AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
2,97

sur 327 notes
Rien de répétitif dans les choix de Céline Minard, ils sont toujours nouveaux et souvent audacieux.

Dans le grand jeu, elle nous parle d'une expérience insolite, celle de vivre seule et isolée en haute montagne. Pour s'abriter du froid, de la chaleur et des multiples dangers que recèle le lieu, le personnage féminin de cette histoire a fait construire une sorte de ‘'tonneau'' perché à 2800m, doté d'un confort sommaire mais parfaitement habitable. Construit dans des matériaux high tech, il permet malgré des températures potentiellement extrêmes, de maintenir celle de l'intérieur à 20°. On ne connaît ni l'endroit où se situent ces montagnes ni le nom de la protagoniste. le propos n'est pas là, qui reste centré sur l'expérience. On suit ainsi cette femme dans son quotidien entre exploration de son territoire, culture de ses légumes, bains dans le lac et siestes en pleine nature ou à l'intérieur de son abri. Tout se passe conformément à ses souhaits jusqu'à la découverte de l'existence d'une femme moine, personnage mystérieux avec qui elle doit partager son bout de montagne.

Je me demande ce que Céline Minard a voulu dire ou transmettre avec ce roman, certes insolite mais ennuyeux et bancal. Ennuyeux car truffé de mots très techniques liés à l'alpinisme et de descriptions détaillées mais sans âme ni poésie qui empêchent le lecteur de se projeter dans le lieu. Bancal car l'histoire est émaillée de questions d'ordre existentiel autour de la promesse et de la menace qui ne sont pas développées. Restées à l'état d'interrogations, elles m'ont paru incongrues et sans intérêt.

Vous l'avez compris, je n'ai pas aimé ce livre qui m'a déçue. J'avais beaucoup aimé le précédent « Faillir être flinguée », je n'ai donc pas hésité à me lancer dans ce nouveau roman dont je trouvais le sujet intéressant. Je l'ai lu jusqu'au bout mais sans plaisir.
Commenter  J’apprécie          30
Lire des romans de la rentrée littéraire n'est pas une nécessité absolue d'autant plus lorsqu'on ne trouve rien qui nous tente. Mais bon, j'ai toujours l'espoir que comme dans la musique ou dans d'autres arts, la littérature évolue, sur la forme et sur le fond. Les auteurs français ont beaucoup donné dans l'expérimentation littéraire, il serait peut-être temps qu'ils renouent avec ce qui est le propre de la littérature : raconter une histoire (vraie ou fausse) de la façon la plus affinée possible. Mais apparemment, c'est trop demander. Evidemment, ce n'est pas une généralité mais quand même, globalement, c'est le reproche qu'on peut faire aux auteurs français : de se prendre pour des défricheurs quand on voudrait qu'ils soient des raconteurs.

Ce récit de Celine Minard partait d'une bonne intention : la narratrice décide, pour des raisons obscures (bien qu'elle égraine ici ou là une certaine forme de misanthropie) de s'isoler en haute montagne dans un caisson high-tech accroché à flanc de rocher et près d'un endroit où il lui est possible de cultiver un petit jardin et d'aménager un cellier. On n'a pas le droit non plus de savoir comment elle s'est prise pour faire installer tout cela mais on a, dans la première partie, le privilège de pouvoir suivre le cours de l'installation à tel point que j'avais l'impression de lire un bouquin scientifique, genre d'un géologue ou un chercheur en je ne sais quoi. Une fois installée, cette femme mystérieuse se lance dans des défis montagnards insensés, quittant son gîte quelques jours pour aller faire de l'alpinisme et accessoirement mettre sa vie en danger. Cette partie est tout aussi pénible et ne peut plaire qu'aux alpinistes amateurs.

Ce qui aurait pu changer la donne et mettre un peu d'émotion dans ce roman est sa rencontre avec une sorte d'ermite, qu'elle appelle "la nonne" avec qui elle parle très peu mais boit beaucoup de rhum. Je signale au passage que cette nonne est assez capée en alpinisme également. Mais cette relation qui aurait pu casser le caractère un peu trop technique de l'ensemble laisse un goût d'inachevé. Je n'ai jamais compris ce que l'une attendait de l'autre et j'ai encore moins compris les paragraphes méta-philosophiques qui closent chaque chapitre. Donc, je suis passé à côté de ce roman atypique, un brin perché (pardon pour le jeu de mots) et mal embranché.

