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sur 611 notes
Pierre Michon s'intéresse, dans cet ouvrage qui forme une série de nouvelles, aux petites gens, à ceux qui ne seraient jamais célèbres s'il ne leur avait pas donné la parole. Ces gens sont souvent ce qu'il a croisé au cours de son existence, vivants ou morts, parents ou non.
Ce qui frappe chez Michon, c'est que de la grisaille, il réussit à faire une lumière splendide, l'ordinaire devient extraordinaire sous sa plume qui transforme via son style et son vocabulaire rare et précis, cette langue exigeante. Que ce soit pour imaginer ce qu'auraient pu être ses ancêtres, recomposant les narrations de l'un ou de l'autre, décrivant la déchéance d'un curé défroqué, Michon le fait avec un regard où perce un sentiment complice à l'instar de cet homme à l'hôpital qui, nettement, atteint d'un cancer de la gorge, l'attire et le fascine plus par son ignorance, cette façon de rester dans son univers pour une bonne raison.
C'est une sorte d'autobiographie à travers le regard de ceux qu'il croise, qui lui renvoient un miroir de de lui-même.
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Bazar !, et c'est peu dire.
Pour ceux qui ne l'ont pas lu, pour ceux qui ne connaissent pas encore Michon, pour ceux qui ne sont jamais allé voir là-haut ce qui s'y passe, c'est là un gros, gros, gros conseil de lecture... parce que j'ai en moi cette sensation assez persistante, l'impression très tenace que je viens de lire le plus phénoménal, le plus important des livres qu'il m'aura été donné de lire - le livre-clé ; parce que je souhaite à quiconque de parvenir à cela, à trouver et à pénétrer et à comprendre et finalement à aimer ce genre de texte, qui bascule tout ; parce que ce livre fut écrit par un auteur absolument majeur - Michon, qui vient de fêter ses 76 ans, est, pour moi, le plus grand écrivain de langue française, toutes époques confondues ; parce qu'il serait vraiment dommage de passer à côté de cet auteur et de ne jamais vivre cette expérience-là.
J'aimais déjà passionnément tout ce que j'avais lu de Pierre Michon, que j'ai un jour entrepris de prendre à rebours pour terminer ce chemin-là par son oeuvre première, ces "Vies minuscules" qui viennent ainsi clore mon cycle de lecture lorsqu'elles ouvraient son cycle à lui, le grand engrenage dont chaque pièce compte ( "La grande beune" est admirable, d'une beauté envoûtante, "Les Onze" également, comme un petit chef-d'oeuvre, d'une précision diabolique ; sans parler des incroyables "Vie de Joseph Roulin", "Rimbaud le fils", "Le roi du bois", "Abbés", "Corps du roi", etc... tous aussi sublimes, perles de style et d'intelligence certes un peu ardues, textes au relief parfois sévèrement escarpé - j'ai coutume de dire que la langue de Michon est un genre de "français langue étrangère" : c'est une langue qui se mérite, qui ne se livre réellement qu'au prix d'un certain effort ; effort qui est, pour moi, l'essence même du geste dont le lecteur doit être capable : les mots sont un trésor qu'il nous faut ainsi chasser puis déterrer puis déchiffrer, trésor dont il nous faut recenser chaque pièce pour mieux en déterminer l'origine et la destination - elles sont, de fait, dissimulées dans un coffre protégé par un cadenas lourd dont il nous faut trouver le code, la clé, l'astuce. le sens. ).
"Vies minuscules", donc, récit mythique paru en février 1984, atteint dans toute son entièreté des sommets qui me paraissent indépassables. C'est un genre de Graal, l'absolu soudain rencontré et partiellement capturé : l'éclat le plus brillant dont on cherche à éclairer toute bibliothèque ; le Grand Tout de cet art-là, enfin débusqué. Il s'agit alors, peut-être puisqu'il faut dire peut-être - ça fait bien, ça passe mieux, c'est bien plus simple à digérer - et je pèse consciencieusement mes mots, je tourne très humblement ma langue sept fois sept fois sept fois et plus de fois encore que nécessaire quand amoureux de Proust, de Céline, de Sarraute, il me serait aisé d'oser bien d'autres titres, quand il me serait si facile, au fond, de