroché à nos gestes.
Dis simplement (si tu peux) qu'il y a demain
comme un sortilège.
Terre – Thierry Metz
lu par Lionel Mazari