Je ne fais pas une fixation sur le Goncourt mais je constate d'ailleurs que 'le grand jeu', malgré le fait que Céline Minard soit une auteure connue, ne figure pas dans la première sélection (pourtant très élargie) et je n'en suis pas surpris. Je ne le conseillerais même pas à un ami me faisant part de son souhait d'aller s'isoler quelques mois en haute montagne. Ce serait le desservir.

lecture sept 2016, sur liseuse kindle, 192 pages, éditions Rivages, parution août 2016, note : 1.5/5
Lien : http://doelan.blogspirit.com..
Commenter  J’apprécie          31
La narratrice s'est retirée dans un refuge high tech accroché aux parois d'un massif montagneux. Elle cherche des réponses à ses questions, l'isolement étant comme une voie vers le "comment vivre" ? Si elle a tout prévu, c'est sans compter sur une nonne ermite du bout du monde qui bouleversera ses plans.
Ce personnage perché en haut de sa montagne apparaît aussi froid que les technologies mises en place pour lui permettre cette expérience du bout du monde. Aucune empathie ressentie envers cette femme dont on ne saisit pas bien les motivations profondes. Alors oui, elle se pose des questions, ô combien, mais justement, sans doute trop, peut-être mal. Ces questions perpétuelles alourdissent considérablement le récit, angoissantes, lancinantes, elles finissent par sonner creux. Artificielles plus que philosophiques.

"On peut être en danger sans être en détresse. Dans quelles conditions ?" "Une menace est un risque précis. Et une promesse ?" "Peut-on se comprendre soi-même ? Peut-on réellement jouer seul aux échecs ?"

"Tu acceptes qu'une forme verbale soit susceptible d'affecter ta production de glucocorticoïdes mais tu le refuses aux variations climatiques ? (...) Est-ce qu'avoir les pieds trempés quinze jours de long c'est une expérience enrichissante . En quoi ? En matière de champignon ? Est-ce que parler aux geais ça m'avance beaucoup sur le chemin de la paix de l'âme ?"

Et pourtant le thème du rapport à l'autre, entre menace et promesse était attirant :

"Si s'éloigner des humains c'était céder à l'affolement ? Refuser de prendre le risque de la promesse, de la menace. Refuser de le calculer, de le mesurer, de s'en garder. Si la retraite (le retirement), c'était jeter le risque du côté du danger, définitivement ? Si c'était choisir la peur, la panique, se choisir un maître ? Se laisser dévorer par la promesse et la menace, sans même qu'elles s'annoncent ? Vaut-il mieux s'éloigner du danger ou tenter de le réduire ? A quelle distance une relation humaine n'est-elle qu'un risque ? A quelle distance est-elle inoffensive ?

Est-ce que la surprise est une solution ? Une sauvagerie ?" p. 124

Stylistiquement parlant, ce choix assumé de poser des questions perpétuellement noie le propos et la personnalité de la narratrice qui manque alors de subtilité, de profondeur, de contours.

Et puis parlons de cette nonne sortie de nulle part, personnage étrange autant qu'inquiétant. Quel rôle joue-t-elle ? Métaphorique ? A vouloir trop en faire, on se perd en chemin... Une déception !


Lien : http://www.lecturissime.com/..
Commenter  J’apprécie          30
Après un premier coup de coeur avec "La succession" de Jean-Paul Dubois, voilà ma première déception de la rentrée littéraire... J'étais pourtant très attirée par le sujet, j'étais même confortée dans mon choix par les nombreuses très bonnes critiques...

Une femme fait l'expérience d'une retraite solitaire en pleine nature. Elle tient un journal de bord. Et voilà un enchainement de faits nets et précis de son quotidien. L'exploration de son nouveau territoire et le récit de sa nouvelle vie se font de manière chirurgicale. J'aurais aimé du contemplatif. J'aurais aimé du ressenti. J'aurais aimé vivre par procuration cette nature sauvage. J'aurais aimé me sentir ébranlée par sa solitude. Mais non.

