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EAN : 9782020982924
217 pages
Seuil (19/02/2009)
4.17/5   15 notes
Résumé :
Reconnu comme un des principaux poètes français d'aujourd'hui, on sait moins le travail massif de carnets, lectures, réflexions qu'Antoine Emaz accomplit au quotidien. Dans la lignée de Reverdy et d'André du Bouchet, sa poésie est tranchante, âpre (ses titres : Boue, Os, Peau). Une considérable économie de mots et de moyens lui donne sa force, mais aussi sa proximité du quotidien. Ecriture du corps, de la ville. Mais l'atelier d'Antoine Emaz, c'est aussi cette premi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Cambouis d'Antoine Emaz fait partie de ces livres rares et précieux qui permettent au lecteur d'entrer dans l'atelier de l'écrivain, du poète. Une lecture passionnante.

Ces carnets d'Antoine Emaz publiés en 2003 aux Editions du Seuil, sont d'une grande richesse, pleins de considérations de l'auteur sur l'écriture, la lecture, la poésie, le rapport au livre et au lecteur (celui qui « fait son oeuvre dans l'oeuvre », « qui clôt le poème »), à la critique, ses influences aussi (Pierre Reverdy et André du Bouchet sont souvent cités), son rapport au temps…
À toutes ses réflexions, Antoine Emaz y mêle son expérience personnelle de l'écriture : les conditions à l'élaboration d'un poème, ses choix concernant son unité, sa base grammaticale, sa cohérence formelle, sa sonorité, l'importance des silences, etc. Tout ce qui constitue l'infra-poétique d'un texte.


« La poésie n'est pas dans les mots, elle est dans le blanc, dans l'air qui circule entre les mots, entre les poèmes, entre les livres, entre les poètes. C'est pour cela qu'on en a une expérience profonde, vitale, sans jamais pouvoir en donner une définition arrêtée. »


Dans plusieurs passages, Antoine Emaz témoigne aussi de ses périodes de production, de tout le temps consacré à l'écriture, à la relecture, à recueillir des avis, à la réécriture,… tout un ensemble de rituels nécessaires, observés jusqu'à trouver - tel un mobile accroché au plafond d'une pièce - la forme la plus stable du poème.


« Économiser les mots permet de les écouter, enfin, pour ce qu'ils ont à dire : ni une pure musique, ni une pure utilité : la poésie, c'est peut-être entendre les mots et leurs marges, aussi bien pour le son que pour le sens. »


En contrepoint au travail d'écriture, le poète confie aussi le doute, le découragement, les moments vides, les semaines qui passent sans pouvoir écrire. Ce temps « vide » ne va cependant pas, selon Antoine Emaz, à l'encontre de celui de l'écriture, il en est un moment constitutif, inséparable. Sa poésie, s'il la devait à des heures de travail quotidien, prenait sa source dans les jours « sans », touchés par la fatigue, le temps insensible.


« Disons que la poésie ne donne pas d'air neuf, elle dit un besoin d'air, et par là elle est espoir, oui, une drôle de forme d'espoir, celui de ne pas se résoudre à ce qui est. »


J'ai vraiment été saisi par la lecture de ce livre d'Antoine Emaz. Elle a été l'occasion pour moi de me rapprocher un peu plus du poète et de son oeuvre faite « de peu », attachante et singulière. Cambouis n'a rien d'un traité théorique, d'un essai didactique, il est le portrait d'un écrivain qui, plusieurs années après sa disparition, parle à coeur ouvert d'une passion contagieuse : la poésie.

