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sur 471 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Du "je" au tutu...
Patrick Modiano n'a pas sa carte de la confrérie de ceux qui écrivent comme il parle… et c'est tant mieux.
J'ai essayé à nouveau de suivre une de ses dernières interviews pour la sortie de ce roman et j'en veux terriblement à son éditeur de lui imposer ce supplice à chaque publication. Il est prix Nobel de littérature, pas d'éloquence et il n'est surement pas le meilleur avocat de son oeuvre. Si cet auteur écrit la plupart du temps à la première personne, c'est peut-être justement pour s'épargner la peine de parler de lui à haute voix. Entre des phrases dont on cherche encore la fin et des « euh » d'élevage, j'ai quand même compris qu'il avait choisi de bâtir son dernier récit autour de la danseuse du titre car la gigue classique exige beaucoup de discipline, de corrections et de répétitions… comme l'écriture. Est-ce pour cette raison que Patrick Modiano refait toujours ses gammes et écrit chaque fois un peu le même roman, éternelles flâneries en jet-lag de l'époque ?
Avec un peu moins de cynisme, je pense surtout que Patrick Modiano retrouve dans les mouvements de la danse, la grâce et l'élégance qui caractérisent son style. Quand je lis un de ses romans, j'ai toujours le sentiment de suivre une plume qui volète le long des rues d'une ville silencieuse, sans trottinettes électriques et livreurs de pizzas.
Nous revoilà donc dans le Paris des années 60 avec un narrateur qui oscille toujours entre le ravi de la crèche et le poète contemplatif qui se cherche. le jeune homme qui entre en littérature par le velux d'une chambre de bonne pour doper des traductions de romans anglo-saxons un peu trop light, joue aussi le baby-sitter d'un bambin d'une dizaine d'années dont la mère est danseuse. Comme le petit rat n'a pas croisé que d'aimables rongeurs dans sa vie, entrechats et chiens, la jeune femme est entourée d'un célèbre maître de ballet, Boris Kniaseff, et d'une sorte de parrain bienveillant aux activités clandestines. du balai au ballet. Importuns au pas, chassés.
Lire du Modiano, c'est accepter de se balader dans le temps avec sa prose unique comme déambulateur. J'ai abordé cette lecture sans surprise, certain d'y retrouver mon chemin, dans des rues aux ambiances cotonneuses où le lecteur marche sur la pointe des pieds pour ne pas bousculer les souvenirs de l'auteur.
Une petite révolution néanmoins dans ce texte. le sexe. En général, avec Modiano, on ne fait que marcher. Je referme ses livres en ayant mal aux mollets et quelques ampoules. Pourtant, avec un bouquin de 100 pages, je ne risque pas le claquage. Ici, il ne passe pas de l'autofiction à l'autofriction mais si, jusqu'à présent, son « je » manquait de corps, il camoufle moins les désirs dans ce roman. L'effet tutu, dirait Degas.
J'ai également aimé dans l'arrière salle de cette histoire, cette croyance que l'art, danse comme écriture ou peinture, peut sauver quelques destins mal embouchés.
Enfin, il y a la critique du Paris d'aujourd'hui, celui des valises à roulettes des touristes qui effarouchent les nostalgies en même temps que les pigeons.
Une agréable promenade en terrain connu.
Une Révérence pour La Référence.
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Le flou artistique

La couleur est annoncée dès les premières lignes.
Des vagues de souvenirs évanescents vont déferler sans relache tout au long de ce court roman.
A quelques détails près.
Des détails parfois limpides, souvent beaucoup plus flous.
Un narrateur à la mémoire indisciplinée nous emmène dans les rues vaporeuses d'un Paris aux allures de grand bain turque à ciel ouvert sur les pas d'une danseuse aux cheveux bruns... ou peut-être châtains.
Il se livre, au fil d'un récit qui évolue au bon vouloir des éclairs qui jaillissent de sa mémoire, sur les liens qu'il entretient avec cette danseuse.
Patrick Modiano, sans surprise, fait ce qu'il sait faire de mieux au risque assumé de verser dans l'autopastiche. Les adeptes de l'auteur apprécieront la "petite musique " récurrente bien présente et les quelques pas de danses associés.
Patrick Modiano est un auteur qui se complaît dans le flou artistique, un art qu'il maîtrise à la perfection.
Et c'est aussi pour cela qu'on l'apprécie.
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Chez Patrick Modiano, le temps n'est pas linéaire, ni même circulaire. C'est un millefeuilles dont les plans morcelés s'enchevêtrent, un caléidoscope qui, dans notre magma mémoriel, brasse des éclats de temps demeurés intacts, des instants vivant dans notre esprit un présent éternel. En ce très apaisé et lumineux roman tenant en une centaine de pages, il jette une fois de plus le filet dans les eaux du passé pour en exhumer, précieux butin à peine voilé par les brumes du souvenir, quelques images semblant un condensé de sa jeunesse.


