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Gabriel Andrade (Illustrateur)
EAN : 9781592912643
160 pages
Avatar Press (01/09/2015)
5/5   1 notes
Résumé :
Alan Moore s’invite dans l’univers de Crossed pour se demander ce que peut donner cette apocalypse d’infectés sur le long terme. Finalement, beaucoup moins de tueurs vicieux que l’on pourrait le croire, toute la question étant de savoir si l’on assiste si le monde va se reconstruire ou si l’on assiste aux derniers feux de l’humanité.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome est le premier d'une nouvelle série basée sur les Crossed, ces zombies obscènes et vicieux imaginés par Garth Ennis, en 2008. Il comprend les épisodes 1 à 6 initialement parus en 2014/2015, écrits par Alan Moore, dessinés et encrés par Gabriel Andrade, avec une mise en couleurs des studios Digikore. Il n'est pas besoin d'avoir lu comics des Crossed au préalable pour apprécier (ou détester) cette histoire.

Comme le titre l'indique, cette histoire se déroule 100 ans après la première apparition des Crossed en 2008. le récit est narré du point de vue de Future Taylor (une femme adulte) qui tient un journal. Elle fait partie d'une communauté de plusieurs centaines d'êtres humains, et elle assure les fonctions d'archiviste, c'est-à-dire essentiellement d'historienne participant à des missions d'exploration aux alentours de Chooga, la ville de la communauté.

100 ans après les premiers Crossed, la civilisation humaine est disloquée, ne restant que quelques petites communautés. Lors d'une mission d'exploration faite par une équipe d'une demi-douzaine de personnes (Robbie Greer, Ho-Ho, Keller, Taylor, Archie), Future Taylor se retrouve pour la première fois face à des Crossed. Une fois ces 4 zombies exterminés, elle découvre, dans leur demeure, un autel, avec la photographie d'un homme inconnu, et un petit pot de sel.

La série Crossed a ses détracteurs (trop gore, trop sadique, trop malsain, trop complaisant, trop voyeuriste, etc.), ainsi que des amateurs, connaissant des hauts (ou des abîmes d'obscénité, c'est selon le lecteur) et des bas (des auteurs qui se contentent des aspects de surface la série). À l'origine, Garth Ennis a conçu les zombies les plus vicieux et obscènes qu'il puisse, afin d'établir une comparaison avec le comportement d'êtres humains normaux, réussissant à se montrer plus abjects encore que ces Crossed. Qu'allait bien pouvoir faire Alan Moore de ce concept ?

Sa mission se révèle identique à celle d'Ennis : écrire une première histoire pour créer un environnement et une situation qui pourront être repris par d'autres équipes créatrices par la suite. La première chose qui frappe le lecteur, c'est le mode d'expression des personnages. Alan Moore a pris le parti de faire évoluer la syntaxe et le vocabulaire pour rendre compte que le récit se déroule dans une civilisation ayant perdu beaucoup des acquis de 2008. Dans un premier temps, cela rend la lecture assez laborieuse, car il faut deviner le sens de certains morts (dont l'emploi a fortement évolué, à commencer par l'adjectif brown / marron). Ce sens n'est pas toujours évident à la première occurrence, ce qui laisse le lecteur dans le flou quant aux propos échangés. L'effet en est encore accentué par le fait qu'un même mot peut avoir plusieurs sens, en fonction du contexte (comme dans le langage de tous les jours), contraignant à une gymnastique de l'esprit un peu fastidieuse.

La deuxième chose qui frappe le lecteur, c'est le rythme assez posé du récit. Cette équipe partie en mission d'exploration doit cheminer lentement, sans réel danger (même la première rencontre avec des Crossed est réglée en 3 pages). Au fil des pages, le lecteur apprécie de découvrir une vision post catastrophe bien construite, un mystère qui s'installe progressivement. Une fois la lecture terminée, il a le plaisir de constater que le scénariste s'est fendu d'une vraie intrigue consistante (ce qui manquait un peu dans ses derniers travaux, à savoir la trilogie consacrée à Nemo).

