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3,66

sur 269 notes
Dans la tête d'un indic à la solde de la gestapo française.

Le début est assez confus et malsain. le narrateur, un jeune homme de vingt ans, nous convie à la petite sauterie d'un groupe de personnages qui se complaisent dans l'opulence, s'extasient de boire du cognac qu'on ne trouve plus qu'à 100 000 francs le quart de litre, et fument des anglaises à 20 000 francs le paquet. Ça s'amuse, ça danse, ça batifole pendant que les hurlements d'un homme montent du sous-sol dans l'indifférence générale. On sait juste qu'un coup de filet se prépare grâce aux informations que doit fournir le narrateur. Ça y est, nous sommes entrés dans la ronde… mais quelle ronde ?
Une avalanche d'informations nous dégringole dessus de manière décousue. Et puis, nous comprenons, pensons comprendre…
Il y un magnifique passage, vertigineux, à peu près au tiers du roman, que je trouve emblématique de l'atmosphère de ce roman. Je le mets en texte masqué, il est assez long. Pour ceux qui en ont le courage :


Oui, c'est une ronde, une ronde sombre, glauque, dérangeante ; une représentation hallucinée et angoissée de l'époque de l'occupation, à l'instar d'un mauvais rêve dont les impressions s'agrippent, s'enflent, se répètent, et tournent, tournent, tournent, sans relâche, telle une ronde de nuit, balayées par intermittence d'un faisceau de lumière, ponctuées de déambulation dans un Paris occupé et de souvenirs d'avant-guerre. le temps y est également déformé, dédoublé.

A mon avis c'est typiquement le genre de livre sans demi-mesure : soit on aime, soit on déteste. Ce n'est pas une lecture plaisante à proprement parlé. Elle est déroutante, dérangeante mais elle est fascinante. Et comme les réminiscences d'un rêve, elle est sujette à interprétation. La personnalité et les motivations du jeune narrateur sont ambigües, se dévoilent par petits bouts, se contredisent parfois. Un garçon dont on disait qu'il aurait un bel avenir, un garçon qui promettait. Mais comme il le souligne lui-même : qui promettait quoi ?
Patrick Modiano fouille ce que la conscience à d'ombres et de replis dans une atmosphère psychédélique à travers un personnage ordinaire, lucide sur lui-même, bien qu'il aurait sans doute voulu être autre, un personnage qui nous emprisonne dans ses pensées. Je vous laisse découvrir.
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« Il me semblait que depuis toujours je marchais dans la nuit au rythme de cette musique douloureuse et obstinée. Des ombres agrippaient le revers de ma veste, me tiraillaient des deux côtés, m'appelaient tantôt « Lamballe », tantôt « Swing Troubadour », me poussaient de Passy en Sèvres-Lecourbe et de Sèvre-Lecourbe en Passy sans que je comprisse rien à leurs histoires. »
Paris pendant la seconde guerre mondiale, capitale occupée par les nazis, les français ont choisi leur camp par conviction ou par nécessité. La collaboration ou la résistance, l'alternative est claire, sauf pour le narrateur qui déambule dans les quartiers de la ville lumière, noctambule déboussolé, jeunesse naïve et ignorante. Au nom d'une pauvreté qu'il fuit, il se vend au parti des traîtres, société interlope de gens couards et pervertis aux noms exotiques, « Affairistes, morphinomanes, charlatans, demi-mondaines comme on en voit grouiller aux « époques troubles ». »
Il s'introduit dans un réseau de résistants afin de les vendre, mais se ravise en donnant son propre nom de code à cette organisation de justiciers traîtres.
Deuxième roman de Patrick Modiano. Les mots, les personnages, les rues tournent dans une ronde enivrante jusqu'au dénouement dramatique. Aucune morale à cette histoire, des faits et un éternel questionnement sur les décisions que l'on prend face à une situation particulière dans un contexte critique. La nuit est le cadre idéal de tous les drames…
Editions Gallimard, Folio, 153 pages.
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Le début du roman est compliqué, le lecteur croule sous le nombre de personnages aux noms parfois improbables, c'est confus, décousu, et en même temps fascinant. le lecteur devine, perçoit, plus qu'il ne comprend qu'il a affaire à un groupe plus ou moins mafieux et collabo. L'atmosphère est particulièrement bien rendue, on sent tout le côté interlope et sulfureux de cet univers de noctambules du Paris de l'Occupation.
Le narrateur, qui reste anonyme, même si à moment donné il se dit fils de l'escroc d'avant-guerre, Stavitsky, est un jeune homme très ordinaire, qui se laisse porter par les événements de façon assez aléatoire, sans grande motivation. Perdu, il est incapable de choisir entre deux camps, entre occupants et résistants. A force de tergiversation, il se retrouve à la fois Swing Troubadour pour les uns, chargé d'infiltrer un réseau de résistants et Princesse de Lamballe pour les autres, chargé d'organiser un attentat dans les locaux des collabos. Assailli de pensées contradictoires, il finit par dénoncer les résistants et se dénoncer ensuite aux collabos.
Je ne peux pas dire que j'ai aimé ce roman, bien trop complexe à mon goût. Mais cette façon de rentrer dans la tête du personnage, et de percevoir ce qui l'entoure de façon hallucinatoire, m'a fascinée. Les références à une ronde vertigineuse, ou à des manèges de foire sont à l'image de l'état mental du personnage, qui finit par ne plus vraiment savoir ni qui il est, ni où il en est.
Intéressant donc, tant par la forme que par le fond, mais pas mon Modiano préféré.
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J'ai eu la chance de pouvoir emprunter l'édition réservée aux Membres du Cercle du Nouveau Livre dans laquelle l'auteur s'exprime en annexe sur son roman : " Il m'est difficile de parler de la Ronde de Nuit. Je peux simplement indiquer les circonstances et le climat qui m'amenèrent à écrire ce livre.
Je me trouvais seul à Paris, au mois d'août. J'occupais - je ne sais plus par quel hasard - une chambre dans un quartier résidentiel de l'ouest : le XVIe arrondissement. Quartier "bourgeois". On le trouve ennuyeux. [...]
La Ronde de nuit pourrait être, par exemple, la rêverie d'un promeneur solitaire, au mois d'août, dans le XVIe arrondissement. le bruit de ses pas réveille les fantômes et il écoute, dans le silence de ce quartier, les secrets terribles que les pierres conservaient depuis vingt ans."

