Ce tome est le premier des 2 qui comprennent la réédition intégrale des aventures des Ro-Busters, personnages cocréés par
Pat Mills, initialement parus le magazine Starlord, puis rapatriés dans le magazine 2000 AD. Il comprend les épisodes parus dans Starlord 1 à 22, ainsi que les épisodes parus dans 2000 AD 86 à 97, dans le numéro Starlord Summer Special 1978, magazine initialement parus en 1978/1979. Ces épisodes se regroupent en 11 histoires différentes, 6 écrites par
Pat Mills, 1 par Bill Henry 2 par V. Gross, et 2 par
Chris Lowder. Elles sont illustrées par différents dessinateurs :
Carlos Pino,
Dave Gibbons, Ian Kennedy, Jose Luis Ferrer, Kevin O'Neill, Mike Dorey, et Geoff Campion. Toutes ces histoires sont en noir & blanc, avec 2 pages en couleurs en ouverture de chaque épisode paru dans le magazine Starlord. le lecteur peut être curieux de lire ces histoires soit pour découvrir l'origine de ces personnages, soit pour découvrir ce pan des bandes dessinées anglaises de cette époque, soit parce qu'il a déjà lu des aventures des Ro-Busters ultérieures. Il peut également avoir lu l'ouvrage Be Pure! Be Vigilant! Behave!: 2000AD & Judge Dredd: The Secret History de
Pat Mills où il évoque cette série et ces personnages. L'ouvrage commence par une introduction d'une page rédigée par
Pat Mills, évoquant les meilleurs acteurs pouvant prêter leur voix aux robots.
En 2078, les robots sont devenus un bien d'équipement comme un autre, et les ménages en changent régulièrement. Ils sont classés en 3 catégories : du mode de fonctionnement le plus automatique, à ceux dotés d'une intelligence autonome. Il est fait allusion à plusieurs reprises à des lois de la robotique, visiblement plus nombreuses que celles d'
Isaac Asimov, même si elles ne sont pas toutes explicitées. Hammer-Stein est un robot de guerre qui a perdu de son utilité à la fin de la guerre contre les Volgans et qui se retrouve chez un marchand de robots d'occasion, à côté de Ro-Jaws, un robot spécialisé pour le curage des égouts, non loin de Mek-Quake un énorme robot destructeur dont le vendeur se sert pour se débarrasser de tous les modèles qui encombrent son espace de vente et dont personne ne veut. Alors qu'un couple vient encore de les dédaigner, ils sont achetés à bas prix par un employé du magnat Howard Quartz. Ce dernier est surnommé monsieur 10% parce qu'il ne lui reste plus que 10% de son corps humain d'origine, tout le reste ayant été remplacé par des éléments mécaniques. Hammer-Stein et Ro-Jaws sont affectés à une équipe appelé Ro-Busters, des robots sacrifiables, envoyés dans des missions de sauvetage à hauts risques, que l'entreprise d'Howard Quartz réalise, moyennent paiement conséquent.
Au cours des 8 premières aventures, les Ro-Busters sont dépêchés dans des missions de nature variée : évacuer des passagers humains coincés dans un immense sous-marin ayant subi une avarie, extraire des êtres humains d'une zone envahie par un gaz toxique, neutraliser les déchets radioactifs dans une fusée qui s'est plantée dans un immeuble de grande hauteur à Londres, enrayer une rébellion de robots sur le satellite spatial Ritz, effectuer un sauvetage d'humains dans un avion gros porteur, éviter une guerre ouverte pour un minerai sur la Lune, trouver qui s'en prend aux entreprises d'Howard Quartz, sauver des humains prisonniers d'un train souterrain. Les séquences suivantes reposent sur les souvenirs de guerre d'Hammer-Stein, contre les Volgans sur les champs de bataille. Puis, c'est au tour de Ro-Jaws de raconter ses souvenirs, et son étrange vie. le tome se termine sur un nouveau sauvetage d'humains.
À l'évidence ce recueil constitue une page importante de l'histoire des bandes dessinées britanniques, et encore plus importantes de la carrière de
Pat Mills. Avant de se plonger dedans, le lecteur sait déjà qu'il sera sûrement confronté à une narration visuelle un peu vieillotte ainsi qu'à des histoires un peu simples. Mais s'il est motivé par la découverte des origines de Ro-Jaws, Hammerstein et Mek Quake, il dispose de la motivation nécessaire pour passer outre la forme vétuste. Pour commencer, il a la bonne surprise de constater que les planches sont reproduites avec netteté, sans effet de saturation des noirs, avec des traits clairs. Dans quelques planches, le contraste a été un peu poussé, mais pas au point de rendre les dessins boueux. Il est visible que les planches en couleurs ont bénéficié d'un soin particulier pour les raviver, et que le résultat apparait parfois un peu saturé, mais sans que les planches n'en deviennent illisibles.
