Exposition Eugène Delacroix Musée du Louvre juin-juillet 1930

Quel témoignage sur lui-même d'un jeune homme né pour les plus hauts destins, quelle noble et pathétique assurance dans cette confession dont les phrases çà et là inachevées et comme haletantes trahissent mieux que les morceaux les plus parfaits des écrivains les plus célèbres les mouvements de la vie intérieure ! Ecoutons-le. Il parle de sa solitude qui fait à la fois son tourment et sa force et il ajoute: entier « Quand on se livre tout à son âme, elle s'ouvre toute à vous, et c'est alors que la capricieuse vous permet le plus grand des bonheurs, celui. de la montrer sous mille formes, d'en faire part aux autres, de s'étudier soi même, de se peindre continuellement dans ses ouvrages. Tu peux ajouter une âme de plus à celles qui ont vu la nature d'une façon qui leur est propre. Ce qu'ont peint toutes ces âmes est neuf par elles. Ils ont peint leurs âmes en peignant les choses, et ton âme te demande aussi son tour. »

C'est un nom illustre, c'est un grand nom, ce n'est pas un nom populaire. L'hostilité violente que Delacroix a rencontrée dès ses débuts, si éclatants, et qui ne désarma jamais tant qu'il vécut, a laissé des traces jusqu'à nos jours. Il n'y a pas bien longtemps que Degas pouvait dire dans une de ses boutades familières: « C'est le meilleur marché des grands maîtres. » Alors que, à l'étranger, les musées et les collections les plus célèbres s'ouvraient largement aux peintres français du XIXe siècle, à tous les originaux, à tous les indépendants, depuis Corot jusqu'aux impressionnistes, Eugène Delacroix n'y pénétrait guère. Le nombre et la qualité des oeuvres qui nous sont venues d'Amérique prouvent qu'il y a aujourd'hui quelque chose de changé dans l'opinion du monde.

Lors donc que l'on choisit la date de 1930 pour honorer par des manifestations diverses le centenaire du Romantisme, une exposition de l'oeuvre qui déborde singulièrement les limites d'une doctrine, mais qui concentre en elle, et en elle seule, tout ce que le mouvement romantique portait de viable pour la peinture, s'imposa comme l'article le plus important du programme, et il parut évident que cette exposition ne pouvait se faire qu'au Louvre.

Dans l 'assemblée idéale des grands poètes, des grands artistes, des grands esprits, je vois un petit groupe de mortels belles privilégiés. Ceux-là ont fait de choses, de grandes choses et, cependant, on les sent ou devine encore supérieurs dans leur nature profonde au testament public dont ils ont enrichi l'humanité !