Bon j'entre dans son rêve, dialogues d'une bande d'éméchés, faisant la fête dans une grosse maison bourgeoise. C'est un peu comme un grand tour de carrousel, l'impression de la tête qui tourne, tellement de noms, tellement de visages. Puis un narrateur semble émerger au centre d'un amas de questions. Un interrogatoire ? Autour de lui, on danse, on rit, on fume, on boit, ... On : trop de noms. p.30 " Une partie de colin-maillard ? - Excellente idée ! - Nous n'aurons pas besoin de nous bander les yeux. " Double je, double jeux, ... moi je tatonnais.

Le narrateur se met à table : un oignon à peler. Avec qui ? Il se laisse embarquer. p.70 "Vous venez mon petit ? demande le Khédive. Dehors c'est le black-out, comme d'habitude." A fond la caisse en 11 CV dans ce Paris déserté, les grands boulevards défilent. Des noms, encore des noms. Trop de noms pour moi. Coup de filet, coups de feu. C'est la guerre ! Flashbacks. p.125 "Quelques pas encore. A gauche, le théâtre des Ambassadeurs. On y donne la Ronde de nuit, une opérette bien oubliée." Alors même pas Rembrant ? J'aurais tout faux ?

Et pendant les petites ritournelles et les airs de piano qui émaillent ce court récit, dans ma tête c'est Marie-Paule Belle qui les supplante : "Je ne suis pas Parisienne, ça me gêne, ça me gêne..." . Voilà peut-être aussi pourquoi je me perds facilement au fil des pages, au fil des rues.

La narration reprend, revient en arrière, pour préciser, pour éclaircir, pour expliquer. Quoi ? Pour s'expliquer, soi. Soit se dédouanner. Eplucher le pourquoi, le comment : toujours cet oignon. Je devrais pleurer ? Mais non. Double je, double jeux, trahisons. Il y a longtemps que j'ai quitté Paris. Dans la tête d'un lâche, dans la tête d'un traître, voilà où m'a emmené Patrick Modiano... pour au final fuir lâchement sa jeunesse trahie, pourchassé par ses démons.
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Le deuxième livre de Modiano annonce Lacombe Lucien.
Le personnage central, qui reste anonyme tout au long ce ce court roman, est un collabo qui pénètre un réseau de résistants.
ironiquement, ses camarades de la résistance lui demande d'espionner ceux-là même pour lesquels il a rejoint ce groupe. Agent double, agent triple, mi-héros mi-lâche, il en vient à douter de son identité.
Comme dans tous les romans de Modiano, le Paris de la collaboration est nocturne, nébuleux, incertain, comme les personnages qui le hantent.
Une petite musique pénétrante ...
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Un homme que l'on ne nomme pas se trouve à une soirée arrosée. Il est accompagné de plusieurs personnes. Leurs noms sont des pseudonymes. On ne sait pas réellement qui ils sont. Mais, on comprend que quelque chose se prépare, quelque chose de malsain, de criminel.

