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4,2

sur 2095 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'adore les histoires qui s'étirent sur plusieurs décennies, qui couvrent plusieurs générations, celles qui abordent la musique et celles qui font se rejoindre la grande Histoire et les histoires individuelles. Autant dire qu'avec ce roman d'Akira Mizubayashi, j'ai été servi. Il m'a d'ailleurs fait penser à Confiteor de Jaume Cabre où le fil conducteur était un violon Storioni qui échouait dans les mains d'un enfant, Adria, dont on suivait le parcours de vie, celui-ci étant étroitement lié à son instrument. Dans Âme Brisée, on retrouve en quelque sorte la même trame. le Storioni a fait place à un Vuillaume du milieu du XIXe siècle. L'histoire s'enracine à Tokyo alors que les tensions sont vives entre un Japon impéraliste, belliqueux et paranoïaque et la Chine. Elle est ensuite transplantée en France avant que les dimensions tant géographique que temporelles/générationnelles soient réconciliées à travers la musique et plus encore, à travers la beauté qui transcende et unit les âmes et permet de surmonter les douleurs et la mort. Je suggère d'accompagner la lecture du livre d'une écoute en arrière-fond des oeuvres de Schubert, de Bach, de Berg qui sont référencées dans le roman, voire, pour l'une d'elles, qui le structurent.

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Quelle joie de concilier la beauté d'un texte et d'une musique ; d'aller au plus profond de l'âme d'un homme blessé au coeur et de celle d'un instrument détruit et réinventé.
Ecoutons ″Rosamunde ‶de Schubert (les lecteurs comprendront) et entrons à pas feutrés dans la vie de Rei…
Rei est petit garçon, quand en 1938, il est témoin d'une terrible agression des soldats japonais alors que son père, violoniste, est en train de répéter avec 3 autres musiciens, chinois. Rei est caché dans un placard, et il ne lui restera de son père que son violon mutilé qu'un autre soldat touché par la grâce de la musique aura la bonté de lui remettre.
Quelques années plus tard, nous retrouverons Rei/Jacques, au soir de sa vie, dont la plus grande fierté est d'avoir pu restaurer ce violon, parce devenu, et ce n'est pas un hasard, un luthier reconnu. Toute sa vie, Jacques n'aura de cesse de d'être à la recherche des 3 autres compagnons d'infortune de son père dont il ne retrouvera jamais la trace.
Ce roman, premier opus d'un triptyque consacré aux instruments à cordes, admirablement construit explore la mémoire et les souvenirs ; il nous parle du deuil impossible, de l'injustice qui doit être réparée et de fidélité.
J'ai profondément apprécié l'élégance, la poésie et la délicatesse de l'écriture de l'auteur. J'ai été charmée par l'habileté avec laquelle il fait progresser son propos. L'ambiance de ce roman a un petit quelque chose d'indéfinissable, et de particulièrement enveloppant.

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Mizubayashi Akira (1951-) – "Ame brisée" – Gallimard / Folio, 2019 (ISBN 978-2-07-292121-6)

Une fois n'est pas coutume, je trouve nécessaire de rendre compte ici non pas d'un roman de cet auteur, mais de quatre d'entre eux qui me semblent étroitement liés.

