Ce tome fait suite à Deus ex machina (épisodes 18 à 26). Il contient les épisodes 27 à 37, parus en 1990/1991.
Épisodes 27 à 32 (scénario de
Peter Milligan, dessins de
Chas Truog, encrage de mark Farmer, sauf épisode 29 dessiné par
Steve Dillon) - Buddy Baker est étendu sur un lit d'hôpital, sous perfusion, et il est en train de rêver à une savane dans laquelle un tigre à dents de sabre attaque une sorte de zèbre (ou de cheval). Il regagne conscience et apprend qu'il vient de passer 3 mois dans le coma. Sa femme vient le retrouver à l'hôpital et il lui semble qu'elle a changé de coiffure, alors qu'elle l'assure du contraire. Il rentre chez lui et découvre qu'il y a une jungle préhistorique derrière la porte de la salle de bains, alors que les autres n'y voient qu'une salle de bain ordinaire. Il se rend compte qu'il ne maîtrise plus ses pouvoirs, au point d'adopter des comportements animaliers sans s'en rendre compte (par exemple uriner pour marquer son territoire). Il découvre que sa femme le trompe. Il est contacté par Nowhere Man qui lui explique qu'il doit devenir son partenaire pour protéger le président des États-Unis contre une tentative d'assassinat, en travaillant pour la CIA.
Au secours !
Peter Milligan débarque sur la série (après le passage de
Grant Morrison) et s'installe comme chez lui pour un mode narratif agressif et à coté de la plaque. D'un coté, c'est une bonne chose que Milligan n'essaye pas de faire du Morrison à la place de Morrison, mais de l'autre Milligan ne fait que le minimum syndical pour s'adapter au personnage. Fini les questions environnementales, fini les relations entre le monde animal et le règne humain. Il ne reste que la famille de Baker pour servir de faire valoir et Animal Man se servant de ses pouvoirs surtout pour voler. Pour le reste Milligan donne l'impression d'écrire une histoire de Shade, the changing man, série qu'i écrivait à la même époque (à commencer par The American scream). Il introduit un personnage qui parle bizarrement, en rajoutant des mots inutiles dans ses phrases. D'ailleurs, c'est dans l'un des dialogues de ce personnage (Nowhere Man) que Milligan livre sa méthode d'écriture : du collage à la manière de
William S. Burroughs... à ceci près que Milligan n'est pas Burroughs et qu'il réussit juste à rendre la lecture pénible, sans donner naissance à une association d'idée poétique ou révélatrice. Toute la forme narrative semble procéder de cette idée de collage pour un résultat pénible et inintéressant, totalement déplacé par rapport au personnage principal.
Chas Truog continue de réaliser des dessins qui ont l'avantage d'être simples (il aère un peu cette narration surchargée), arrondis par l'encrage de
Mark Farmer. Ce n'est qu'en découvrant l'épisode 32 encré par Truog lui-même que le lecteur comprend que Farmer apporte un coté arrondi et inoffensif, en total décalage avec le récit. 1 étoile.
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Épisodes 33 à 37 (scénario de
Tom Veitch, dessins et encrage de
Steve Dillon) - Un mystérieux individu a confectionné une poupée à l'effigie d'Animal Man. Buddy Baker recommence à travailler comme cascadeur pour des films de science-fiction, ce qui lui assure des revenus corrects. Alors qu'il rentre chez lui en volant, avec son fils sur le dos, Travis Cody blesse Cliff avec une flèche. Il se produit une épidémie d'oiseaux morts dans la région où habitude Buddy Baker. Lors d'un déplacement dans les bois il se fait attaquer par un carcajou (Wolverine en anglais). Il perd le contrôle de son pouvoir et n'arrive plus à reprendre une apparence parfaitement humaine (sa main droite conserve des griffes). Il y a quelque chose de pourri dans le champ morphogénique.
Après le ratage de Milligan c'est un vrai bonheur que de retrouver Buddy Baker en responsable de famille pas tout à fait à la hauteur, déstabilisé par ses pouvoirs qui n'obéissent pas comme ils le devraient, avec un dérèglement indicible dans le monde animal.
Tom Veitch (le frère de
Rick Veitch) s'est surtout fait connaître en donnant un second souffle aux comics de Star Wars quand ils furent édités par Dark Horse : Dark Empire trilogy. Il apporte ici un ton qui peut évoquer par moment celui d'
Alan Moore dans ses derniers épisodes pour Swamp Thing, en particulier avec la relation adulte entre Buddy et sa femme Ellen, et avec l'arrivée de Travis Cody, un hippie avec une formation d'ingénieur (évoquant de loin Chester Williams). En sus, il développe le rôle de Maxine, et il creuse le mode de fonctionnement des pouvoirs d'Animal Man d'une manière qui évoque un peu la remise en cause du personnage de Swamp Thing par
Alan Moore (en moins radical tout de même). En revenant à un mode de narration plus traditionnel, avec une augmentation de la place dévolue au règne animal et à la famille Baker,
Tom Veitch redonne une vraie personnalité attachante à Buddy Baker, réintègre l'essence du personnage (son lien avec le monde animal) et se conforme aux superhéros à la manière Vertigo, c'est-à-dire une approche plus familière pour le lecteur. Pour autant, il ne s'agit pas d'une histoire de superhéros classique. Animal Man ne combat pas le supercriminel du mois, ses pouvoirs présentent des caractéristiques dérangeantes, et Veitch introduit un contexte de shamanisme amérindien judicieux et pertinent, dans ce contexte de relation de l'homme avec l'animal. Il saupoudre le tout de quelques éléments horrifiques et l'histoire immerge le lecteur dans une aventure fort originale.
Ces épisodes sont illustrés par
Steve Dillon qui réalise lui-même l'encrage de ses dessins avec un style plus soutenu que dans la suite de sa carrière. de fait l'encrage permet de donner des textures à chaque surface de manière convaincante. Dans ces épisodes, Dillon n'a pas encore figé ses images dans les tics qui deviendront sa marque de fabrique. Les plans et les cadrages sont variés. Il donne une apparence crédible à tous les personnages, y compris aux 2 enfants (Maxine et Cliff), ce qui est assez rare dans des comics. Travis Cody n'a pas une apparence stéréotypée, il a une tenue vestimentaire originale, ainsi qu'un visage avec une belle moustache. Ellen Baker est élancée et séduisante avec une taille de poitrine normale, sans ressembler à une bimbo. Les animaux ressemblent vraiment à des animaux, et pas à des jouets en peluche à l'anatomie hasardeuse. Dillon réussit à mêler de manière convaincante les composantes de la vie de tous les jours, avec les éléments plus fantastiques, pour un amalgame réussi.
Tom Veitch se révèle être un conteur très habile à faire passer la personnalité de chaque protagoniste, à incorporer des éléments de superhéros sans tomber dans les clichés inhérents à ce genre, et à raconter un thriller original. le lecteur espère que DC poursuivra la réédition de ces épisodes, sachant que Veitch a écrit les épisodes 33 à 50 de la série, qui a été reprise après par
Jamie Delano (épisodes 51 à 79), scénariste exceptionnel connu pour la série Hellblazer. 5 étoiles.