Au fil des séquences, il se prend d'amitié pour Future Taylor, une femme qui a la tête sur les épaules, qui fait marcher sa cervelle tout en restant faillible, qui vomit après avoir affronté les Crossed pour la première fois, qui s'est liée d'amitié avec un homme d'une autre ville, qui réfléchit à ce qu'elle trouve en fouillant dans les ruines du passé, et qui a une idée bien arrêtée sur la littérature de fiction (Wishful Fiction, abrégé en Wi-Fi car Moore n'a rien perdu de sa facétie).

Cette histoire est illustrée par un artiste maison d'Avatar Press, qui avait déjà travaillé par exemple avec David Lapham sur Ferals, et avec Simon Spurrier sur la série Crossed (dans Crossed Volume 8. Dès la première page, il apparaît qu'il a choisi une approche descriptive et détaillée. Premier constat : il représente les décors dans toutes les cases. Pour certaines, il s'agit juste d'une forme noire en ombre chinoise, mais elles sont assez rares. Pour plus de 90% (peut-être même 95%), le dessinateur s'astreint à représenter l'environnement dans lequel évoluent le ou les personnages. le lecteur a donc tout loisir de voir l'étendue des dégâts. Après l'infestation de Crossed, la population humaine a été décimée (Moore donne quelques grandeurs dans le cours du récit), et ses constructions ont été abandonnées, résistant plus ou moins bien aux affronts du temps. La végétation a regagné du terrain, et la population d'animaux sauvages a augmenté. Tout cela, le lecteur le voit, plutôt que le scénariste soit obligé de l'écrire.

Gabriel Andrade ne se contente pas de représenter ruines après ruines envahies par la végétation, il inclut également de nombreuses informations sous forme visuelle. Il y a bien sûr l'étrange véhicule à bord duquel se déplace l'équipe de Future Taylor, mais aussi des éléments plus discrets. La communauté de Chooga dispose d'énergie électrique pendant une partie de la journée. Alan Moore ne s'attarde pas à expliquer d'où elle provient. Mais le lecteur attentif observe des éoliennes dépassant des maisons, ainsi que les panneaux solaires sur les toits. En observant l'ameublement des différentes habitations, le lecteur en déduit d'où proviennent les meubles. C'est de notoriété publique que les scripts d'Alan Moore sont copieux et bourrés de détails ; Gabriel Andrade s'est attelé à la tâche de tout représenter pour montrer une quantité importante d'informations.

Il est possible de trouver certaines cases un peu appliquées, mais le fait demeure que le dessinateur s'est mis au service du scénariste avec un entrain impressionnant. Certaines pages peuvent paraître un peu surchargées, c'est également en partie dû à la mise en couleurs, les studios Digikore ayant pour crédo d'ajouter du volume sur chaque surface, sans en oublier une seule. Comme il s'agit d'une histoire de Crossed, il y a bien sûr des scènes gore habitées par un sadisme cruel. Ce dessinateur applique la même méticulosité dans la représentation de ces horreurs charnelles, les rendant concrètes, impossibles à ignorer. Dans le cadre de ce récit, il s'agit d'un atout car ces horreurs obscènes sont au coeur du moteur de la série.

À un premier niveau, le lecteur a le plaisir de plonger dans une intrigue bien ficelée, et un peu retorse, dans un monde très substantiel (grâce aux dessins) et intelligemment conçu (à la fois pour l'évolution du langage, et pour la cohérence de cette communauté reprenant confiance en elle, et cherchant dans les vestiges du passé le moyen de se développer). Dès la page de titre du premier épisode, le lecteur constate qu'Alan Moore a également intégré des références à la littérature de genre. Par opposition à la série de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires, elles sont explicites et accessibles.