Le narrateur, qui ressemble à l'auteur à s'y méprendre, ne se reconnaît plus dans le Paris trépidant d'aujourd'hui. A cette ville qui lui est devenue étrangère, il préfère substituer dans son esprit celle qui lui fut chère cinquante ans plus tôt. Tout jeune homme écrivant des chansons dans sa chambre de bonne non chauffée, sans savoir encore que certaines deviendraient célèbres, il y fréquentait un monde un peu décalé, presque interlope, entre un bar qui s'appelait le Bastos et un restaurant La Boîte à Magie. Il venait juste de rencontrer « un étrange éditeur », Maurice Girodias, qui publierait plus tard le futur best-seller Lolita de Nabokov, refusé par toutes les maisons d'édition, et qui, pour l'heure, lui demandait d'ajouter des épisodes à des romans censurés dans les pays anglo-saxons. Et puis, de temps à autre, il s'occupait d'un garçonnet de dix ans, le fils d'une danseuse se formant au renommé studio Wacker, où enseignait alors Boris Kniaseff.


De cet enfant et de la danseuse ne subsistent aujourd'hui que des silhouettes fantomatiques, à la fois floues et précises, sans plus de nom. Leur surgissement du passé abolit soudain le temps, le passé est à nouveau présent, un passé qui n'aura jamais de futur puisque rien ne permet plus de savoir ce que tous deux sont devenus. Peu importe, à cet instant, la jeune ballerine et l'apprenti écrivain sont chacun au début de leur trajectoire, avec ceci de commun qu'à la force des bras, ils sont en train de s'arracher à la violence et aux mauvaises fréquentations de leur milieu d'origine. « La danse, disait Kniaseff, est une discipline qui vous permet de survivre. » de même, constate un autre personnage s'adressant au narrateur jeune : « Je suppose que vous travaillez à cette table sur toutes ces feuilles, parce que vous aussi vous avez besoin d'une discipline. » Subtile façon de laisser entendre combien l'écriture, ascétique discipline de l'esprit comme la danse peut l'être pour le corps, joua d'importance salvatrice dans l'existence de l'auteur, « donn[ant] vraiment un sens à [s]a vie et [l']empêchant] de partir à la dérive. »


Réinventant inlassablement la mélodie du temps qui passe sans jamais vraiment s'en aller, la plume reconnaissable entre toutes de Patrick Modiano se joue si bien du passé et du présent qu'elle en devient intemporelle, l'ombre d'un souvenir et d'un personnage lui suffisant à incarner en un minimum de pages des thèmes aussi intimes et universels que l'écriture et la survie. On ne se lasse décidément pas du mystère Modiano