Les nombreuses interrogations qui ponctuent le roman se veulent progressives et évolutives avec l'expérience de la solitude mais sont redondantes pendant une bonne partie du livre : elles m'ont déroutée voire même m'ont agacées avec cette impression de lire des annales du bac Philo...

Alors quand même, paradoxalement, c'est lorsque survient l'inattendu (elle n'est pas seule, une nonne-ermite occupe déjà le territoire), c'est lorsque la solitude pesant devrait la déshumaniser, que l'écriture devient plus humaine et plus émotionnelle... de déroutée, je suis devenue déconcertée...

Bref, je n'ai pas été transformée par cette expérience solitaire et n'ai pas eu envie non plus de tenter de répondre aux moult questions philosophico-introspectives soit disant posées.

Alors, théories de la relativité et de la remise en question obligent : suis-je passée à côté ?
Commenter  J’apprécie          30
Une femme s'installe, seule, en montagne, dans un abri qu'elle a conçu. C'est un projet réfléchi, pensé dans les moindres détails, rien d'une "tocade d'excentrique" : panneaux photovoltaïques, résine, fibre de verre, leds, elle a choisi des matériaux de pointe pour leur adaptation à un environnement extrême (un monde de grand froid et de grosses chaleurs, en altitude). Cette construction sophistiquée n'en évoque pas moins les cabanes de l'enfance, les maisonnettes des contes où se réfugier quand on est perdu dans la forêt. "C'est une belle planque", dit-elle.
On retrouve aussi dans les occupations des premiers jours le goût de la robinsonnade : être seul et reconstruire un monde à sa mesure, explorer les alentours, pêcher, chasser, couper du bois, monter un mur, cultiver.
Mais cette femme, la narratrice, en évoquant d'emblée son "tonneau" (l'abri est cylindrique), tel Diogène, se place aussi du côté des philosophes. Elle écrit, remplissant des cahiers où elle consigne les tâches quotidiennes nécessaires à sa survie, le récit de ses courses en montagne.
Et tout le récit très concret de ses journées se double d'un questionnement existentiel, d'une réflexion sur cette mise à l'épreuve volontaire, cette solitude choisie. le corps et les liens qu'il entretient avec l'esprit sont au coeur du roman.
Mais très tôt dans le récit, elle qui s'est préparée à tout, qui s'est "entraînée" va se retrouver face à l'inattendu : elle n'est pas seule, quelqu'un l'a précédée dans ces paysages sauvages qui semblaient n'être habités que par des marmottes, des isards et des oiseaux.
Le passé de la narratrice restera dans l'ombre, et toutes les clés de cette histoire à la fois très physique et cérébrale ne nous seront pas données. A la fin de ce roman intrigant et singulier, nous chercherons des réponses à nos questions.