Akira Mizubayashi est japonais, mais c'est en français qu'il écrit des romans prenant la musique pour thème central. Cet écrivain est un cas tout à fait exceptionnel, pour au moins quatre raisons :
- primo, parce qu'il n'est pas nativement d'origine franco-japonaise, il a appris la langue française réellement comme une langue étrangère et relativement tardivement ; pour moi qui maîtrise l'allemand couramment, je mesure à quel point je serai bien incapable d'atteindre un tel niveau de jeu littéraire avec cette langue, qui appartient pourtant au fonds des langues européennes, et dont la distance linguistique est minuscule rapportée à celle, abyssale, qui sépare le français du japonais !!!
- secondo parce qu'il se sert de la langue française avec une époustouflante virtuosité et une justesse tout à fait exceptionnelle pour rendre compte d'émotions musicales, ce qui est rarissime comme j'ai pu le constater car, au cours de mes lectures, j'accorde une attention particulière aux écrivains qui tentent de rendre compte d'un autre art, comme par exemple Grainville avec "L'atelier du peintre" (cf recension) ou "Falaise des fous" (cf recension), Proust étant bien le seul à restituer, magistralement, ses perceptions tant de la musique (Vinteuil) que de la peinture (Elstir)...
- tertio parce que l'intrigue de ses romans repose toujours sur une grande rencontre amoureuse narrée avec une remarquable pudeur : pas de scène scabreuse, pas de pornographie graveleuse, c'est là encore tout à fait exceptionnel dans la littérature d'aujourd'hui !!!
- quarto parce que ces romans, écrits et publiés ces dernières années, illustrent comment et combien les conséquences des horreurs commises pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) influent aujourd'hui encore sur le cours de la vie des générations postérieures.

L'auteur recourt à la technique musicale désignée par l'expression "variation sur un thème". En effet, la trame de ces quatre romans est la même : avant la Seconde Guerre mondiale, un jeune japonais est amené à poursuivre ses études à Paris, où il fait la rencontre – délicatement amoureuse – d'une jeune française. La mobilisation générale contraint le jeune homme à rentrer au Japon, sa compagne devenant la mère d'un enfant conçu juste avant la séparation. Variation propre à chaque roman : deux générations plus tard, les petits-enfants découvrent ce passé...

Ces dernières années, l'auteur a publié une trilogie consacrée aux instruments à cordes (violon, alto, violoncelle) :
- Mizubayashi Akira (1951-) – "Ame brisée" – Gallimard / Folio, 2019 (ISBN 978-2-07-292121-6)
Lecture qui me servit de découverte de cet auteur (cf mention le 24 juin 2021) ; l'instrument de musique central est ici le violon. L'âme en question étant ce minuscule petit cylindre de bois qui instaura la Grande Différence avec la famille des violes de gambe...
- Mizubayashi Akira (1951-) – "Reine de coeur " – Gallimard / Folio, 2022 (ISBN 978-2-07-301739-0)
L'instrument de musique central est ici l'alto, ce grand violon accordé une quinte en dessous du violon, doublant à l'octave les cordes du violoncelle. L'exercice est méritoire, car les pièces originales écrites spécifiquement pour cet instrument sont d'autant plus rare que l'auteur se limite à la période de la musique occidentale depuis l'époque classique (l'alto avait un rôle plus gratifiant jusqu'à l'époque baroque) : j'en sais quelque chose, puisque j'ai moi-même suivi un cursus d'altiste dans ma jeunesse.
- Mizubayashi Akira (1951-) – "Suite inoubliable " – Gallimard NRF, 2023 (ISBN 978-2-07-303211-9)
Ce volume était impatiemment attendu par les violoncellistes (dont je suis dorénavant, en tant qu'humble amateur baroqueux). Non moins évidemment, le répertoire évoqué tourne autour de ces six "suites" de J.S. Bach pour violoncelle seul, écrites pour et retranscrites par Anna-Magdalena, qui vinrent fonder et consacrer l'incontournable ampleur de cet instrument dans cette tessiture (de baryton, grosso modo), pour devenir l'une des oeuvres incontournables de la musique occidentale. Dommage que l'auteur ne connaisse pas mieux l'apport apporté par la ré-étude de cette musique à la lumière de la redécouverte des fondements de la musique baroque. Mais leur exhumation par Pablo Casals (dont est évoqué "le chant des oiseaux" p. 216) constitua un évènement majeur : c'est également par lui que je découvris ces suites il y a maintenant presque soixante ans (!), oeuvres qui ne m'ont plus jamais quitté... et qui furent à l'origine de ma décision de me consacrer dorénavant au violoncelle baroque.

