Magnifique volume pour une bande dessinée fortement influencée par les contes et légendes médiévaux.
Au château d'Antrevers, le roi est mort. Sa fille Tilda lui succède et s'attelle aux affaires du royaume dans un esprit de réforme. Mais un complot familial, ourdit par le régent et sa propre mère, décide de la chasser du trône au profit de son petit frère.
La princesse réussit toutefois à s'enfuir avec l'aide de des deux derniers fidèles, Tankred, un chevalier pourtant exilé par son père et Bertil, le page qui lui suggérait d'alléger les souffrances du peuple.
Le trio erre ensuite à travers le royaume pour rejoindre les terres du baron Albaret, soutien indéfectible de l'ancien roi. En chemin, les fugitifs sont exposés à de nombreux dangers et font d'étranges rencontres, notamment ce monastère de moniales qui semble cacher un mystérieux secret ou cette ville d'Ohman, proche de la révolte populaire. Et à chaque fois cette mention d'un âge d'or, celui où les hommes étaient égaux et que certains esprits plus ou moins sincères voudraient retrouver.
Et que penser de ce trésor qui pourrait permettre à la princesse Tilda de récupérer son trône.
A travers cette histoire qui rappelle les récits écrits au Moyen-âge, celle d'une quête qui, en vérité, est un apprentissage de la vie, de ses malheurs, de ses espoirs et de ses trahisons. C'est le passage à l'âge adulte de la princesse qui s'opère sous nos yeux.
De jeune fille joyeuse et sincèrement réformatrice, les épreuves en font un personnage plus dur, mais aussi moins sympathique à la fin de ce premier tome. Ne commencerait-elle pas à devenir comme ceux qui la pourchassent ?
Le page Bertil évolue aussi en cours d'histoire. A l'inverse de sa maîtresse, ses idéaux révolutionnaires se renforcent, différentes rencontres le force à faire le terrible choix entre ses idées et ses amis. Seul Tankred, est un véritable roc, pour qui la fidélité à Tilda ne semble pas se discuter.
Le scénario de
Roxanne Moreil s'étale sur près de 230 pages mais il est particulièrement riche en rebondissements et en situation intrigantes.
Les thématiques abordées sont tout autant modernes que médiévales. La quête du pouvoir, un passé fantasmé, les intérêts personnels contre l'intérêt général, la situation des femmes dans un monde jusque là dominé par les hommes, etc.
La taille de l'album nous fait craindre des langueurs mais il n'en est rien, on est toujours intéressé, intrigué, interrogé par quelque chose.
Et si la lecture est à ce point fluide c'est aussi grâce aux magnifiques dessins de
Cyril Pedrosa. Dès les premières planches on est frappé par ces ambiances forestières influencées fortement par les tapisseries médiévales ou Renaissance. Ensuite, il faut, il est vrai un certain temps d'adaptation. Tout le monde ne sera peut-être pas sensible à ce graphisme.
Mais les décors, les couleurs, les ambiances sont incroyablement immersives et inspirées. On est très loin du dessin réaliste, plutôt dans un mélange entre ligne claire et miniatures médiévales. Les bois, les paysages, les villes, les châteaux sont incroyables. On peut rester sur un planche ou sur l'une des magnifiques doubles planches, plusieurs minutes à contempler le dessin ou à rechercher les acteurs du drame.
En revanche, les personnages, c'est à la fois dans la continuité et l'un des points faibles. Dans la continuité, parce qu'ils sont représentés comme les décors. Quand ce sont des plans d'ensemble ou de demi-ensemble, c'est très réussi et cela conforte l'ambiance générale. En revanche, en plan rapproché ou en gros plans, on est un peu moins enthousiaste. En tout cas au début. Ensuite on s'habitue.
Un beau moment de lecture, une immersion dans une version moderne de contes classiques. Une première partie qui se termine sur une situation de suspense. Que va-t-il arriver à la princesse Tilda et quid de ce fameux trésor ? La lecture de la suite s'avère imminente !