Future Taylor trouve régulièrement des livres de fiction et elle s'interroge sur leur fonction dans la société. Par exemple, elle évoque dans son journal Robert Heinlein, et Isaac Asimov. Un lecteur curieux se rend compte que chaque titre de chapitre correspond à un livre du patrimoine de la science-fiction. Cela commence avec le chapitre 1 intitulé Ralph 124C 41+ (1911) d'Hugo Gernsback. Il y a aussi En route pour la gloire (1963) de Robert Heinlein, Un cantique pour Leibowitz (1961) de Walter M. Miller, et Fondation et Empire (1952) d'Isaac Asimov. Tout au long du récit, Alan Moore développe une thématique autour de ces ouvrages de fictions, Future Taylor les mettant en relation avec la société dans laquelle ils ont été écrits, et la place qu'ils peuvent avoir dans cette version de l'an 2108. Il y a là à la fois un hommage à ces auteurs et leurs oeuvres, mais aussi un angle de vue en rapport avec le récit, correspondant à un deuxième niveau de lecture.

Avec les notes de journal de Future Taylor en fin d'épisode 1 et en début d'épisode 2, le lecteur constate qu'Alan Moore exprime une forme de critique sur la société d'aujourd'hui, au travers des vestiges que contemple l'héroïne et de ce qu'ils attestent sur nos préoccupations. Il y a là un troisième niveau de lecture, attendu dans le cadre d'un récit post-catastrophe où les survivants voient leur système de valeurs totalement caduc, portant un jugement sur ce qu'ils tenaient pour important, et la relativité de cette importance plus ou moins dérisoire. Ce décalage ressort avec d'autant plus d'intensité que l'auteur a donné de la consistance à ce nouveau monde, y a réfléchi pour le rendre concret et cohérent.

En restant attentif, le lecteur voit comment les relations sexuelles ont été repensées (pas avec de nouvelles poses, mais dans la manière de les aborder) du fait des actes obscènes des Crossed. Il constate la place occupée par les femmes dans la société, place qui a également été repensée. Il voit que cette communauté vit essentiellement de la récupération et du recyclage de ce que les équipes récupèrent dans les villes abandonnées (même s'il y a un élevage d'animaux domestiqués inattendu). Toujours aussi facétieux, Alan Moore aborde la question de la religion, en montrant celle qui a survécu à la remise en cause générée par l'existence des Crossed (une belle provocation).

Alan Moore ne martèle pas les bouleversements sociologiques survenus, suite à l'épidémie de Crossed. Il appartient au lecteur de les constater, de les identifier, et de réfléchir à leur bienfondé, à la logique de leur évolution. On retrouve là le grand Alan Moore, celui qui conceptualise cet environnement de fiction, celui qui conçoit dans le détail la cohérence de cet environnement. Il a dû également peser avec soin les mutilations et autres horreurs sadiques commises par les Crossed, et jusqu'où les montrer. Sa marge de manoeuvre était réduite car ces boucheries gore et explicites sont inscrites dans le cahier des charges de la série, constituent son identité. Il y a donc des séquences difficilement soutenables (d'autant que Gabriel Andrade se montre très consciencieux dans ces séquences, n'épargnant aucun détail au lecteur), avec des individus dénudés, violentés, hommes comme femmes.

Dans ce tome, Alan Moore et Gabriel Andrade imaginent ce à quoi pourrait ressembler l'humanité 100 ans après l'éruption de Crossed. le scénariste a effectué un gros travail d'anticipation pour concevoir les évolutions de la société humaine, montrées au travers de la communauté de Chooga, avec des dessins détaillés représentant avec application ces caractéristiques. du fait de la survivance de Crossed, ce récit est aussi gore que ceux de la série d'origine, et Alan Moore incorpore des commentaires pénétrant sur cette forme de société.
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critiques presse (1)
Sceneario
01 septembre 2015
Un volume assez captivant globalement, qui permet d'entrer dans cet univers créé par Garth Ennis, assez lentement.
Lire la critique sur le site : Sceneario

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