Un roman antérieur :
- Mizubayashi Akira (1951-) – "Un amour de Mille-Ans " – Gallimard / Folio, 2017 (ISBN 978-2-07-278229-9)
Toujours sur la même trame, l'auteur évoque ici la rencontre d'une cantatrice, ou plutôt de sa voix de soprano. J'adhère volontiers au postulat énoncé ici par l'auteur : une belle voix féminine exerce (sur la plupart des hommes ?) un pouvoir quasi ensorcelant (p. 153-155). le roman tourne principalement autour des "Noces de Figaro" (Mozart), l'un des sommets de la musique occidentale. Les perspectives ouvertes par les remarques formulées pp. 87-88 sont d'une extrême justesse. Plus rigolo (pour moi), l'auteur évoque (pp. 162) un Lied de Schubert (Gute Nacht) que je suis précisément en train de travailler.

Par ailleurs, sans y insister, l'auteur révèle un peu de sa façon de travailler pour obtenir cette maîtrise ahurissante de la langue française : il rend hommage (p. 73) au "Petit Robert" puis explicite plus longuement (pp. 156-157) pourquoi et comment il se mit à l'apprentissage du français.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces romans, mais le plus simple, c'est encore de les lire, puis de les offrir autour de soi, à toute personne sensible de près ou de loin à la musique...

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Sans aucun doute, ma lecture préférée de l'année. Ce livre est un véritable poème, une symphonie littéraire. On s'attache profondément à chaque personnage, on rêve d'être à leurs côtés, de partager leur histoire. Une émotion dévorante m'a envahi à la lecture de ces pages. Il n'y a pas besoin d'en dire davantage, vous serez, vous aussi, emporté par cette oeuvre enchanteresse.
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L'âme brisée : une petite pièce en bois interposée dans le corps de l'instrument à cordes; L'âme presque invisible.
Deux âmes brisées, celle d'un enfant déraciné et celle d'un violon détruit sous le poids de la haine et de l'endoctrinement.
Une double cassure !

Nul besoin d'être mélomane pour apprécier, ressentir des émotions à travers la musique !
J'ai aimé cet hommage à la littérature et à la musique !
La musique est un lien entre les êtres humains, une puissance dépassant la politique. Elle véhicule une émotion, permet de comprendre le message émotionnel derrière cette musique !
Un ultime rempart contre la folie humaine.

Cette histoire se déroule au Japon et en France, entre 1938 et le début des années 2000.
L'auteur aborde des sujets comme la reconstruction, le rapport au passé, le déracinement et nous offre une ode à la puissance de la musique.
J'ai été touchée par Rei Mizusawa, cet enfant japonais d'onze ans qui, dans l'après-midi un dimanche en 1938,
brutalement, sans le moindre avertissement, sans la moindre possibilité de s'y préparer psychologiquement,
perd son père pour toujours.
Son père Yu, professeur, premier violon et trois étudiants chinois se réunissent pour répéter la Rosamunde de Schubert.
Rei est présent, très concentré sur son livre "Dites moi comment vous allez vivre".
Des soldats font irruption sur les lieux, brisent et saccagent le violon de Yu, les accusent d'être des dissidents politiques et les emmènent au poste.
Rei, que son père aura eu le temps de cacher dans une armoire, terrorisé, assiste à toute la scène. Il échappera à la violence des militaires grâce au lieutenant Kurokami qui, lorsqu'il le découvre, lui confiera le violon détruit.

Rei sera recueilli et adopté par un ami Français de son père. Il prendra le nom de Jacques Maillard.
Il ne cessera jamais de penser à l'absent, au disparu, au manquant, au mort, à travers le violon réduit en miettes.
C'est ce violon qui décidera du sens de sa vie ! A travers cet objet symbolique c'est la mémoire perdue de son père
qu'il veut retrouver.
Rei deviendra luthier en France à Mirecourt, n'oubliera pas son passé et consacrera sa vie à le restaurer.