Commenter  J’apprécie          30
Après la lecture du très beau "Faillir être flingué" je me suis précipitée sur le nouveau livre de Céline Minard. On retrouve ici la langue sèche et juste de l'auteur, mais poussée à son extrême. le propos du livre, une femme qui s'isole volontairement pour se fortifier et répondre à certains questionnements, est très attirant en principe. Mais ce personnage énigmatique se révèle vite plus agaçant qu'autre chose, avec son matériel high-tech et ses questionnements métaphysiques. L'avalanche de questions que se pose la narratrice devient vite insupportable, tant elles se perdent dans un non sens détaché du réel. La rencontre avec l'ermite pourrait reconnecter un peu le récit sur l'humain et le concret, mais au contraire l'expérience prend un tour encore plus étrange et inaccessible. On se sent abandonné au pied de la montagne, l'auteur n'ayant pas daigné nous donner les clés pour suivre son personnage sur les sommets.
Commenter  J’apprécie          30
Ambitieux et déroutant, le récit d'une expérience (volontaire) de solitude et de rapport au monde du vivant. Une femme s'impose une retraite pour se questionner sur son existence en dehors de la relation sociale. Seule en pleine montagne dans un refuge high-tech (qui existe réellement, d'après une interview de l'autrice), elle s'installe en autarcie, consacrant ses journées à sa survie (potager / conserves) et à l'exploration de son territoire, à travers de longues marches et des escalades (passages très techniques que j'ai eu du mal à me représenter car je ne maîtrise pas du tout le vocabulaire de l'escalade). Elle s'interroge sur les modalités de la relation à autrui, entre menace et promesse, et envisage la possibilité d'une relation hors du jeu. En même temps, on ne sait rien de cette narratrice (sinon son présent immédiat) et on ignore ce qui l'a poussée à opter pour ce retrait du monde. Des réflexions intéressantes, mais la 2e partie prend un tour plus inattendu et burlesque avec la rencontre d'une ermite assez particulière, une boule de laine portée sur la bouteille et les exercices d'équilibre. J'avoue que cela m'a moins convaincue…Le Grand Jeu, Céline MINARD
Ambitieux et déroutant, le récit d'une expérience (volontaire) de solitude et de rapport au monde du vivant. Une femme s'impose une retraite pour se questionner sur son existence en dehors de toute relation sociale. Seule en pleine montagne dans un refuge high-tech (qui existe réellement, d'après une interview de l'autrice), elle s'installe pour vivre en autarcie, consacrant ses journées à sa survie (potager / conserves) et à l'exploration de son territoire, à travers de longues marches et des escalades (passages très techniques que j'ai eu du mal à me représenter car je ne maîtrise pas du tout le vocabulaire de l'escalade). Elle s'interroge sur les modalités de la relation à autrui, entre menace et promesse, et envisage la possibilité d'une relation « gratuite », hors du jeu. En même temps, on ne sait rien de cette narratrice (sinon son présent immédiat) et on ignore ce qui l'a poussée à opter pour ce retrait du monde. Des réflexions intéressantes, mais la 2e partie prend un tour plus inattendu et burlesque avec la rencontre d'une ermite assez particulière, une boule de laine portée sur la bouteille et les exercices d'équilibre (c'est apparemment compatible). J'avoue que cela m'a moins convaincue…
Commenter  J’apprécie          20
Les circonstances d'une lecture sont parfois primordiales pour apprécier pleinement un roman.
Ainsi en a-t-il été de celle du "Grand jeu" (du moins au début, comme nous le verrons par la suite), dernier roman en date de Céline Minard, dont je n'aurais sans doute pas autant aimé l'entame si je ne l'avis découvert dans un environnement montagnard.

Attention, loin de moi l'idée de comparer les conditions du séjour dans les hauteurs de son héroïne avec le mien. J'ai pour ma part banalement passé quinze jours de vacances à Barcelonnette, dans un confortable studio où je rentrais chaque soir profiter d'un lit, d'une douche et d'une plaque de cuisson sur laquelle je préparais des denrées achetées au supermarché du coin... alors que le personnage de Céline Minard s'isole en pleine altitude dans une espèce de cylindre accroché à flanc de roche, spécifiquement aménagé pour pourvoir à ses besoins en toute autonomie. Elle plante ses fruits et ses légumes, pêche la truite, explore les environs et en équipe certaines parois naturelles de pitons en prévision de balades nécessitant une sérieuse connaissance de l'alpinisme... bref, rien à voir avec mes gentilles randonnées journalières qui, même si elles m'ont fait parfois cracher mes poumons (que voulez-vous, en région bordelaise, l'altitude, on n'a pas trop l'habitude), ne représentaient pas de réel exploit.

Il n'empêche que certains passages du "Grand jeu", que j'aurais peut-être trouvés un peu longs dans un autre contexte, m'ont vraiment parlé, parce que j'y retrouvais certains éléments dans lesquels me plongeaient mes journées. Cette sensation, au contact des espaces désertiques et minéraux, de s'imprégner de l'air, de l'odeur de la roche et de la terre, de boire de réapprendre à s'émerveille de la couleur d'une fleur ou des ailes d'un papillon... ce sentiment si ressourçant d'être seul au monde (où du moins dans un périmètre de quelques kilomètres carrés), loin de ces nuisances sonores et de tous les parasites divers que nous impose le milieu urbain...

Mais que vient faire, en ces lieux désolés, et surtout dans les conditions détaillées ci-dessus, cette jeune femme dont nous ne savons rien de l'existence avant cette curieuse expérience ?