C'est la deuxième Guerre Mondiale. Nous sommes à Paris, sous l'occupation. Entre la présence des soldats allemands, la police nazie et la résistance française, on ne sait pas en qui avoir confiance. Tout est douteux. le mieux est de se faire discret et de ne pas attirer l'attention.

Le narrateur se trouve dans une position délicate. Cet homme travaille en même temps pour la Gestapo française et pour un réseau de résistance. Tout le livre repose sur une question : "Comment devenir traître, comment de pas l'être ?"

La première partie du livre est assez confuse. Les dialogues sont décousus, s'y mêlent les pensées intérieures du narrateur, il y a des éléments de descriptions brefs. On ne comprend pas de manière évidente ce qui se passe.

Puis, lorsque la deuxième partie arrive, tout s'éclaircit.

Patrick Modiano, Prix Goncourt en 1978 et Prix Nobel de la littérature en 2014, traite dans ce court roman de la question de la traitrise en temps de guerre. C'est mélancolique, sombre. L'auteur ne porte aucun jugement. Il parle de ce héros qui fait le bilan de sa vie, des choix qu'il a fait dans un contexte de guerre. C'est la quête intérieure d'un homme qui cherche un sens à sa vie et qui réfléchit à l'avenir qui s'offre à lui.

Lien : http://labibliothequedemarjo..
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La Feuille Volante n° 1198
LA RONDE DE NUITPatrick Modiano – Folio. (1969)

Le titre de ce roman évoque un célèbre tableau de Rembrandt mais ici Modiano s'approprie une des périodes les plus sombres de notre histoire, celle de la deuxième guerre mondiale et de la collaboration comme il le fera plus tard comme co-scenariste du film « Lacombe Lucien » (1974).
Le personnage central qui se cherche une paternité, est chargé par la gestapo d'infiltrer un réseau de Résistance et, ironie du sort, ses membres lui demandent d'espionner les Allemands, ce qui fait de lui un agent double. Il se dit que cette duplicité ne le gêne pas et correspond même à son caractère. Il hérite de deux noms de guerre, un de chaque côté et il devient donc un autre homme qui ne va pas manquer de s'épanouir dans cette période troublée et surtout d'en profiter. Il n'a pas beaucoup d'état d'âme et trahit pour l'argent qui va lui permettre de s'offrir des choses inutiles dont il a cependant envie. Il veut essayer de nous faire croire qu'il agit ainsi pour pourvoir aux besoins de sa vieille mère, mais le lecteur n'est pas dupe car cet homme est avant tout sensible à l'argent et à l'illusoire puissance qu'il confère à ceux qui en ont. Il est aussi réceptif à l'orgueil qui insuffle de l'importance aux quidams et leur donne l'impression d'être quelqu'un. Il pourrait endosser cet habit de traître par idéal, mais il n'en n'est rien. Il choisit de livrer ses compatriotes parce qu'il fait partie de ces gens à qui ces temps troublés permettent de se venger de quelque chose ou de quelqu'un sans être inquiétés. Cela peut aussi leur donner l'illusion d'avoir une importance qu'ils n'ont pas en réalité parce qu'il est plus facile d'être un salaud qu'un héro. Ceux qu'il va dénoncer sont des Français qui se battent pour la libération de leur pays mais il n'en n'a cure même s'il ressent une sorte de vertige que le style de Modiano rend parfaitement. Il comprend bien qu'ils sera tué s'il est pris par la Résistance, mais il le sera aussi par la Gestapo parce que, capable de renier son propre pays, il reniera aussi aussi ceux qui se seront servis de lui quand l'heure sera venu de sauver sa peau. Il n'a donc la considération de personne et sans doute pas de lui-même employé qu'il est uniquement pour le sale travail, entre délateur, indic, pilleur et peut-être assassin, ce qui, chez lui implique non seulement une grande solitude, une peur du lendemain mais aussi un mal-être qui s'installent de plus en plus. Il en vient à détester ces apparences trompeuses, l'instabilité qui s'installe ce qui lui fait entrevoir l'inévitable issue de cette situation de traître dans laquelle il s'est lui-même mis.
On a coutume de dire que Modiano explore dans chacun de ses romans sa propre identité en même temps que ses origines familiales. Ici ce n'est peut-être pas le cas puisqu'il n'a pas connu la période qu'il évoque, mais à première vue seulement. En effet, il me semble que l'ombre du père plane sur cette fiction. Cet homme, que l'auteur n'a finalement que croisé durant sa vie, reste pour lui une énigme et son écriture tend à lever le voile sur ce mystère. Cet homme a en effet eu un rôle trouble pendant l'occupation et quoique juif, n'a jamais porté l'étoile jaune comme il en avait l'obligation, mais au contraire a accumulé, pendant cette période, une fortune dont les origines sont pour le moins troubles. Modiano met en scène dans ce roman des personnages en leur donnant un nom d'emprunt mais, il est possible de reconnaître sous les trait de Philibert, l'inquiétant inspecteur Bonny et sous ceux du Khédive, la non moins effrayante figure d'Henri Lafont, chef de la gestapo française qui finiront tous les deux fusillés à la Libération en décembre 1944. Quant au 3 bis square Cimarosa il ressemble vraiment beaucoup au 93 rue Lauriston, siège de la gestapo.