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Dans ce court roman, 96 pages à peine, Patrick Modiano entraîne son lecteur, comme il sait si bien le faire, sur les chemins du souvenir et de la nostalgie. Il suffit d'une vague souvenance remontée des tréfonds de la mémoire et la rencontre d'un personnage surgi du passé pour que s'enchaînent les souvenirs d'une époque ancienne.
« Ainsi depuis quelques jours me revenaient, par bribes, les images d'une période très lointaine de ma vie. Jusque-là, elles étaient recouvertes par une couche de glace. J'avais quand même par instants la vague pressentiment que cela ne durerait pas. Il était fatal qu'un jour ou l'autre la glace fonde et que ces images réapparaissent comme remontent les noyés à la surface de la Seine. »
Le narrateur est confronté à la foule de touristes dans un Paris qu'il ne reconnait plus. Des milliers de touristes qui envahissent la ville tandis que lui se retourne sur ce passé qu'il croyait à jamais effacé. Les personnages évoqués restent assez vagues, même la danseuse que le narrateur a connue n'a pas de nom, tout juste une description physique alors que les visages des autres se sont estompés. le récit est partiel, lui-aussi, car la mémoire est sélective. Il y a le petit Pierre, enfant calme que le narrateur gardait lorsque sa mère rentrait tard de des répétitions. Et son protecteur Verzini, qui possède un cabaret et loue des chambres.
« Elle s'en est sortie comme elle a pu, a ajouté Verzini,. Grâce à la danse. Elle s'est donné une discipline. Et j'ai toujours voulu l'aider dans la mesure de mes moyens. »
Car la danseuse se plie à une discipline très stricte. Là, les souvenirs sont plus nets, il y a le studio de danse Wacker, place de Clichy et son professeur de danse, le chorégraphe russe, Boris Kniaseff. L'exigence de la danse ne supporte pas le flou et tout s'ordonne comme un pas de deux. On a l'impression que les personnages qui gravitent autour de la danseuse prennent de la densité à son contact.
Le narrateur, qui ne sait pas encore ce qu'il va faire de sa vie, est attiré par la rigueur de la danseuse. Il en prend de la graine en travaillant son écriture.
Non, il ne se passe pas grand-chose dans ce roman intemporel qui nous offre quelques fragments d'un passé comme une mosaïque inachevée. Et l'auteur nous laisse sur notre faim d'en apprendre un peu plus sur la danseuse et le petit Pierre et il nous abandonne dans une rue de Paris, un soir de Noël.
Modiano est le peintre des souvenirs, il patine le passé, lui redonne ce lustre de la nostalgie. On l'aime pour son style, sobre, pudique, et pour ses évocations d'une époque disparue.

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— Entrechats et loup —

Le narrateur. Depuis quelques jours lui reviennent des bribes d'une période lointaine comme la glace qui fond. Puis une rencontre surgit du passé. Ou bien est-ce un mauvais rêve, un fantôme ?
Un numéro de portable situe dans le temps la remémoration et à la fois nous y perd (06 à 11 chiffres – et un numéro de fixe à préfixe, comme autrefois, avant, pendant, après-guerre…). D'un côté, pour partie, on est aujourd'hui, à peu près ; 2023 dira plus tard le narrateur, précisément le 8 janvier.

Le narrateur prétend souhaiter y voir clair, mais le voeux reste en deçà la volonté et le fantôme (Verzini — mais est-ce bien lui ?) n'est pas non plus bavard. Plus tard, interpellé à son tour : « Ah l'élégant… toujours le même », le narrateur fuit. Ce n'est pas lui ou bien ne veut-il pas savoir. Ce ne serait pas important.

« Il s'était écoulé près d'un demi-siècle et cela suffisait pour avoir tout oublié. Et même pour être devenu un autre dans une ville où vous ne pouviez plus retrouver vos anciennes traces. »

Les visages se sont estompés avec le temps, d'ailleurs on prenait moins de photos qu'aujourd'hui, note-t-il. le temps qui a brouillé les visages a aussi brouillé les repères chronologiques et la géographie urbaine.
Donc on ne sait pas quand, en novembre ou en décembre, le narrateur vient chercher un enfant dans une rue dont il a oublié le nom. le petit Pierre. Ce pourrait être le début d'un chemin remonté à la façon du Petit Poucet.

Mais non, c'est Modiano. Une narration trouée, fragile. Il y a le narrateur et parfois le point de vue d'une femme qui paraît mener la danse : la mère du petit Pierre, l'amie, l'amante, l'élève, la victime. C'est « la danseuse », brune, ou non plutôt châtain. Dans les souvenirs nébuleux du narrateur, elle est une sorte d'ancre flottante autour de laquelle des personnages interlopes, non plutôt des silhouettes émergent à peine des coulisses de scènes embrumées qui s'animent à leur apparition et s'éteignent aussi vite.

Rien n'est sûr. Mais la lumière dans l'escalier est parfois moins voilée que d'habitude… Les adverbes ont toujours un pied dans l'anti-phrase : apparemment, sûrement, sans doute… C'est moins le règne de la pénombre que le moment où la pénombre elle même est encore incertaine : entre chien et loup.

