Minville Benoît – "
Rural noir" – Gallimard/Série noire, 2016 (ISBN 978-2-07-014876-9)
Il s'agit du premier roman policier publié par cet auteur, qui a cependant déjà quelques autres romans à son actif, y compris dans le secteur jeunesse, ce qui est le plus souvent gage de qualité.
Le récit est articulé autour d'une bande de quatre – puis cinq – personnages qui constituaient une solide bande d'amis dans leur jeunesse. Dix ans plus tard, l'un d'eux entraîne les autres dans une embrouille liée à la drogue... et nous sommes "pourtant" dans la Nièvre profonde, avec les vieux qui causent encore morvandiau.
C'est que, et c'est là un thème fort de ce roman, la pieuvre a étendu ses tentacules inexorablement jusque dans les coins les plus reculés de la province profonde, bénéficiant de décennies d'indulgence de la part d'élites elles-mêmes consommatrices (on se souvient de ces ministricules affichant ouvertement leurs penchants, et pendant des décennies, un journal comme "Le Monde" s'arrangeait pour publier au moins une page par mois en faveur de la légalisation du cannabis et la dépénalisation du reste... c'était très tendance chez les bobos-gauchos-caviar).
L'autre forte originalité, profondément pensée par l'auteur de ce récit, consiste à faire le lien avec l'inexorable destruction du monde rural qui est en cours, cautionnée par ces mêmes élites urbaines corrompues si ce n'est pourries (cf le duo Strauss-Kahn - Dodo la Saumure, petits agneaux blanchis par un petit juge qui ne trouve rien à redire dans leurs trafics ignobles), à tel point que la "diagonale du vide" est dorénavant devenue un concept géopolitique reconnu (cf par exemple Guilly "la France périphérique..."). Destruction qui va si loin que ce sont – dans ce récit – les caïds locaux qui revitalisent le patelin et assurent des emplois : on entre alors dans le phénomène mafieux sicilien typique. Tout cela est extrêmement bien vu par l'auteur.
Pour ne rien gâcher, les personnages sont magistralement campés, les caractères bien cernés, avec en toile de fond la problématique des choix cruciaux auxquels chacune et chacun se trouve confronté.
Autre qualité pour ce roman qui en compte tant, l'écriture et le langage qui collent parfaitement aux personnages, sans forcer, sans outrance, et restitue ainsi la langue populaire réellement parlée.
Seul regret : l'auteur ménage vers la fin un retournement que l'on sentait venir, qui n'a plus rien à voir avec les deux thématiques ci-dessus, ce qui – à mon sens – affaibli du coup considérablement la force de l'intrigue, mais bon...
Un auteur à suivre...