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Cette formidable pièce universelle est un réquisitoire implacable contre l'intolérance, le mensonge, la délation et l'ignorance.
Arthur Miller, dans un style efficace et d'une plume subtile et brillante, attaque, sans concession, les tenants de la répression maccarthiste de son époque.
Cette magnifique pièce bénéficie, outre l'immense talent de son auteur, d'une adaptation intelligente en français réalisée par Marcel Aymé.
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Vu du Pont:
Une tragédie chez les dockers italo-américains sur fond d'immigration clandestine et d'inceste inavoué.

Une tragédie grecque avec son choeur -un avocat, Alfieri, monté en grade à coup de droit et de plaidoiries, mais qui reste un personnage parmi les autre- , il a juste un peu plus de conscience et de recul, il voit arriver le drame, il en commente l'inexorable avancée.

Une tragédie grecque avec ses lois.

Celles de l'hospitalité qu'on ne peut violer sans perdre jusqu'à son nom : "Rends-moi mon nom!" , crie Eddie qui a vendu ses hôtes à la police de l'immigration et à qui l'on crache au visage comme à un paria.

Celles de l'honneur à la sicilienne, toujours vivaces, même dans cette grande ville nord-américaine où tous ces immigrés italiens brûlent pourtant de s'intégrer, et qui commandent la vendetta, l'omertà et le meurtre.

Celles du code pénal qui précisément interdisent le meurtre et recommandent la médiation de la parole...

Mais la parole justement est empêchée dans cette moderne tragédie: dans ce monde de rudes travailleurs, on ne peut se parler de rien. On n'a pas les mots pour le dire.Peut-être parce qu'à force d' errer entre deux mondes, entre deux pays, entre deux codes, on a perdu la langue de ses émotions...

On ne met pas de mots sur les maux.

Pas de mot sur le désir en panne entre Béatrice et Eddie. Pas de mots sur la passion dévorante d'Eddie pour Cathy, sa très jeune nièce, ce "bébé" qu'il a élevé et qui devient tellement femme. Pas de mots sur la gêne que ressent Eddie devant le beau Rodolfo, si blond, si tendre chanteur, si bon couturier, si fin cuisinier. Pas de mots sur l'atroce jalousie qui lui mord les tripes quand il voit ce" voyou" si peu viril mettre les mains sur la belle Cathy...

Alors comme on n'a pas les mots, on se défend avec les gestes: en soulevant une chaise d'une main, en boxant à la loyale puis à la sauvage, en dansant comme on se noie, en se déhanchant sur un standard de jazz, en chaloupant sur des talons trop hauts, en balançant une jupe trop courte....

Mais dans la tragédie, il n'y a que les personnages pour ne pas voir qu'on va droit dans le mur et que les gestes sans les mots ne peuvent arrêter le destin quand il est lancé comme un train dans un tunnel...

"Il avait les yeux comme des tunnels." dit maître Alfieri d'Eddie. Il y a lu, dès leur première entrevue, toute la noirceur aveugle de la passion.

Un tunnel, un train fou, un fil tendu, prêt à craquer..

Le spectateur de "Vu du pont" découvre ce grouillant microcosme passionnel quand se lève la boîte noire qui découvre la scène des ateliers Berthier.

Il est aussitôt pris à la gorge et saisi d'un sentiment d'urgence et de terreur qui va croissant. Pas de costumes, pas de décor, juste une cour, un seuil, des personnages qui tournent sur le plateau entouré de gradins. Encerclés, encagés, dominés et "vus du pont" les protagonistes se débattent sans espoir. On repose la pierre sur les insectes qui se déchirent dans un bain de sang. C'est la fin. Terrible.
On est presque soulagés de voir enfin se relâcher la pression sous un déluge de pluie sanglante.

Le texte limpide et fort d'Arthur Miller sort incroyablement rajeuni et vibrant de la fantastique mise en scène de Ivo van Hove.