Qui est la danseuse ? Un souvenir d'une époque où le narrateur s'avoue en pleine confusion ; une image qui scintille entre les nuages de la mémoire. Mystérieuse. La danseuse pratique aussi bien l'art de se taire.
Dans l'incertain menacé par la torpeur, la stagnation, l'inexistant, il faut une discipline. Les premiers mots du professeur de danse, invariablement : « Et maintenant, Mesdemoiselles, Messieurs, mettons de l'ordre dans tout cela. »

La danse, une discipline qui permet de survivre, légère, d'échapper aux vilaine paluches de deux frères. L'écriture offre pareillement au narrateur sa discipline. À petites touches palimpsestueuses. Réécritures d'un roman en anglais, The Glass Is Falling — comme une traversée du miroir ?

On reconnaît l'auteur au narrateur. On reconnaît Modiano à cette impression de l'avoir déjà lu qui plaît tant à ses fidèles lecteurs (à moi moyen). Il ne se répète pas, il est cette répétition, vaguement.

« … je finissais par me persuader que c'était nous, car les mêmes situations, les mêmes pas, les mêmes gestes se répètent à travers le temps. Et ils ne sont pas perdus, mais inscrits pour l'éternité sur les trottoirs, les murs et les halls de gare de cette ville. L'éternel retour du même. »

C'est du Nietzsche sans effort, l'éternité comme un rêve. du Proust en coalescence. de l'anti-Sartre : rien n'est devant, tout est présent depuis le passé.

« Étais-je bien sûr d'avoir rencontré ce fantôme ? Ou bien s'agissait-il d'un rêve que j'avais fait la veille de cette rencontre et que je laissais persister pendant la journée, pour oublier le présent ? »

C'est une expérience du temps.

« Ni la danseuse ni Pierre n'appartenaient au passé mais à un présent éternel. »

Une épiphanie.

« Je croyais que leur souvenir me venait comme la lumière d'une étoile morte il y a mille ans, selon les mots d'un poète. Mais non. Il n'y avait pas de passé, ni d'étoile morte, ni d'années-lumière qui vous séparent à jamais les uns des autres, mais ce présent éternel. »
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Le narrateur se souvient par bribes des images d'une période lointaine de sa vie. Il se rappelle sa rencontre avec une danseuse qui était la mère d'un petit garçon. Une femme mystérieuse et envoûtante.

Lire un roman de Patrick Modiano c'est pénétrer dans un univers particulier. Un récit nostalgique, léger avec cette écriture si particulière et si limpide que j'affectionne tant. Comme toujours on sait peu de choses sur les personnages principaux et notamment sur cette « danseuse » qui n'a pas de nom, on avance à petit pas et l'auteur nous délivre peu à peu son histoire mais ce qui prime ici, c'est l'environnement, l'ambiance, Paris, tout est un peu flou, suggéré même la sensualité. Un roman très court, une parenthèse enchantée dans la littérature.
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Une fois encore je referme ce court roman de Patrick Modiano le sourire aux lèvres.
" Il faut marcher à pas comptés pour déjouer le désordre et les pièges de la mémoire" nous dit-il (p 32)
Que m'importe que les pas soient comptés, que m'importe que le temps semble s'être arrêté...

Il état une une fois un jeune homme en quête d'une discipline nous dit-il, il était une fois un jeune homme dont la route a croisé celle de la danseuse, de Pierre son fils et de Hovine. Il était une fois, dans les années 60 un jeune homme qui arpentait les rues de Paris . Il est maintenant un homme plus âgé qui arpente ces mêmes rues quelque 60 ans plus tard . Magique.


