La lecture de Neuf parfaits étangers achevée, ma question est :
Liane Moriarty a-t-elle écrit ce roman sous l'emprise de substances psycho-actives ? Dans le bush, entourée de sources d'eau chaude, une grande demeure construite par des bagnards et transformée en centre de soins dirigé par une folle à lier, accueille des clients fortunés venus détoxifier leur esprit et leur corps, trouver la paix intérieure et leur moi profond. Dans un environnement de toute beauté, au milieu des eucalyptus odorants où des kangourous s'uppercutent en écoutant le chant flûté typiquement australien des psophodes à tête noire, les dépressifs en tous genres payent cher pour une prise en charge holistique de 10 jours, et à grand renfort de jeûne, méditation, yoga, exercices de lâcher-prise émotionnel, espèrent repartir métamorphosés, plus sains, plus légers, plus libres. Adieu grillades à la sauce aux prunes, frites à la crème-aigre. Vive la laitue bio et les smoothies verdâtres aux incomparables vertus. Bien sûr, pour une déconnection complète, les sevrages alcoolique et numérique sont exigés et docilement acceptés.
Ca partait bien. J'ai espéré durant un bon moment être dans un roman à la fois distrayant et critique envers la tyrannie du bien-être et du développement personnel. Cette perspective me réjouissait, ayant confiance en
Liane Moriarty, dont la plume affûtée observe souvent avec humour certains travers de notre société. Mais brusquement, à la faveur d'un rebondissement rocambolesque, elle déraille, son histoire lui échappe, elle met son talent au service d'une thérapie psychédélique sans queue ni tête. A partir de là, j'ai regretté la longueur inutile de l'histoire, la superficialité des personnages, catastrophée par les incohérences, invraisemblances. L'auteure semble naviguer à vue, sans aucune perspective. Les situations grotesques s'enchaînent, véhiculant de surcroît certaines idées dérangeantes, comme par exemple que le client « bête », « peu fûté » et soumis finit par « capituler » lorsqu'il n'a plus aucune solution pour s'échapper ; ou que le lsd est trop super pour s'ouvrir l'esprit. Cette histoire d'immigrée russe se livrant à des activités délictueuses en Australie, pays réglementé, où les services de l'immigration et policiers ne sont pas réputés pour leur sens comique est impossible à croire.
Heureusement, il y a de l'humour, malheureusement involontaire à travers les citations tirées des enseignements de Bouddha : « Rien ne dure à jamais, sinon le changement » ; « Laissons notre amour infini se répandre dans le monde entier » ; ou encore l'inénarrable « Fais ardemment aujourd'hui ce qui doit être fait. Qui sait ? La mort arrive demain » ou «Personne ne peut nous sauver, à part nous-même ». Pauvre Bouddha, il n'est plus là pour se défendre contre les inepties qu'on lui attribue. On ne prête qu'aux riches, n'est-ce pas ?
Bref, ce retour littéraire nostalgique down under chez les roos est pour moi un échec. Pour cette tentative d'éveil spirituel version cinq étoiles, j'accorde deux étoiles et demi, c'est bien payé.
Namasté !