Ce roman bouleversant, puissant, une écriture à l'unisson entre les mots et les notes en feront une interprétation lumineuse et magistrale !


"Une mélodie simple, touchante, lancinante, transparente comme un ruisseau de larmes, commença à couler sur les cordes du premier violon."
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Un très beau roman, d'une facture plutôt classique, mais qui nous plonge à la fois dans le monde merveilleux de la musique, des musiciennes et musiciens, et de celles et ceux qui fabriquent ces bijoux sonores que sont les instruments à cordes: violon, alto, violoncelle, et que sont les archets qui les animent, et à l'opposé, dans le traumatisme insensé que représentent la dictature et la guerre.

Tout commence ici au Japon en 1938, alors que la guerre sino-japonaise a débuté en 1937, et que le Japon est une dictature militaire aux visées territoriales expansionnistes.
Quatre universitaires et amis, une chinoise, deux chinois et un japonais se réunissent chez l'un d'entre eux, le japonais Monsieur Yu, pour répéter un des célèbres quatuors de Schubert, Rosamund, en présence du fils de Monsieur Yu, Rei, un garçon âgé d'une dizaine d'années.
Cette répétition est accompagnée de réflexions profondes sur le sens de ce quatuor, et aussi sur d'autres concernant la situation politique dangereuse pour la sécurité de ces amis chinois et japonais.
Survient un contrôle militaire violent, avant lequel Monsieur Yu cache Rei dans une armoire, et durant lequel un caporal borné et agressif va briser le violon de Monsieur Yu, et notamment son âme, cette petite pièce en épicéa si spéciale, cruciale pour régler le son de l'instrument. Survient un lieutenant éduqué et mélomane qui s'attriste du sort réservé au violon de Monsieur Yu, et demande qu'on lui joue un court morceau de violon, ce que Monsieur Yu fait en utilisant le violon de son collègue, interprétant merveilleusement la gavotte d'une des partitas de J.S Bach. L'ordre d'un haut gradé est alors d'emmener tous ces musiciens à la caserne pour un interrogatoire, le jeune lieutenant, ayant aperçu Rei dans l'armoire n'en dit pas un mot et le laisse libre. Rei ne reverra plus son père.Désemparé, il sera finalement recueilli par Philippe Maillard, un ami français de Mr Yu. Après ce chapitre intitulé tel un premier mouvement, « Allegro ma non troppo », le récit va faire un bond dans le temps et nous y retrouvons dans les années 1980 un Rei âgé, devenu Jacques Maillard, et…luthier.
Et le récit va alors être fait d'un retour sur l'histoire de Rei, sa formation au métier de luthier, et de rencontres émouvantes et inattendues, je n'en dis pas plus, à vous de découvrir cette belle histoire de mémoire et de transmission.

C'est admirablement écrit, comme une sorte de conte moderne, et c'est d'une grande sensibilité, d'une grande humanité.
Bien qu'il soit à mon goût, un peu convenu, ce très beau récit nous raconte comment la musique et l'art en général sont toujours les cibles de la barbarie, mais comment la musique et l'amour sortent en définitive vainqueurs.
Et puis il nous plonge aussi dans le monde fascinant et exigeant des facteurs d'instruments de musique, ces orfèvres aux mains d'or.