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Je remercie mon libraire pour m'avoir prêté ce roman.
C'est la fois que je lis cet auteur et dans la narration de l'histoire il y a de la magie.
Cela m 'a donné envie d'aller vers d'autres oeuvre de cet écrivain.
Cette histoire n 'a pas été coup mais néanmoins je me suis attachée à cette ambiance que nous renvoie Patrick Modiano.
J' ai aimé cette fin.
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Cela fait un bail que Patrick Modiano n'a plus rien à prouver. Son oeuvre parle pour lui et il ne peut qu' y ajouter quelques chapitres, peut-être pour ses aficionados les plus insatiables, qui n'en auront jamais assez de ces atmosphères floues et de ces souvenirs fantomatiques qui forment l'essentiel de la matière de ses livres. Qu'est devenue la danseuse dont le narrateur évoque le souvenir dans son dernier roman, sans d'ailleurs préciser quelle fut, à une époque lointaine, la nature de la relation avec elle (amie, amante, les deux ?) de ce compositeur de chansons, pas encore très affirmé en sa jeunesse, qui allait devenir écrivain ? Modiano se remémore des bribes, des personnages qui passent, parfois inquiétants, suffisamment en tous cas pour parler d'un hier révolu, dans un Paris qui, lui aussi, a disparu, aussi sûrement que les épais bottins téléphoniques. On attend toujours Patrick au carrefour de la nostalgie, et il est bien là, tel qu'en lui-même. Qu'importe si La danseuse n'apporte rien à la grandeur du Prix Nobel, c'est une brique de plus dans la construction d'un univers de multiples nuances de sépia dans lequel le lecteur conquis depuis des lustres plonge avec plaisir, sachant pertinemment que la destination n'est jamais importante, à partir du moment où le voyage erratique dans la mémoire nous a procuré la sensation étrange et agréable d'être parti vers un ailleurs dans le passé, où rien n'est certain si ce n'est qu'il a existé, d'une manière ou d'une autre.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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Il fut un temps où je lisais systématiquement le dernier Modiano, une sorte de rituel rassurant malgré la sensation de brouillard, le flou qui se dégageait de ses textes, ces atmosphères mystérieuses plus propices à se perdre qu'à trouver des réponses. L'auteur passait chez Pivot et rien dans ses propos hachés, ses phrases en pointillés n'offrait plus de matière à laquelle se raccrocher. Il y avait pourtant un phénomène addictif à suivre sa plume, à se perdre dans les quartiers d'un Paris que pour ma part j'étais trop jeune pour avoir connu. Dans les romans de Modiano il y avait des annuaires, des silhouettes de femmes entraperçues sous la pluie, des valises transportées à travers les rues à peine éclairées, des fuites, des coups de téléphone mystérieux, des réminiscences de l'occupation, les échos de disparus. Je m'aperçois qu'il me reste peu de choses de ces pages tournées, appréciées puis oubliées. Une impression, une musique, un style. Quelque chose de familier qui fait soudain penser à la lecture d'un texte "tiens, on dirait du Modiano"... Un jour le charme s'est rompu, je n'ai pas terminé le livre que j'avais en mains. le titre était L'horizon, paru en 2010. Je n'ai plus retenté jusqu'à cette dernière publication, La danseuse, joli titre pour un texte court, moins de cent pages. J'ai eu l'impression d'enfiler l'un de mes vieux pulls préférés malgré les manches détendues et les rafistolages. La petite musique s'est immédiatement fait entendre, "Ainsi depuis quelques jours me revenaient, par bribes, les images d'une période très lointaine de ma vie", et hop, bien sûr que l'on a envie de suivre le narrateur, de savoir qui est cette danseuse dont il garde parfois le fils, Pierre ; bien sûr que l'on trouve étrange cette ressemblance d'un homme croisé des années plus tard avec celui qui fut à l'origine de la rencontre avec la danseuse, avec tout un monde d'ailleurs de cette époque où le narrateur se cherchait, envisageait l'édition d'abord par la correction et pourquoi pas l'écriture. Pour une fois, Modiano fait un crochet par le Paris d'aujourd'hui, qui apparaît comme une tache bruyante avec ses hordes de touristes et leurs valises à roulettes, alors on est d'accord pour retourner dans celui plus feutré du passé, tenter de saisir la danseuse en mouvement, s'approprier la légèreté qui semble aller avec, en percevoir la grâce, résultat d'années de travail et d'exercices imposés. Comme la plume de l'écrivain qui semble à peine effleurer la page pour souligner ici un détail, là une impression, et laisser dans son sillage l'empreinte délicate des vies sublimées par le souvenir teinté d'imaginaire. Finalement, les livres de Modiano sont des invitations à la promenade, celle que l'on reproduit à l'infini, différente à chaque fois puisqu'il suffit d'un rien pour changer la perception du paysage pourtant connu.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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