Les sorcières de Salem

Cette pièce est inspirée du procès en sorcellerie qui a défrayé la chronique, à la fin du 17ème siècle, dans la communauté puritaine de la petite ville de Salem, Massachusetts, et dont les annales ont été conservées. Mais sous la plume de Miller, ce drame historique doit se lire aussi comme une dénonciation très contemporaine des procès intentés aux artistes et écrivains tentés par les idées socialistes dans l'Amérique fanatisée par le Mac Maccarthysme...une "chasse aux sorcières" d'un autre genre, qui fit des ravages terribles dans l'intelligentsia américaine des années 50.
Je l'avais lu avec passion dans mon adolescence, et ne l'ai vu qu'au cinéma et jamais sur une scène de théâtre.
J'ai peur que ce soit, des deux pièces de ce recueil, celle qui ait le plus vieilli: Vu du pont, lui, n'a pas pris une ride! Quel texte!
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Ce vieux Livre de Poche regroupait deux pièces de théâtre d'Arthur Miller. Après avoir été déçue par un de ses romans, adapté au cinéma, Les Misfits, j'ai donc décidé de m'attaquer à son théâtre. Et ce fut une belle découverte.
Les Sorcières de Salem (The Crucible – 1952)

J'avais déjà lu plusieurs ouvrages sur les événements de Salem, qui se sont déroulés au coeur des Etats-Unis coloniaux, en 1692. Qualifiés de « vent de folie qui passe sur le pays. » , ou encore d' »abominable comédie », ces événements ont conduit à la pendaison pour sorcellerie de vingt-cinq personnes et à l'emprisonnement de plusieurs autres. Dans les faits, ils ont pris place dans plusieurs villages. Ici Miller les situe uniquement à Salem même (aujourd'hui Danvers), qu'il oppose à un village proche qui résistera à la tentation d'accusation de sorcellerie.

La forme théâtrale était parfaite pour traiter un tel sujet car tout y est question de langage, d'accusations et de contre-accusations, dont les personnages clés sont Abigail, la principale accusatrice qui manipule les autres jeunes filles; et le solide Proctor qui se refuse dès le début à croire à leur envoûtement.

Au cours ces affrontements, au-delà du puritanisme ambiant, ce sont en réalité toutes les tensions du village qui ressurgissent : un tel est enfermé sur dénonciation de son voisin qui convoite son champ; l'autre est pendu car une femme voulait avoir son amant pour elle seule, etc. « Car nous sommes ce que nous avons toujours été, sauf qu'à présent, nous voilà nus. »

Les événements de Salem sont une crise de folie d'une communauté toute entière, un grand délire. Et pourtant, ça ne vous rappelle rien ? La Seconde Guerre mondiale et la dénonciation des Juifs, des résistants ? Des milliers de morts sur un simple soupçon ? une folie européenne meurtrière ?

Cette crise est tout simplement un épisode de plus de la folie des hommes et de leur manipulation collective. Et qui ressurgit à toutes les époques, malgré les avertissements, malgré les leçons. A ce sujet, voir mon article sur La Vague de Todd Strasser … Empruntant des formes différentes, le fond reste pourtant toujours le même : l'instant de domination, de destruction, d'intolérance, de manipulation .. Plus concrètement, Miller a voulu en faire ici une allégorie du maccarthysme.

« Il est difficile de croire qu'une femme si pieuse soit devenue secrètement la servante du Démon après 70 ans de charités et de prières. » Réponse : « Je sais, mais le Diable est subtil ! »

Sic …

***
Vu du pont (A view from the bridge – 1958)

La deuxième pièce de théâtre du recueil est un peu différente. Retour aux Etats-Unis de l'immigration.

Dans la zone portuaire de Brooklyn, Eddie Carbone, un docker d'origine italienne, vit avec son épouse Béatrice et leur jeune nièce Catherine, recueillie par le couple après qu'elle soit devenue orpheline. Deux cousins de Béatrice, Marco et Rodolpho, fuyant la misère de leur région de l'Italie, arrivent illégalement aux États-Unis et trouvent refuge chez Eddie. Catherine ne tarde pas à s'éprendre de Rodolpho, envers qui Eddie éprouve pourtant une profonde méfiance. le docker tente donc de dissuader sa nièce de fréquenter Rodolpho, mais ses efforts restent vains et bientôt les deux amants annoncent qu'ils ont l'intention de se marier. Eddie prend alors une décision qui aura de funestes conséquences.

Cette pièce, assez courte, est pourtant d'une grande intensité. Elle est marquée par une opposition de points de vue entre tous les personnages, alors que tout le monde veut le bien de la jeune Catherine. C'est toute l'habileté de Miller, grâce au théâtre, de nous introduire dans un huis-clos familial avec des pics de tension, des oppositions, sur fond d'insécurité pour les travailleurs clandestins.