On pense comprendre qu'il s'agit d'une retraite, l'aboutissement d'une démarche qu'elle estime nécessaire, un moment de sa vie où il lui est devenu indispensable de se poser certaines questions, loin des distractions de la société et des interactions humaines qui pourraient nuire à sa réflexion. On se demande quel dégoût des autres ou quelle recherche de soi l'a amenée ici. S'agit-il d'apprendre à vivre avec soi-même ? Avec les autres ? Elle se pose de nombreuses questions sur la consistance de notre présence et de notre conscience au monde, sur la force, l'influence sur la psyché des connexions entre les êtres. Des questions auxquelles elle n'apporte d'ailleurs pas de réponse...

Et puis, presque aussi soudainement qu'elle m'avait conquise, Céline Minard m'a perdue... je ne voudrais pas gâcher le futur plaisir de ceux qui, malgré ce billet, auront envie de découvrir ce très curieux roman, aussi ne m'étendrai-je pas sur les événements insolites -voire surnaturels- qui viennent perturber l'isolement de la narratrice, et qui m'ont donné l'impression de faire irruption dans le récit comme des cheveux tombent dans la soupe... une véritable douche froide !

Je ne sais que dire de plus... ce roman m'a complètement décontenancée, je crois n'avoir rien compris à ce que je tenais entre les mains...