m'emballer, il s'agit donc "peut-être" du plus grand texte qu'il m'ait été donné de croiser dans notre littérature, d'une sorte de point central autour duquel tout un réseau se prendrait, dès lors, à graviter - réseau dont le sommet est sans doute bipôle puisqu'il y a aussi, bien sûr, les "Illuminations" de mon très exigeant et inaccessible coreligionnaire ( la poésie est l'objet d'un culte résolument païen - nécessairement païen -, quelques fétiches en sont les outils les plus agissants, leviers capables d'expliquer l'avant, le pendant et l'après, aptes à la Grande Définition : le mot est une idole, le rythme est une idole, le sens est l'idole ultime, brandie par quelques-uns seulement au milieu de la brume la plus épaisse ) : Arthur, évidemment ( "the great places inatteignables for me" si je citais Stendhal quand Proust, de son côté, entreprendrait un inatteingible, voire un inattingible, bon, bref, ha !, ce second-là est également si haut, si intouchable, si étranger ), Arthur qui marche allègrement sur tout le reste de ses si longues foulées puisqu'il s'agit alors de poésie et que la poésie est le seul lieu où le génie a pu, un jour, pointer le bout de son nez - c'est faux, bien sûr, lorsqu'on a cru le voir sautiller parfois, plus haut que les plus hautes herbes, s'ébattre avec lui-même au creux des grandes partitions, c'est faux aussi puisqu'il semblait parfois gicler sur quelque toile de Grand Maître - mais le génie, convenons-en ou, plutôt, soyons-en sûrs, n'existe pas, il n'existe pas, point.
Bref.
En dressant huit portraits - ces gens de si peu qui en disent si long, ces vies qu'il a croisées et qui toujours le fondent - le narrateur ( Michon lui-même, sans doute, qui prend très concrètement sa part du sujet ) raconte son propre parcours en cherchant, dans la mémoire des origines et des rencontres, ce qui l'a façonné. Ce réseau de "vies minuscules" tisse autour de lui une toile dont il est alors le centre et qui lui permet "d'avancer dans la genèse de ses prétentions" et d'aller, peu à peu et non sans mal, vers "le métier d'écrire".
La phrase de Michon est ample, complexe, à la fois précise et multiple, elle contrevient en permanence à cette étrange idée, très actuelle, très idiote selon moi, qu'une écriture n'est honnête, sincère, utile que si elle est courte, sèche, simpliste, dénuée de style comme si le style était une perversion, une exagération, un seul effet de manche : un genre de gratuité - morte ou privée, en somme, de toute littérature ; et cette idée très actuelle, très idiote il me semble correspond à l'époque, sèche elle-même, courte, raccourcie et, de fait, intellectuellement inopérante ( ce conseil de lecture est d'ailleurs beaucoup trop long, un simple "Woo j'ai vachement aimé ce bouquin, je vous le conseille" accompagné de quelques smileys aurait sans doute suffi en ces temps où le verbe est un suspect facile ). La phrase de Michon, donc, virevolte, s'enfante souple et fluide mais soudain s'épaissit, dévoile alors sa nature labyrinthique, fait mine de nous perdre avant, toujours, de nous rattraper au plus près de la chute puis d'éclater enfin au grand jour, de se faire lumineuse, évidente, complète ; elle emprunte des chemins plus que tortueux, des trajectoires plus que radicales pour aboutir à la quintessence même du verbe et, finalement, du sens, de ce qui doit être dit, de ce que l'on ne peut négocier, de ce qui est dans l'invisible et qui pourtant nous mène, nous élève ou nous ensevelit. de tout ce qui nous fait.
C'est un très grand Michon - comme toujours, bien entendu. C'est un livre immense. Il pourrait n'y avoir que celui-ci, qui dit tout du Très Grand en ne parlant que du Tout Petit.
Lisez-le... ou pas. Aimez-le... ou pas. Mais, pour ceux qui ne connaissent pas Michon, croyez-moi : l'expérience vaut le détour.
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Huit vies de huit personnes qui ont croisé de plus ou moins loin le chemin de l'auteur. Des vies ordinaires dont Pierre Michon sait si bien faire ressortir la discrète grandeur. Une langue délicatement complexe et poétique.