J'ai découvert que l'auteur a été professeur de français et connait parfaitement notre langue à tel point que ce roman d'un auteur japonais est écrit….en français.
Mais avec la délicatesse de ton d'une certaine littérature japonaise, et c'est très beau, je trouve.
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Tokyo, dimanche 6 novembre 1938.
En pleine guerre sino-japonaise, un enfant de onze ans assiste, impuissant, à l'arrestation de son père.
Violoniste talentueux, son père formait avec trois musiciens chinois un quatuor qui était en train de répéter une oeuvre de Schubert, lorsqu'ils ont été arrêtés. C'est par le trou de la serrure de l'armoire dans laquelle son père l'a caché qu'il observe la scène. Il ne reverra jamais son père.
Il récupèrera néanmoins son violon qu'un caporal japonais a piétiné et dont la pièce maîtresse -l'âme- a été brisée. L'enfant deviendra luthier et mettra douze ans à restaurer le violon de son père, le seul objet qu'il en ait gardé. A la fin de sa vie, grâce à la musique classique et aux réseaux sociaux, il retrouvera une des membres du quatuor et la petite-fille du lieutenant...
Un scénario original qui n'est pas dépourvu d'émotion. Âme brisée est en effet le roman d'un retour aux sources, qui mettra du baume au coeur du héros meurtri par la vie : après celle du violon, c'est sa propre âme qui en sortira régénérée.
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Un auteur japonais qui écrit dans une langue française parfaite et poétique, mêlant avec brio littérature et musique, Japon et France.

Ame brisée, c'est l'histoire d'un enfant japonais séparé de son père par la violence de la guerre et sauvé par un soldat mélomane. C'est aussi l'histoire d'un violon, qui, malgré son âme brisée, traversera les frontières et le temps pour renouer les liens de l'amour. Tout comme l'âme humaine, l'âme de l'instrument est fragile et le luthier qui la fait renaître est un magicien.

Dans ce premier volume de sa trilogie (à suivre Reine de coeur et Suite inoubliable), Akira Mizubayashi nous entraîne dans un voyage empli d'émotion à travers l'espace et le temps. Un bonheur de délicatesse !