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          20
Le grand jeu : Tout un programme et ça rigole pas avec Céline Minard !
Quand faut y aller , c'est sans demi-mesure pour son héroine des temps modernes qui ne cherche pas l'amour du chevalier-servant mais seulement la rencontre avec elle-même , loin de ses pairs (qu'elle ne semble pas tenir en haute estime ) , volontairement donc .
Par nécessité semble-t-il pour survivre , une femme part vivre en haute montagne , dans ses contrées hostiles à l'homme , à moins d'être solidement équipée d'un matériel technique high tech des plus performants . Un choix insolite , un grand luxe car probablement coûteux mais un luxe vécu sans filet : tel est le but du jeu , le grand jeu ?
C'est avec autant de précision , minutie , calculs , prévision que d'intuition que son camp de base voit le jour . Rien n'est laissé au hasard , la femme connait son affaire et n'admet pas la faille souvent fatale dans de telles conditions : le mental de grimpeuse comme précieux atout en mode survie , et une quête existentielle bien arrimée dans son bagage intellectuel .
Mais est-ce suffisant pour entendre les réponses ? L'écho de la montagne ne donne pas la réponse. Hors de toute représentation sociale, il faut malgré tout trouver des points de repères , des ancrages et sans la présence de l'autre , c'est une multitude forme de vie qui sait se faire entendre ,perçue comme menace , danger (dans une perception presque animiste ) :
Le surplomb est une menace, il se tient au dessus de moi et sa taille , son poids ,, sa présence s'imposent et compressent l'espace .Mon oreille interne perçoit un surplomb avant que je ne voie .La menace est un état de fait , un état de masse .un état de gravité de la roche entre la chute et l'accroche , une chute en réalité , une chute imminente , dont le déclenchement va se produire, de façon incertaine , dans un temps proche , imprévisible .Une chute en train de se produire sur une échelle du temps que nous ne pouvons pas percevoir du fait de notre vitesse propre
.
Mais aussi comme l'amie :
L"eau n'est pas montée au dessus de la tige de ma chaussure quand j'ai traversé et je lui en ai été reconnaissante "Et après que j'ai eu à nouveau traversé le pierrier , le retour fut un rêve .La cascade était apprivoisée ."
Et puis la femme n'a rien d'une évaporée partie à l'aventure en mode "Robinsonnade , on va bien se poiler" : une solide connaissance du terrain non seulement par la pratique des sports de montagne mais aussi géologique lui permet de lire le paysage , se l'approprier en dehors d'une approche espace temps primaire : grâce à tout ce bagage , et une force mentale qui n'est pas sans rappeler quelques approches méditatives orientalistes, son adaptation se fait en relative souplesse , ce qui lui permet de faire surgir en elle "Lhomme paléocéne " ( faite comme moi , chercher sur google ) et de trouver la voie pour sortir , et de dire :
"J'étais toujours dans la concentration .Je sentais les fibres , le goût de chaque aliment était une matière , le goût . L'eau qu'ils contenaient , une source .Ce que j'avalais l'énergie .La pelouse autour de moi , tous les brins , un par un , la puissance .Les nuages sur ma tête , la sauterelle sur ma jambe , dans ma main : la puissance "
Là on atteint un degré de prise au réel multidimensionnel assez exceptionnel et on se dit "respect" :
"S'il y a une esthétique dans ce volume , c'est celle de la survie .S'il ya une décision , c'est la mienne , celle de vouloir m'installer dans des conditions difficiles .En grande autonomie" .
Du reste , malgré cette cette grande maitrise("surmaitrise" ? ) , le ravissement sait surgir , avec forte contention quand même , Céline Minard n'est pas de cette trempe d'écrivain qui laisse discourir dans les herbes folles pour parer son récit de toutes les fleurs d'apparats qui cachent souvent un grand vide (comme je suis en train de faire ??? ) :
"De l'autre côté , tout était ouvert , étalé , érodé , doux .Le soleil glissait partout .Les montagnes étaient emballées de laine tendre , d'un vert rabatuu que le rose rallumait . Les sommets étaient ronds , la lenteur de leur courbe m'apaisait "
.Tout irait pour le mieux dans le meilleur de monde donc , avec la bonne grossefatigue et ce qu'on suppose d'endorphines pour que les questionnements ontologiques prennent leur juste place sans douleur , ni attente et de là à penser
"Je ne comprends pas ce qui m'arrive comme un acte de naiveté .Je comprends "s"en contenter" comme un acte de sagesse .
Ou bien
"La description , sans jugement , sans inclination , est peut être la seule discipline nécessaire .Aquoi ? A l'accueil du monde .Et comme ne saurait-il pas vivre celui qui accueille le monde ? .
Bon mais si le grand jeu finalement n'était pas celui prévu par l'autarcie mais que la grande menace revienne en puissance décuplée par l'hostilité des lieux à travers ce personnage aussi improbable qu'omniprésent qui provoque un brusque changement stylistique :
" Qu'est ce que ce fait ce putain de moine dans mon territoir ? Envahissement , occupation , traversée , trouble ? "
Car
"Dès que je vois un humain , j'ai l'idée d'une relation entre lui et moi"
A fortiori dans cet univers aux frontières minérales . Et de ce chemin initiatique , menant à l'autre , dans une forme d'altérité incongrue , désocialisée , Céline Minard nous entraine dans une reconnaissance de l'autre au delà du vernis , ce "si fragile vernis d'humanité " que je redoute tant depuis ma dernière lecture de Michel Terestchenko : aux frontières du fantastique , dans les plis de la roche , à travers l'oreille interne , dans une reconnaissance primitive , sans limite , dans l'acceptation du grand jeu , le seul , l'unique , celui qui m'unit à l'autre .Entaché, cependant, ce dernier parcours par un abus de substance euphorisante comme alcool ou autres drogues qui décrédibilisent quelque peu .A ces altitudes , on pourrait penser que l'ivresse des montagnes devraient suffire pour basculer dans une fantasmagorie décoiffante , comme en témoigne les dernières pages .
Néanmoins, un ouvrage insolite , hautement recommandable pour les amateurs d'écritures sèches et perforantes , pour les amateurs de sensations fortes et aux cérébralités en quête d'"accroches pitonesques"pas toujours très fiables (c'est ce qui en fait la saveur ! ) .
On en ressort bourré ( non pas que d'alcool ) de questionnements réveillés , un peu confus , peut-être légèrement agacé par un intellectualisme un peu forcé . Sans réponses mais aussi nourris par un voyage presque expérimental en bordure des limites habituelles , dans une sorte de délicieux vertige suscitant le soubresaut nécessaire pour inviter le lecteur vers d'autres ailleurs .
Commenter  J’apprécie          22
La formidable Montagne Analogique de la quête obsessionnelle du sens et de l'équilibre.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2016/10/29/note-de-lecture-le-grand-jeu-celine-minard/
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (658) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
440 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}