Comme toujours, j'ai apprécié autant le style de Modiano que l'ambiance de ce roman. Il y règne, comme toujours une atmosphère un peu inquiétante, glauque même, celle du mystère et d'une sorte de quête de quelque chose ou de quelqu'un.

© Hervé GAUTIER – Décembre 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Voilà un exercice délicat que de parler de mon premier Modiano.
Des conseils, donc pour commencer...pour ceux qui comme moi, aimerait découvrir cet auteur.
Ne vous laissez pas rebuter par le début assez déroutant.
On est entrainé dans un tourbillon de danse, musique, conversations, en compagnie d'individus qu'on devine peu recommandables, profiteurs de guerres, escrocs, collabos…
En fait, on est déjà dans la peau du personnage, balloté par la vie. On subit ce qui nous arrive. On sature à cause du brouhaha, de l'agitation, des questions incessantes. On voudrait être ailleurs...
Ensuite, continuer à ne pas lutter, se laisser porter par le flot du texte, au fil des pensées du protagoniste principal, dont on ne sait quasiment rien, qui se laisse porter par les événements et qui laisse les autres choisir son destin à sa place. Bref, subir avec lui sa vie.
Un avis, enfin…
La prose de Modiano coule, nous bouscule, nous entraine sans qu'on sache vraiment vers quoi, et une fois le livre achevé, il est comme un vin long en bouche...il possède une saveur particulière, un peu âpre, indéfinissable et pourtant tenace.
Il nous interpelle, nous questionne sans en avoir l'air.
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Ce roman, le deuxième de Modiano, publié en 1969 est court mais sa relative complexité en fait un objet littéraire très intéressant. On comprend pourquoi Modiano a fini par être récompensé du prix Nobel de Littérature si on compare La ronde de nuit à un roman sur le même thème de la trahison, comme par exemple celui de Sorj Chalandon, Mon traître, certes très agréable à lire mais écrit de manière si traditionnelle qu'il ne soutient pas la comparaison.

Comme souvent (toujours ?) chez Modiano, nous voici plongés dans le Paris occupé des années 40. La ronde de nuit est une plongée quasi documentaire au sein du milieu de la collaboration, peut-être la première dans l'histoire du roman français. On peut reconnaître derrière les personnages du roman des protagonistes réels de cette période, qu'ils portent leur vrai nom comme le docteur Petiot, tueur en série, ou l'ancienne athlète Violette Morris devenue gestapiste zélée, ou que leurs noms soient légèrement modifiés comme le chef de la gestapo française Henri Lafont (Henri Normand dit le Khédive dans le roman) ou son compère Pierre Bonny (devenu Pierre Philibert). Modiano recrée de façon très vivante les soirées indécentes où se retrouvent ces personnages. La référence du titre au célèbre tableau de Rembrandt est particulièrement pertinente. le tableau n'est pas du tout statique et figé et montre, derrière les deux personnages principaux situés dans la lumière au centre de la toile (comme le Khédive et Philibert chez Modiano), les membres d'une milice d'arquebusiers d'Amsterdam absorbés dans leur propre action comme le font les personnages du roman lorsqu'ils sont tous rassemblés dans le salon d'un bel appartement du XVIème arrondissement . Et le clair-obscur du tableau s'applique particulièrement bien à l'ambiance du roman.