Les objectifs s'opposent aussi : Marco veut gagner de l'argent, Rodolpho veut être américain, Catherine veut trouver son prince charmant. Tout pourrait être faisable sans l'opposition d'Eddie qui sent le malheur arriver, un peu comme le docteur dans Washington Square.

Eddie, qui porte un regard profondément pessimiste sur le monde, (« Que la plupart des gens, c'est pas des gens. Qu'il suffit de les regarder vivre autour de soi pour être fixé. »), s'oppose ainsi plus particulièrement au jeune et brillant Rodolpho dont la vie ne fait que commencer. Un Eddie très sympathique qui va passer par les affres de la souffrance alors qu'il veut simplement le bonheur de sa nièce (« Il est plein d'attentions pour ton passeport, c'est tout. »)

Bref, une pièce plus complexe qu'il n'y parait et qui mériterait d'être davantage connue ..

« Vous les hommes, quand vous faites une chose qui n'est pas bien, vous arrivez pas à vous pardonner.

Il s'agit pas que je me pardonne. Il s'agit de savoir si je peux vivre ou si je peux pas vivre. »
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Probablement le meilleur livre concernant les sorcières que j'ai lu, je trouve qu'Arthur Miller est le maître en la matière. Miller s'inspire des évènements entourant le procès de sorcellerie en 1692 dans le Massachussets. Les Sorcières de Salem, de son vrai nom, The Crucible raconte l'histoire Abigaïl et de Betty, toutes deux respectivement nièce et fille du révérend Parris, accompagnées de quelques autres filles du village, ont été retrouvées nues dansant dans la forêt. L'évènement inquiète et fait scandale car les gens du village pensent tout de suite à un pacte avec le diable que les jeunes filles auraient conclu afin de jeter un sort sur l'épouse du fermier Proctor. Abigaïl est en effet éprise de ce dernier et beaucoup pensent qu'elle aurait cherché à faire du mal à cette dernière pour s'accaparer son mari, entraînant avec elle sa cousine et ses amies dans sa folie.
Ouvrage passionnant en envoûtant (c-est le cas de le dire), d(autant plus que les faits s'inspirent d'une histoire vraie. Pour tous ceux qui s'intéressent au paranormal ou à la sorcellerie, ce livre est, selon moi, une vrai référence en la matière.
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"Les sorcières de Salem" s'inspire d'un authentique fait divers qui remonte à la fin du XVIIème siècle.
Sur la foi des accusations de quelques jeunes filles du village de Salem (aujourd'hui nommé Danvers), plus d'une vingtaine de personnes furent pendues pour avoir soi disant pratiqué la sorcellerie et s'être alliées à Satan...

Arthur Miller a choisi d'écrire son récit sous la forme d'une pièce de théâtre, privilégiant ainsi les dialogues, ce qui lui permet de mettre en avant le pouvoir parfois dangereux des mots, lorsqu'ils sont habilement utilisés à des fins malveillantes.

Car ici, nulle preuve ne vient étayer les dires d'Abigail Williams, la plus virulente et la plus rusée des accusatrices à l'origine de cette triste affaire.
Donnant une interprétation des faits qui sert ses intérêts (car son but est au départ de mettre en cause l'épouse de l'amant qui a fini par l'éconduire), elle déploie des trésors de persuasion et de mauvaise foi, ralliant bien vite à sa cause quelques crédules superstitieux, mais aussi et surtout certains individus qui voient dans ces événements l'occasion inespérée d'éliminer un ennemi, ou tout simplement un voisin qu'ils jalousent...

Il est effarant de voir à quel point la situation dégénère : le témoignage mal assuré de quelques jeunes filles impressionnables et la perfidie de quelques autres alliés à la complaisance des juges suffisent à condamner, à l'issue d'un simulacre de procès, des personnalités du village qui, peu de temps auparavant, étaient considérées comme respectables et dignes de confiance...
L'histoire des sorcières de Salem est désespérante. Elle met en lumière la cupidité, la volonté de malfaisance, la bêtise dont les hommes peuvent faire preuve, lorsqu'il sont oublieux de leur capacité de raisonnement et de mesure.

Et si cet atterrant fait divers est vieux de plus de trois siècles, le constat de la capacité de l'être humain à l'intolérance et à l'étroitesse d'esprit sera malheureusement toujours d'actualité. La parution de la pièce d'Arthur Miller (en 1952) est contemporaine des débuts du McCarthysme aux Etats-Unis qui, faut-il le rappeler, fut qualifié de "chasse aux sorcières". le choix de l'auteur n'est pas innocent et il ne s'agit pas d'une coïncidence...
En effet, il fut l'une des premières personnalités à mettre en garde contre les inévitables dérives qui devaient découler de cette traque aux communistes motivée par la paranoïa et la haine de l'autre.