Une nouvelle fois, je ressors de ma lecture émerveillée et admirative. Cet auteur est incontestablement ma plus belle découverte littéraire de l'année 2023 et j'ai hâte de lire le troisième opus "suite inoubliable".
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A la question rituelle « Qu'est-ce qu'on amène ? » suivi du laconique « Rien ! », des amis ont pris l'habitude de ne pas obéir et de venir souper avec un livre-présent. Il y a quelques mois déjà, ce fut Murakami, samedi dernier, ce fut Mizubayashi… Je les surnomme à présent les amikado…
Et quel cadeau ! Ce magnifique roman relate le destin singulier de Rei Mizusawa. La guerre sino-japonaise, prélude dans cette région du futur conflit mondial dont le Japon sortira exsangue, provoque l'exil de cet enfant vers la France. Devenu Jacques Maillard, du nom de sa famille d'adoption, l'orphelin construira sa vie autour du violon, l'instrument de son père victime du totalitarisme nippon. Puis, le passé resurgira…
« Âme brisée » raconte le pouvoir cautérisant de la musique et son langage sensible universel qui se moque des barrières linguistiques habituelles. Pour avoir côtoyé des musiciens professionnels ainsi qu'un célèbre luthier bédaricien, je n'ai pas une seule seconde imaginé que je lisais une histoire à dormir debout. Pourtant, l'écrivain n'y va pas avec le dos de la cuillère à thé pour nous plonger dans son intrigue : derrière le titre polysémique se déroule une scène inaugurale où l'harmonie d'un quatuor à corde est confrontée à un militaire brutal avant qu'un gradé mélomane n'intervienne. Il s'en fallait de peu mon cher pour que nous ne plongions dans le pathos. Mais, le virtuose Mizubayashi en alternant d'une part des envolées stylistiques, les instants de musique notamment, et d'autre part, des dialogues ordinaires s'est habilement tenu à l'écart du piège de l'invraisemblance. le contraste entre la banalité des conversations de la vie quotidienne et l'élévation artistique est, au contraire, mis en valeur.
Ceux qui ont habité près d'une école de musique, savent que le violon peut s'avérer un supplice pour les tympans. Mais, lorsqu'il est maîtrisé, cet instrument pourrait presque faire douter de l'inexistence des dieux. Toujours sur la corde qui sépare le mélo du sublime, le virtuose Mizubayashi maintient le lecteur dans cette magie que procure l'art en général et la musique en particulier. L'autre intérêt de cet ouvrage est que Mizubayashi natif de Sakata (Sakata Lakité, tic tac ?) rend magnifiquement hommage tant à la culture japonaise qu'à la culture européenne. le fait que l'auteur ait étudié à l'Université Paul-Valéry de Montpellier, près loin de Pézenas, et qu'il soit aussi à l'aise dans les deux langues (et sans doute d'autres !) est probablement un facteur important. Il explique cette volonté de mettre en exergue les ponts qui relient des humains si différents, alors qu'hélas, les murs sont majoritaires sur notre planète.
Comme de longs échos qui de loin se confondent, j'ai ressenti l'émotion éprouvée, jadis, à la découverte de « Comment Wang-fô fut sauvée ». Un conte, pourtant ! Bizarre, bizarre, ne suis-je pas en pleine contradiction ? Peut-être est-ce ça la grâce ?
C'est en tout cas bien « violontiers » que je vous recommande ce petit bijou : aux âmes, citoyens !
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J'ai attendu que la trilogie qui débute avec "Âme brisée", se poursuit avec "Reine de coeur" et se termine par "Suite inoubliable" soit complète pour en commencer la lecture, même s'ils peuvent se lire indépendamment les uns des autres, afin d'en saisir l'essence, le mouvement, la musicalité. Je n'avais jamais lu Akira Mizubayashi auparavant; ce fut une très belle découverte que je poursuivrai avec grand plaisir.
Ce roman s'inscrit dans le contexte historique de la guerre de 15 ans (1931-1945) entre la Chine et le Japon, initiée par ce dernier. La scène d'introduction s'y réfère sans la nommer lorsque des soldats japonais font irruption, en 1938, dans une répétition d'un quatuor composé du père du personnage principal, Rei, et de trois concertistes chinois. Cette scène sera le seul épisode violent du roman, qui met en scène la barbarie militaire où deux âmes sont brisées, celle du violon du père et celle de Rei auquel son père sera arraché à tout jamais. le violon est décrit comme un être vivant qui apporte bonheur et joie et qui souffre quand on le maltraite. Mais un militaire mélomane et sensible sauve l'enfant et lui remet l'instrument détruit. le roman est ensuite pétri d'émotions, toute en délicatesse et retenue.
Il est bâti sur des dualités :
* Japon où l'enfant a vécu ses 11 premières années et est devenu orphelin/ France où il a vécu avec ses parents adoptifs et est devenu un luthier reconnu et où on le retrouve en 2003, 65 ans après le drame.
* Passé toujours présent à travers le violon de son père, qui ne l'a jamais quitté, auquel il a patiemment et tendrement redonné vie; passé qui fait irruption dans le présent avec la rencontre avec la petite-fille violoniste du militaire qui a sauvé Rei.
* Musique et littérature unies par un lien intime; la littérature est présentée comme une musique de mots qui entrent en résonance et la musique comme la littérature des sons
L'amour est au centre de ce très beau roman; l'amour pour le père, que la violence, l'éloignement et les années n'ont pas dilué, l'amour pour la musique à laquelle il offre les plus beaux écrins en donnant vie à des violons amoureusement fabriqués, l'amour pour la littérature avec un livre qui ne l'a jamais quitté depuis la disparition de son père, l'amour pour sa compagne archetière symbolisé par leur métier respectif parfaitement complémentaire où l'archet n'est rien sans le violon et inversement.
J'ai par ailleurs beaucoup appris sur l'art des luthiers et des archetiers, sur les frères Vuillaume et sur Mirecourt dans les Vosges qui fut le coeur battant de la lutherie et de l'archèterie.
Un très beau roman dans lequel la musique, comme les odeurs, a le pouvoir de convoquer la mémoire et de nous faire revivre le passé et ceux qui nous ont quittés dans une douce mélancolie.
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