Deuxième bonne surprise : ces histoires se lisent toutes seules. Effectivement les intrigues sont très linéaires, et de temps à autres, les phylactères peuvent se faire envahissants. Mais le format d'une mission par histoire imprime un rythme à la lecture, avec un canevas couru d'avance : les Ro-Busters vont intervenir, ils sont décriés par les humains, ils font preuve de résistance et de ténacité au prix de leur intégrité physique, un ou deux meurent, ils triomphent mais leurs actions ne sont pas reconnues. L'alternance de 4 scénaristes ne se sent pas trop car ils utilisent la même forme de récit sur la base d'un sauvetage d'êtres humains en faisant ressortir la condition de moins que rien des robots. le lecteur peut donc se laisser porter par ses aventures, à base de science-fiction basique, comprenant des robots à tout faire saupoudrés d'un zeste d'
Isaac Asimov, une technologie futuriste qui permet de voyager dans l'espace proche, et un capitalisme toujours présent. Pour le reste, le monde ressemble encore beaucoup au nôtre, à l'exception de cette guerre contre les Volgans, explicitée dans Invasion!.
D'un point de vue graphique, les artistes réalisent des planches se situant toutes dans une veine descriptive, en recourant régulièrement à des cases de forme irrégulière et parfois heurtée pour souligner l'impact des coups portés ou des explosions.
Carlos Pino donne une forme très spécifique à Hammer-Stein, à Ro-Jaws et à Mek-Quake. le premier dispose d'une morphologie humanoïde massive, les 2 autres ont une forme plus éloignée, inoubliable, et justifiée par leur spécialisation. le lecteur repère une influence du vaisseau des [[ASIN: B001BPX50K Thunderbirds]] (série télévisuelle de 1964, avec des marionnettes) dans le vaisseau Preying Mantis des Ro-Busters. Il apprécie les surfaces rehaussées de gris des dessins de Ian Kennedy. Pino fait des merveilles avec les postures des robots dans la station spatiale, et pour les arrière-plans évocateurs. Puis Ian Kennedy réalise des dessins plus aérés et impressionnants pour le sauvetage en plein ciel. On passe ensuite à des dessins plus fonctionnels et un peu plus fouillis avec ceux de Jose Luis Ferrer décrivant la lutte pour le précieux minerai sur la Lune. le lecteur retrouve ceux de Pino avec des cases toujours aussi entrechoquées lors des affrontements physiques. Les 2 épisodes dessinés par
Dave Gibbons gagnent en détails, avec une pointe de sarcasme dans la représentation des trognes de ces individus qui ne valent pas mieux les uns que les autres. Les 2 épisodes dessinés par Kevin O'neill gagnent en intensité et en moquerie sous-jacente jusqu'à devenir féroce. Mike White revient dans un registre plus sagement descriptif Mike Dorey apporte une noirceur inattendue et très appropriée au récit de Ro-Jaws.
Les différents dessinateurs réussissent à faire ressortir l'incongruité des situations concoctées par les scénaristes qu'il s'agisse d'un comique visuel (par exemple Ro-Jaws avec une perruque de juge sur la tête), de l'influence de Charley's War à l'occasion des mémoires d'Hammerstein, du comique de comportement (celui de gros bourrin de Mek-Quake), ou encore du comique gestuel (les postures et les grimaces de Ro-Jaws). le lecteur découvre donc une page d'histoire des comics britannique dont la forme a vieilli mais pas au point d'en être illisible. S'il a déjà lu des épisodes des ABC Warriors (en particulier la version de
Clint Langley, à commencer par The Volgan War), il découvre enfin les premières apparitions d'Hammerstein, et les éléments qui deviennent implicites par la suite. S'il a lu le livre de
Pat Mills, il ne peut pas faire autrement que d'avoir une lecture orientée sous l'angle de la lutte des classes, et il n'en apprécie que plus la position sociale des Ro-Busters, la façon dont ils sont exploités, en se rendant compte que Mills décrit les mécanismes de ce mode d'exploitation. Il met à nu les rouages d'un système de classe, et le lecteur se rend compte que ces mécanismes sont toujours à l'oeuvre.
En se lançant dans cette réédition, le lecteur peut avoir des attentes de type différent, mais il n'y est pas venu par hasard. Il a le plaisir de découvrir un travail soigné, des histoires simples et lisibles, une narration qui n'a pas trop vieilli. Il voit sa curiosité satisfaite qu'il s'intéresse à cette période en particulier des bandes dessinées britanniques, ou aux origines des Ro-Busters qui se sont ensuite retrouvés dans les ABC Warriors.