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Ice Cream Man tome 6 sur 7
EAN : 9781534317277
128 pages
Image Comics (29/06/2011)
5/5   2 notes
Résumé :
Here comes the Ice Cream Man for another helping of bitter sweets: four more cavity-inducing stories of suffering and surviving―with unlimited sundae toppings. Just try not to rot your teeth on these sickly sequential morsels, which if you’re not careful could lodge themselves under the gums, deep into the roots, far beyond the reach of even the best dentist. Now, open wide...
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Insignifiant
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Ce tome fait suite à Ice Cream Man Volume 5: Other Confections (épisodes 17 à 20) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant, mais ce serait dommage de s'en priver. Il contient les épisodes 21 à 24, initialement parus en 2020, écrits par W. Maxwell Prince, dessinés et encrés par Martín Morazzo, avec une mise en couleurs réalisée par Chris O'Halloran. Il comprend également les 4 couvertures originales de Morazzo, ainsi que les couvertures variantes réalisées par Andrea Sorrentino, Sam Wolfe Connelly, Valentine de Landro, Tiffany Turrill, Justin Mitchiner. Chaque épisode constitue une histoire complète.

Quelque part dans une salle sombre d'un bâtiment à New York, un homme nu est agenouillé devant trois autres en robe à capuche, entre deux braséros. Les maitres de cérémonie invoquent la divinité Riccardus, et s'apprêtent à offrir cette viande sur deux pattes à leur Seigneur des Sucettes. La victime implore leur pitié, arguant qu'il est un simple vendeur de glaces, leur demandant ce qu'ils veulent. Ils crucifient l'homme sur une structure à base de triangle pointe en bas avec un demi-disque sur le dessus, traçant un smiley qui fait la tête sur son torse, avec un couteau, et en appelant à leur divinité pour qu'elle se nourrisse. Sur l'échelle de secours en façade, Ray Kowalski s'en grille une en pensant au bien que ça lui fait. Il met fin à ce plaisir car on l'appelle depuis la porte de son bureau de détective privé. Madame Cohen vient l'engager parce que son mari Bertrand L. Cohen, un vendeur de glaces, a disparu.

Dès la première page, le lecteur retrouve le goût si particulier de cette anthologie. Une histoire complète dans chaque épisode, avec l'apparition plus moins explicite d'un marchand de glace. Une situation horrifique, qui peut l'être en raison d'une horreur visuelle ou charnelle, ou existentielle sans élément visuels sanguinolents. Des dessins à l'apparence un peu particulière : descriptifs avec des traits de contour très fin, des visages souvent marqués par une émotion intense teintée d'incompréhension, d'absence de maîtrise, une absence d'aplats de noir pour les ombres portées. Une fois réacclimaté à ces particularités, ou après les avoir retrouvées avec délectation, le lecteur se lance à la découverte d'un récit court, mais à chaque fois intense. Voilà donc un détective privé, marié sans enfant, pas très heureux dans sa vie, avançant lentement mais sûrement dans sa recherche d'indices et de preuves. Les auteurs mêlent malicieusement une narration très pragmatique, avec un fil secondaire indiquant l'existence d'une secte qui sacrifie des marchands de glace à une divinité pour le moins peu probable.

Plusieurs situations arrêtent l'oeil du lecteur par leur banalité, ou par le léger décalage d'avec les conventions et les clichés habituels : le regard un peu exalté de madame Cohen, le smiley de mauvaise humeur, la bagarre dans la bibliothèque municipale dans laquelle personne n'intervient. Il faut peu de temps au lecteur pour également remarquer que toutes les pages sont construites sur une base de 9 cases de taille identique, en 3 bandes de 3 cases. S'il a lu Watchmen (1986) d'Alan Moore & Dave Gibbons, le lecteur fait tout de suite le lien, d'autant que le dessinateur reprend deux ou trois cases emblématiques, ainsi que le principe de Smiley, mais ici il fait la tête plutôt que de sourire. Par exemple, le détective Kowalski entre dans un appartement par la fenêtre, comme Rorschach dans l'appartement du Comédien. Dans un premier temps le lecteur se retrouve un peu décontenancé car l'hommage est patent, mais le récit ne reprend pas la trame de Watchmen, ni les thèmes. Il faut un peu de temps pour établir le parallèle : les auteurs tournent en dérision l'idée que les bizarreries de la réalité puissent s'expliquer par une séduisante théorie du complot.

30 novembre, les parents de Julie sont en train d'installer le sapin de Noël dans le salon, et comme d'habitude, ils l'ont pris un peu trop grand. Ils offrent un calendrier de l'avent à leur fille. Premier décembre, elle ouvre la première petite fenêtre : un oeuf en chocolat. Elle va acheter un test de grossesse au supermarché, plusieurs en fait. Deux décembre, elle utilise le test et il l'informe, comme les deux autres avant, qu'elle est enceinte.