Le narrateur est le personnage principal, agent double écartelé entre son engagement dans la Gestapo et son appartenance à un mouvement de résistance, qu'il finit par trahir. Mais cette narration n'est pas du tout linéaire. Au début du roman, le ‘je' n'est pas employé comme si c'était écrit par un observateur neutre alors que le narrateur est pourtant bien présent dans les scènes décrites. Tout au plus, Modiano utilise un ‘on' général à la troisième personne lorsque son personnage principal donne son point de vue. Cela crée une certaine incertitude qui fait que le lecteur met du temps à bien comprendre qui est qui dans cette histoire. L'incertitude, typiquement modianesque, vient aussi des mouvements dans le temps. le roman débute de manière linéaire par une soirée chez les collabos mais fait ensuite des sauts dans le temps. Incertitude également lorsque Modiano introduit régulièrement deux personnages Coco Lacour et Esmeralda : on ne sait pas s'ils sont le produit de l'imagination du narrateur ou s'ils font ‘réellement' partie du récit.

Le titre lui-même peut être lu dans des sens différents, en plus de la référence au tableau de Rembrandt. Il peut désigner à la fois la surveillance nocturne du gardien, et fait alors référence à la police et à l'ordre, mais aussi la danse circulaire, et fait alors référence à un désordre et à un dérèglement.

Au-delà de l'intérêt de ses aspects formels, le roman brille aussi par la lumière posée sur le profil et les motivations du narrateur. On sait que Modiano est fasciné par l'occupation et le parcours mystérieux qu'a pu y avoir son père. le narrateur apparaît comme un être fragile, faible , sans réelle volonté, pris dans l'engrenage du Mal par le résultat du hasard. C'est un personnage ambigu : attiré par l'argent et les produits de luxe mais aussi soucieux d'assurer le futur de sa maman, trahissant par faiblesse mais prêt à affronter la mort sans mollir, mal à l'aise en société, souffrant quasiment de phobie sociale, mais suffisamment charmant pour qu'il y trouve sa place sans difficulté. Fondamentalement le personnage principal m'apparaît comme un enfant qui n'aurait pas encore grandi ou qui aurait refusé d'assumer ses responsabilités d'adulte. La régression infantile touche même Hitler qui dans un court passage est décrit par Modiano en train de sucer son pouce !
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"Peut-on jamais se débarrasser de ses fantômes?" interrogeait Denis Cosnard dans sa biographie Dans la peau de Modiano.
Question suivie d'affirmation dans le cas Modiano, prénommé en fait Jean et non Patrick,toujours hésitant entre le "moi" et le "pas moi", traumatisé par la perte de son jeune frère Rudy (auquel d'ailleurs il dédicace La ronde de nuit) et au regard distant par rapport au monde en état de décomposition morale.
Ces fantômes, ces "femmes trop fardées" et ces hommes aux "habits acides", il va les faire danser par delà la mort, comme sur la toile de fond d'un théatre nauséabond et morbide où l'angoisse va monter inexorablement.
Sur le devant de la scène,le narrateur "à la petite gueule d'enfant de choeur", étiqueté "Swing Troubadour" a accepté de travailler pour la gestapo. Khédive alias Henri Norman, Philibert et ses accolytes essayent de lui soutirer des informations sur un certain Lamballe pour infiltrer le réseau des adversaires résistants.
Dilemne, Swing Troubadour et Princesse de Lamballe ne font qu'un.
"Qui aurait pu prévoir que je deviendrais complice d'une bande de tortionnaires?"
Espionnage et double jeu, il faut de la force de caractère pour être un héros, le traître n'en a pas l'étoffe et préfère s'en mettre plein les poches (chantage,trafics en tous genres,perquisitions,arrestations, l'argent a-t-il une odeur?).
Coup du sort: l'autre bord lui demande de les débarrasser de Norman et Philibert! le voilà perdu,écartelé,scindé en deux.
Traité sur fond d'ironie sanglante:"l'orchestre des bourreaux", "les rats qui prennent possession de la ville","les halles transformées en équarrissoir", "le ventre de Paris" prend des allures d'enfer, pour juifs errants étoilés de frais, en contraste avec "les tombereaux d'orchidées" offerts par le fils aimant à sa maman.
Un roman déstabilisant dont on a hâte de s'extraire vu le malaise ambiant!
Du pur Modiano!
Le sujet du traître dans La ronde de nuit est à mettre en parrallèle avec Mon traître de Sorj Chalandon car dans le premier, le traître est un simple lâche cupide tandis que dans le second il est un héros qui un jour a baissé les bras.
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