Juan Milhau-Blay a déjà plusieurs vies à son actif (à son passif aussi d'ailleurs) dont certaines que j'ignore et d'autres que je ne veux même pas connaître.
Je crois qu'il a été musicien, une espèce de
Didier Super des Pyrénées en plus foutraque si tant est que ce soit possible. Kidnappeur de Ronald McDonald si tant est que ce soit un métier. Inventeur du "board-hell", une sorte de patinette planche à voile si tant est que ce soit une invention et pas simplement un moyen de matérialiser un jeu de mots.
Militant pacifique mais déterminé pour l'indépendance de la Catalogne, inventeur de la Tauranela, une recette à base de veau, d'huîtres et de safran destinée à devenir une spécialité locale, amateur jusqu'à l'excès de tout ce qui se mange et se boit parce que l'excès est un mode de vie, une philosophie, un hédonisme vital, un eudémonisme de survie.
Et puis
Juan Milhau-Blay est écrivain. Il a publié en 2017 À lier... chez Mare Nostrum. Il paraît qu'il s'agit de son troisième roman mais j'ignore quels sont les deux premiers.
À lier... c'est surtout une grande claque dans ta gueule de lecteur, une polyphonie corsée retraçant au travers des récits de quatre personnages la généalogie d'une famille de cons-sanguins hantés par l'inceste, l'appât du gain, le meurtre considéré comme un des beaux-arts, l'alcool, le sexe, la vengeance, l'aryanisme et les bonbecs.
Le bruit et la fureur de
Faulkner plane au-dessus du roman. le Golfe du Lion est un Yoknapatawpha méditerranéen dans lequel chaque personnage est, à sa manière, un Benjy Compson assumé et consumé.
Il y a de l'occultisme, de l'armanisme, aussi, comme si
Bukowski avait écrit le Da Vinci code ou Malcolm Lowry
Les souffrances du jeune Werther, mais un Werther original (les bonbons qu'on suce).
Parce qu'il s'agit aussi d'un roman d'apprentissage à sa manière. le style est sec, tranchant, un putain de style, je ne saurais le dire autrement.
Juan Milhau-Blay ne s'est pas contenté d'écrire un livre, il a produit de la littérature parce qu'il sait que c'est ce qui compte, "de la musique avant toute chose".
Et puis il y a de la baise, des pipes, de la sodomie, du sperme, de la cyprine, du sang, de la merde, de la sueur et des larmes, tout ce qu'un corps humain peut sécréter, un roman dans lequel les fluides corporels sont les vecteurs des émotions, de l'amour autant que de la haine, parce que À lier... c'est d'abord et surtout une histoire d'amour.
Juan Milhau-Blay est un écrivain romantique, au sens le plus noble du terme, parce qu'il sait que le romantisme c'est évidemment du sperme, du sang, des larmes et de la mort, dans la lignée des vrais romantiques,
Goethe,
Hölderlin ou
Novalis.
Juan Milhau-Blay est un grand écrivain, lisez-le et vous comprendrez.