A lire au calme et à savourer.
Lien : https://lucioleetfeufollet.c..
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( …) dans l'agonie du passé qui toujours commence, l'avenir se lève et aussitôt se met à courir.
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Pierre Michon est un artiste du français car il maîtrise parfaitement notre langue et nous donne des phrases bien tournées, des psychologies fouillées. Ces histoires ont toutes un point commun : l'humain, comment il vit, ce qu'il pense et son environnement.
Le livre : Vies minuscules nous racontent les vies des différents personnages de son passé et de sa famille, des minuscules histoire dans la grande Histoire.

Le roman/essai : Les onzes nous content la vie de personnages historiques sous la terreur.
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bien mais vocabulaire tres erudit
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Un livre qui parle des vies en campagne, de sa routine, de ses paysages.
Un livre qui parle des amours et ses peines, de la dépression, la médiocrité mais aussi des bonheurs simples.
Un style cru et sans rondeurs.

Une autobiographie singulière et bouleversante de sincérité, qui raconte "les vies minusucules". Aussi grandes soient-elles.

Bravo M. Michon







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Que restera-t-il de notre passage sur terre une fois que tout aura disparu, lorsque nous ne serons plus rien, quand personne ne sera plus là pour se rappeler les traits de notre visage, le son de notre voix ? Que deviendront les souvenirs des gens aussi insignifiants que nous dont nous avons croisé la route ? Pourtant chacun d'entre nous, chaque vie minuscule, forme l'humanité dont nous faisons partie.
à la manière de Microcosmos, Pierre Michon braque sa caméra sur des personnes qu'il a croisées, connues, qui font pour certains partie de sa famille et qui ont disparu comme nous disparaîtrons tous. Un livre incroyable de vérité.

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Un monument de la littérature française des 40 dernières années. Ce livre date de 1984 et il pose les éléments majeurs de la langues dans le style des auteurs qu'on lit pendant des siècles. Michon est étudié dans le monde entier. les Vies Minuscules sont le point de départ de son oeuvre.
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Je l'admets sans clignoter, j'ai longtemps été perplexe voire confusément ennuyé par ces "Vies Minuscules", touché parfois quand presque comme par hasard je trouvais la véritable mesure de ma lecture, mais souvent décroché par la cadence de toutes ces phrases un peu cotonneuses, par cette prose semi-précieuse, cette ponctuation en trou noir paraissant absorber les lexies , le signifiant, et davantage encore la matière des mots. Une littérature plus que lactescente : caillée… avec déjà un petit peu de jaune, une saveur aigre dans les narines, ce coté paysan, mornes pleines de Saône-et-Loire (c'est pour moi), splendeurs cachées de la Creuse, toutes ces histoires de familles, ces petites vies, bref au mitan du centre de ma modeste lecture j'étais dubitatif sur le Michon.
Force est de constater que je me trompais, que mon problème face au Michon c'était plus que lui, moi, mon inaptitude crasse à trouver un vrai rythme de lecture, mon manque d'implication et de concentration pour vraiment pénétrer ces fameuses phrases en trou noir, leur densité adamantine, ma bêtise, oui ma bêtise, il faut bien l'admettre.
Reprenons…
La masse, la charge électrique et le moment cinétique. Si la phrase de Pierre Michon est un trou noir, c'est peut-être parce qu'elle accapare les mots (la masse des mots), leur charge électrique, et que plus qu'une mise en abyme ou une représentation courbée des mots sur eux même c'est un agrégat de lumière noire qui là - bien qu'invisible - apparaît. le Michon plus qu'une langue alors forme un lieu mélancolique, au bord de l'ergosphere dans cette région où rien ne peut rester stationnaire, où tout est emporté, doucement, secrètement.
Pour mieux comprendre comment le Michon fonctionne (Le Michon comment ça marche ! ), il faut remonter à la source, pourquoi cette langue excessive, ce lieu triste et sombre, un phénomène inobservable ?
« le miracle c'était simplement, à près de quarante ans, de pouvoir danser, enfin, sur mes deuils. C'était que mon désastre intime se résolve en prouesse, mon incapacité en compétence, ma mélancolie en exultation, bref toute chose en son contraire. Mais tout cela obtenu et prouvé, cette compétence, cette exultation, qu'en faire? C'est là le deuxième écueil, l'écueil de l'écrivain qui écrit. le miracle initial, on est bien tenté de le transformer en métier »
Lien : https://novland.blogspot.com/
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