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On commence parfois des livres par la fin. C'est un peu ce qu'il m'arrive avec ce livre d'Antoine Emaz.
Cambouis paraît bien être déjà un aboutissement du travail d'écriture à dimension d'une vie d'adulte.
La poésie est son affaire, y est inclus le regard critique sur le comment, les hésitations; les retouches,
les démontages et remontages de cette langue inédite. Inclus aussi en fragment de journal, le quotidien,
l'ordinaire des semaines, la cuisine pour se nourrir , la contemplation du jardin, les relations avec la famille.
Le doute le découragement le à quoi bon holderlinien sillonne le livre comme un souffle pour reprendre en
compagnie de Reverdy , du Bouchet le chemin. Chemin d'écriture au final ni plus ni moins glorieux qu'un autre, nous dit-il, mais un chemin tracé par lui-même là est l'exploit.
A lire, ce que je n'ai pas fait, Lichen, Lichen encore, aux éditions Rehauts.
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Avec Cambouis, Antoine Emaz nous fait entrer dans sa fabrique de la poésie. de notes en carnets, il poursuit un travail au quotidien, sans relâche. Son souci de l'épure transparaît, son contact avec la nature aussi, son obsession de l'écriture. Il me fait beaucoup penser à Du Bouchet dans sa démarche.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Je ne sais pas si « Beauté » est un mot qui m'est clair. On peut en avoir tout aussi bien une conception classique (harmonie, équilibre, régularité, forme normée...) qu'une conception baroque ou romantique ou moderne, pour aller vite : liberté, audace, passion, mouvement, originalité... Le mot est toujours chargé positivement, mais ce qu'il recouvre est flou, variant selon celui qui parle. Avec le temps, le mot s'est comme vidé, à force de strates accumulées de critères possibles qui, même contradictoires, ne sont pas pour autant exclusifs les uns des autres. Aujourd'hui, dire qu'un poème est beau revient à dire qu'il nous a touchés, intéressés, transportés, surpris, émus, fait pleurer ou frissonner... Tout cela ne clarifie pas vraiment la donne. Faut-il mettre la question sur le terrain de la langue ?
[...]
Finalement, dans mon travail, je ne mets pas la beauté au centre ; elle n'est qu'un effet secondaire en quelque sorte d'un souci plus profond que, faute de mieux, j'appellerai l'exactitude. Prioritairement, viser une sorte de musique de tête aussi impeccable que possible, et rester au plus près de l'émotion génératrice du poème. La tension est différente pour chaque poème, mais le but reste le même, comme lorsqu'on accorde un instrument. Il s'agit, en tâtonnant, d'arriver à ce que l'ensemble sonne le plus juste possible. Voilà qui n'est sans doute pas très satisfaisant d'un point de vue théorique ; cela laisse trop de place à l'intuition et au savoir-faire ; mais j'ai toujours considéré la poésie comme une pratique que la pensée seconde, et non l'inverse.


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CAMBOUIS


Extrait 2

     Écrire, ça ne veut rien dire, en fait. Il y a des niveaux d’écriture, comme dans un immeuble. On change d’étage suivant que l’on écrit à un ami, que l’on écrit un poème neuf, que l’on travaille à la finition d’un poème, qu’on règle des problèmes administratifs, que l’on rédige une note de lecture… Et ce sont des procédures, des mises en place internes, des dispositions très différentes. Certaines sont d’accès libre à n’importe quel moment, d’autres sont conditionnées par on ne sait quoi dedans, qui ouvre ou ferme la porte. À force, on connaît son immeuble, on ne s’inquiète pas de voir clos le troisième et le sixième, on reste au premier.

    C’est peut-être ça l’essentiel d’une vie de poète : l’attente. Au moins pour moi. Ne pas généraliser une expérience : ce qui est vrai pour moi vient de l’empilement hasardeux mais bien réel, de ma vie. Je suis devenu quelqu’un qui écrit des pages que l’on appelle poèmes parce que ça rentre à peu près dans la case. En tout cas, ça ne rentre pas dans les autres cases, donc on dit poèmes, c’est plus simple. Même pour moi, c’est rassurant de me dire que je suis en poésie, en bout de course. Mais quand j’écris, poème ou non, je ne sais pas. J’écris libre, point.


//Antoine EMAZ nous a quitté le dimanche 3 mars 2019.
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En poésie comme dans la vie courante, je supporte mal le mépris et la vanité. Par contre (cf. Reverdy) je comprends bien l’orgueil ; c’est lui qui nous fait tenir debout, au bout. Mais ce doit être un orgueil pour soi, un orgueil à usage interne contre ce qui nous écrase, non pour écraser l'autre.
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Montée lente du jour. Pas de vent ; tout le jardin encore humide de la pluie de nuit. Bruit de la mer. Calme froid. L’écureuil se ballade sur le grand platane roux, en face, puis s’installe sur le pin. Ne pas savoir par quel bout prendre ce silence. Il s’installe sans peser. Un calme, une attente douce, on ne sait de quoi. Le temps perle ; on est là, sans penser, sans appuyer d’une quelconque façon sur le dehors. On est au monde, il est frais du matin, point.
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CAMBOUIS


Extrait 1

    Il faut se confier à la langue autant que se défier d’elle. Chacun place le curseur où il veut, mais on doit pouvoir en gros mesurer si le poème demeure audible, par qui, comment… Un poème reste destiné, adressé, partagé, ou bien il n’est que miroir d’un narcissisme autarcique, d’un autisme même de chapelle, bref d’un mépris.
  Dans le circuit poétique (c’est vrai qu’on tourne parfois en rond), m’énerve cette fréquente nécessité d’ « avoir lu », de « connaître » avant de lire. Je ne vois pas pourquoi, sans travail préalable, je ne pourrais pas comprendre et juger en quoi ce poème me regarde. Certes, je vais rater peut-être ce que le poète s’est échiné durant des années à vouloir construire, mais est-ce que cela importe si je rejoins par d’autres voies l’acte poétique de s’adresser à l’autre par un code renouvelé de la langue ? Est-ce que cela importe si moi, je trouve ce qui me regarde dans ce livre ?


//Antoine EMAZ nous a quitté le dimanche 3 mars 2019.
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