"Vu du pont" nous ramène au XXème siècle, dans les bas-quartiers de Brooklyn, au sein d'une population de travailleurs miséreux dont la plupart sont d'origine sicilienne.

Nous sommes avertis d'emblée qu'un drame va se jouer, ainsi que nous l'annonce l'avocat Alfieri, personnage qui en fut le témoin. Il s'adresse au lecteur/public tel le choeur d'une pièce antique, en aparté, ponctuant parfois de ses commentaires l'action jouée, et l'éclairant du recul que lui permet de prendre le fait que cette action soit passée.

Eddie Carbone, américain d'origine italienne qui travaille sur les docks, vit avec sa femme Béatrice et Catherine, la nièce de cette dernière, que le couple a recueilli à la mort de sa mère. Catherine a dix-sept ans, mais son oncle a bien du mal à la laisser s'émanciper ; il se montre envers elle protecteur à l'extrême...
L'élément qui va faire ici dégénérer la situation est l'arrivée chez les Carbone de Marco et Rodolpho, des cousins de Béatrice qui débarquent clandestinement de Sicile, et que le couple hébergent en attendant qu'ils aient économisé assez d'argent pour avoir leur propre logement.

Sans mot superflu, à l'aide de dialogues percutants, Arthur Miller nous plonge très vite au coeur des problématiques qui régissent les rapports entre tous ses personnages. Les non-dits, les sentiments que l'on n'ose même pas s'avouer à soi-même, la jalousie, vont faire que la tension monte, et de paroles regrettables en malentendus, nous assistons au processus qui mène inéluctablement à la tragédie finale...

"Vu du pont" est un texte haut en couleur, dans lequel s'expriment des émotions fortes, voire violentes, de façon parfois presque grandiloquente, accentuant le ton dramatique de l'intrigue, et imprimant au récit un rythme soutenu.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Deux pièces de théâtre bien différentes… mais très intenses dans les échanges verbaux et la psychologie des personnages !
La première pièce est basée sur une histoire vraie, le procès des sorcières de Salem. A cause de dénonciation d’actes de sorcellerie, des femmes ont été arrêtées, jugées coupables et pendues.
Par intérêt ou par jalousie, des jeunes filles de bonnes familles dénoncent et ce, quitte à voir finir voisins, famille ou amis sur la potence. Et ce vent de folie a réellement soufflé dans une petite ville du Massachusetts, très puritaine dans cette fin du 17ème siècle.
La religion tenant une très place importante dans cette communauté, les dires de ces filles sont crus et la machine judiciaire une fois lancée est impossible a arrêtée même si les preuves sont inexistantes et que le doute subsiste.
Bref, une histoire qui fait froid dans le dos et Arthur Miller a su la faire revivre dans cette pièce de théâtre qu’il a créée en 1953 où l’on suit le déroulement de cette affaire avec beaucoup d’effarement en se demandant comment est-ce possible que la justice est pu condamner et manquer autant de discernement !
La seconde pièce, relatée par l’avocat nommé Alfieri, est un drame qui a eu lieu chez les Carbone, ses voisins.
Eddie Carbone est docker, marié et le tuteur d’une belle jeune fille de 16 ans, Catherine qu’il a élevée. Il accueille chez lui deux jeunes cousins de sa femme, deux immigrés italiens clandestins Marco et Rodolpho venus en Amérique travailler. Ce dernier tombe amoureux de Catherine et vice-versa ce qui déplait fortement à Eddie. Celui-ci commettra l’irréparable pour qu’elle reste auprès de lui.
Dès les premiers pages, nous savons qu’un drame est survenu au sein de la famille Carbone et peu à peu le voile se lève pour découvrir un amour malsain et possessif d’Eddie pour sa fille qu’il a du mal à voir grandir.
Sur fond d’immigration clandestine et de rêve américain dans le New York des années 1950, la jalousie rode, l’amour incestueux guette et l’honneur est mis à mal avec cet homme modeste et droit qui sombre peu à peu pour commettre l’irrémédiable. Bref, une tragédie émouvante et cruelle à la fois !

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