Changement d'épisode, changement d'histoire, avec une continuité narrative puisqu'il s'agit des mêmes créateurs. le scénariste adopte une structure rigoureuse : une scène par page, et chaque fois un jour différent du 30 novembre au 25 décembre. La narration visuelle fait des merveilles comme d'habitude avec cette représentation descriptive de la banalité du quotidien légèrement distanciée, un peu froide. le lecteur apprécie la manière dont les auteurs construisent littéralement la continuité d'une existence d'un jour à l'autre : la suite d'une action (acheter un test de grossesse, l'utiliser, aller voir le gynécologue), ou des éléments visuels récurrents normaux (le calendrier de l'avent, le manteau de Julie) ou décalés (les araignées). le fil narratif est très simple : Julie se rend compte qu'elle porte seule la responsabilité de son avortement. La sensation est très dérangeante : le lecteur ressent que cette responsabilité bouscule son système de valeurs et de croyances, non pas de manière frontale, mais de manière indicible. La force des auteurs est de parvenir à rendre visuel ce conflit intérieur, non pas à grand renfort d'éléments gore ou horrifiques, mais par de petits décalages, de petites hésitations, de petits doutes sur la réalité de ce qu'elle observe.

Ce soir-là, dans son émission de fin de soirée, l'animateur Mack Benson reçoit Rick Saccharine un dresseur d'animaux qui vient lui en présenter plusieurs. Quatre heures plus tard, le présentateur est en unité de soin intensif, car il a été mordu au visage par le python albinos birman qui l'avait enserré dans ses anneaux constricteurs. Dans la salle, d'attente, Brian Pardue, le producteur exécutif de l'émission, se lamente sur le sort de Mack. Il a toujours été à ses côtés : à ses débuts dans des petits clubs minables, y compris le soir où un client lui avait lancé une laitue à la tête en lui demandant d'être un peu drôle. Pendant toutes les étapes de son ascension jusqu'à la consécration de l'émission de fin de soirée.

Ils peuvent tout se permettre : contre l'évidence basique, les auteurs ont choisi d'alterner une page de texte sans illustration avec un dessin en pleine page. C'est une provocation très risquée vis-à-vis du lecteur. En effet celui-ci est venu pour lire une BD, pas un texte illustré. Bon, il fait quand même l'effort de lire au moins une page, et de regarder l'image sur la page de droite. Il se trouve que cette première page de texte évoque une situation dramatique, et que le lecteur ressent tout de suite un élan de sympathie pour le producteur et ami, ainsi que le malaise sous-jacent. En effet, cet ami a bâti toute sa carrière sur le talent du présentateur : celle-ci s'arrête brutalement si le présentateur se retrouve dans l'incapacité d'exercer son métier. Même en pleine page, les dessins ne sont pas plus spectaculaires que ceux des épisodes précédents : toujours aussi descriptifs, capturant la bizarrerie de la situation, même si elle est plausible et pragmatique. le lecteur peut ainsi mesurer toute l'incongruité de l'énorme vautour perché sur l'épaule du montreur d'animaux, l'artificialité de la construction totalement factice qu'est le plateau de télévision. Les auteurs parviennent à surprendre le lecteur alors même qu'ils ont établi la fin de leur histoire dès la première page. En effet les personnages sont très attachants, et le lecteur s'inquiète pour eux, tout en se demandant comment ils en sont venus là. La conclusion ouverte est d'une rare cruauté… pour le lecteur : tout peut arriver, il faut apprendre à vivre avec cette absence de certitude.

Jerry est malade, sans trop sans rendre compte. En ce moment, il est allongé sur le fauteuil du dentiste qui lui arrache une dent. Ce dernier lui fait des remarques bizarres sur le fait que c'est l'âge auquel où le corps commence à lâcher, et qu'il soutient son client à fond. Une voix commente : Jerry a commencé à dégénérer, et il n'y a pas que son corps qui part en sucette. Jerry se rend compte qu'il est en retard pour son rendez-vous avec son épouse, pour signer les documents qui finalisent le divorce. Sans qu'il en ait conscience, un animateur incite les téléspectateurs à faire des dons pour Jerry, dans une émission de télé.

Le lecteur se rend compte que les auteurs continuent exactement dans la même veine que les 3 épisodes précédents, avec une forme tout aussi cruelle. Un adulte voit sa situation bien établie partir en cacahuètes : relation de couple, emploi, etc. Dans le même temps, sans qu'il en ait conscience, un téléthon a été ouvert pour essayer de compenser sa déveine. Les dessins avec leur apparence un peu cruelle font ressortir la dégradation progressive de l'état de santé de Jerry, le jeu forcé de l'animateur du téléthon, l'absence de réelle compassion des téléopératrices qui sont très professionnelles, le décor vraiment très bon marché du plateau de télé, la bonne humeur forcée des acteurs pour les placements produits et autres annonceurs. C'est une horreur existentielle d'une rare cruauté, avec un humour noir à froid terrifiant, se terminant par le constat que le lecteur est responsable de la mort d'un chien. le lecteur finit terrassé pour son insignifiance, par la réalité de sa mort inéluctable et qu'il n'emportera rien avec lui dans l'au-delà. Il faut avoir le coeur bien accroché pour regarder ainsi la réalité de la vie en face.

Tome après tome, épisode après épisode, les auteurs continuent d'explorer les possibilités narratives, autant en genre littéraire, qu'en forme avec une aisance élégante, et un regard sans fard sur la terreur que peut être la condition humaine.
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