"Le fantastique s'offrait à moi comme l'envers étrange du quotidien." Une phrase issue de la nouvelle "L'iguane", qui est une sorte de manifeste littéraire.
Jean Muno, un écrivain bruxellois un peu oublié, heureusement réédité dans la belle collection
Espace Nord, livrait en 1979 un étonnant recueil "
Histoires singulières", dont le titre est un clin d'oeil à
Edgar Allan Poe. Sauf que nous baignons ici dans l'étrange belge le plus subtil. Les récits sont souvent situés au bord de la mer du Nord, le long des plages, au bout de digues plongées dans la brume. Les narrateurs mènent une existence morose, jusqu'au jour où leur quotidien se voit transfiguré. Ils arpentent alors des tableaux surréalistes (la première nouvelle est dédiée à Magritte), rencontrent des objets fantastiques (un gant de velours très sensuel, une chaise malicieuse). La porosité entre le réel et l'imaginaire est naturelle, on passe sans cesse de l'un à l'autre. L'humour s'invite quand un vampire s'inquiète pour l'héritage familial ou quand une victime d'un meurtre, un rondouillard dénommé Spirou, demande la justice. Mais c'est la poésie qui prime, les jeux du langage qui permettent ce glissement si élégant et si agréable vers l'inquiétante étrangeté.
Merci à Lucas Mommer pour cette découverte. J'y ai en effet trouvé d'étonnantes résonnances avec mes propres écrits :)