Citations sur La deuxième femme (94)
Le tennis ne l'intéresse pas, les cris sauvages des joueurs lui donnent des frissons de dégoût.
Il a méthodiquement ouvert les cartons, trié les affaires. Il a brûlé les misères qui étaient ses trésors. Elle pensait qu'il avait oublié, qu'il n'écoutait pas quand elle lui avait parlé de ces minuscules souvenirs. Elle s'est trompée. Il a mémorisé tous les moyens de lui faire du mal.
Le petit garçon sait ce que signifie " les hommes, ça ne pleure pas", cela veut dire que l'on ne doit pas pleurer. Il ravale ses sanglots, Sandrine l'a déjà vu faire, c'est comme de voir un tremblement de terre, une déchirure. Mathias ouvre quelque chose, avec violence, et cache ses larmes à l'intérieur. Chaque fois elle a l'impression de le voir s'avaler, se déglutir.
[... et s'il] la voit (...) en train de faire des cachotteries, tout va encore dérailler, et elle, elle veut seulement
une
soirée
tranquille
s'il
vous
plaît
merde
Dire à Mathias "Regarde-moi" c'est ordonner à un poisson de s'envoler. Il est si timide, si fuyant, presque liquide, quand il s'agit d'éviter les yeux des adultes.
Il tend le bras et lui prend le torchon humide des mains, examine sa joue. Sandrine est crispée, les épaules hautes et rondes. Il dit Mon amour. On ne voit rien. Tu m’excuses ? Tu m’excuses. Sandrine ne répond pas.
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C’est le comble, le comble du comble, c’est maintenant que ça devient le plus dangereux. Quand tu quittes l’homme qui te cogne la tête contre les murs, qui t’affame, qui t’étrangle. (…) Elle ne parvient pas à déglutir et se demande si cet état de terreur fluctuant la quittera un jour ; elle se souvient qu’il y a eu une vie sans peur terrible, sans crainte perpétuelle mais ne parvient plus à se projeter dans cette mémoire, son corps ne retrouve plus jamais l’absence de tension. (…) Pour la première fois l’idée de la mort se faufile ; est-ce que cela ne serait pas là la meilleure victoire, se tuer et qu’il n’ait pas eu le plaisir de s’en charger, se tuer et lui échapper pour toujours ?
Il suffisait donc que le monde s’écroule pour qu’elle cesse de se trouver laide, il suffisait donc que tout s’achève pour que l’espace que son corps vole au monde l’indiffère enfin.
Elle est là et écoute une officière de police expliquer aux gens du cabinet qu'elle, Sandrine, est en danger. Que s'ils le voient, que s'il tente de pénétrer dans le cabinet, il ne faut pas le laisser seul avec Sandrine. Ce serait presque humiliant, mais à ce stade Sandrine a renoncé à tant de choses que pour l'atteindre, l'humiliation doit être haut-de-gamme, sur-mesure. Taillée à son intention comme une pièce d'orfèvrerie. Une femme qu'on a traitée de chienne et qui a dû dormir sur une descente de lit, habillée de crachats, pour payer une infidélité imaginaire, a besoin de plus pour se vexer.
Elle connaissait deux regards, deux regards d’homme seulement, celui qui détaille et qui rejette ; et celui qui détaille et qui a faim. L’indifférence et la menace, seulement, dans toute sa vie.