Les circonstances d'une lecture sont parfois primordiales pour apprécier pleinement un roman.
Ainsi en a-t-il été de celle du "Grand jeu" (du moins au début, comme nous le verrons par la suite), dernier roman en date de
Céline Minard, dont je n'aurais sans doute pas autant aimé l'entame si je ne l'avis découvert dans un environnement montagnard.
Attention, loin de moi l'idée de comparer les conditions du séjour dans les hauteurs de son héroïne avec le mien. J'ai pour ma part banalement passé quinze jours de vacances à Barcelonnette, dans un confortable studio où je rentrais chaque soir profiter d'un lit, d'une douche et d'une plaque de cuisson sur laquelle je préparais des denrées achetées au supermarché du coin... alors que le personnage de
Céline Minard s'isole en pleine altitude dans une espèce de cylindre accroché à flanc de roche, spécifiquement aménagé pour pourvoir à ses besoins en toute autonomie. Elle plante ses fruits et ses légumes, pêche la truite, explore les environs et en équipe certaines parois naturelles de pitons en prévision de balades nécessitant une sérieuse connaissance de l'alpinisme... bref, rien à voir avec mes gentilles randonnées journalières qui, même si elles m'ont fait parfois cracher mes poumons (que voulez-vous, en région bordelaise, l'altitude, on n'a pas trop l'habitude), ne représentaient pas de réel exploit.
Il n'empêche que certains passages du "Grand jeu", que j'aurais peut-être trouvés un peu longs dans un autre contexte, m'ont vraiment parlé, parce que j'y retrouvais certains éléments dans lesquels me plongeaient mes journées. Cette sensation, au contact des espaces désertiques et minéraux, de s'imprégner de l'air, de l'odeur de la roche et de la terre, de boire de réapprendre à s'émerveille de la couleur d'une fleur ou des ailes d'un papillon... ce sentiment si ressourçant d'être seul au monde (où du moins dans un périmètre de quelques kilomètres carrés), loin de ces nuisances sonores et de tous les parasites divers que nous impose le milieu urbain...
Mais que vient faire, en ces lieux désolés, et surtout dans les conditions détaillées ci-dessus, cette jeune femme dont nous ne savons rien de l'existence avant cette curieuse expérience ?
On pense comprendre qu'il s'agit d'une retraite, l'aboutissement d'une démarche qu'elle estime nécessaire, un moment de sa vie où il lui est devenu indispensable de se poser certaines questions, loin des distractions de la société et des interactions humaines qui pourraient nuire à sa réflexion. On se demande quel dégoût des autres ou quelle recherche de soi l'a amenée ici. S'agit-il d'apprendre à vivre avec soi-même ? Avec les autres ? Elle se pose de nombreuses questions sur la consistance de notre présence et de notre conscience au monde, sur la force, l'influence sur la psyché des connexions entre les êtres. Des questions auxquelles elle n'apporte d'ailleurs pas de réponse...
Et puis, presque aussi soudainement qu'elle m'avait conquise,
Céline Minard m'a perdue... je ne voudrais pas gâcher le futur plaisir de ceux qui, malgré ce billet, auront envie de découvrir ce très curieux roman, aussi ne m'étendrai-je pas sur les événements insolites -voire surnaturels- qui viennent perturber l'isolement de la narratrice, et qui m'ont donné l'impression de faire irruption dans le récit comme des cheveux tombent dans la soupe... une véritable douche froide !
Je ne sais que dire de plus... ce roman m'a complètement décontenancée, je crois n'avoir rien compris à ce que je tenais entre les mains...
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