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4,18

sur 1483 notes
(...) le roman est découpé en 2 parties: la 1e va raconter l'Exode à travers les pérégrinations de plusieurs personnages; la seconde se concentre sur l'occupation d'un village par un régiment allemand et sur les relations qui vont se nouer entre les habitants et les soldats. La 1e partie est à l'image du thème qu'elle aborde: elle passe d'un personnage aux autres, saute d'une situation à une autre sans donner l'impression d'un réel fil directeur. Les gens fuient, dans le désordre et la panique, et le pire comme le meilleur de l'humain vont se révéler au grand jour (surtout le pire, d'ailleurs). La seconde partie est plus contemplative, dans l'attente des évènements, et correspond également à ce qui est raconté. Cette adéquation entre la construction du récit et ce qu'il décrit est une des grandes forces de Suite française.

J'ai personnellement préféré la seconde partie, du fait qu'il m'a été plus facile de comprendre (et donc d'apprécier) les personnages qu'on y suit, y compris les soldats allemands. Autre bon point de cette histoire: malgré la situation, alors qu'elle en était victime, l'auteure n'a pas oublié que, des 2 côtés, on avait affaire à des humains, avec toutes les nuances que cela implique (quelle est la part qui a été retravaillée après coup lors de l'édition, je l'ignore, mais je garde à l'esprit que des modifications ont pu être apportées).

Quant à la plume, elle est très belle et très fluide. Les descriptions tout autant que les scènes d'action sont vivantes et les images proposées sont originales. J'ai été un peu gênée parfois parce qu'il me semblait qu'il manquait un peu de ponctuation, mais ça n'entrave pas réellement la lecture.
(...) le texte est assez dense, c'est donc une lecture qu'il faut prendre le temps de bien savourer. Il m'a fallu plusieurs jours pour le lire et, plus j'avançais, plus je lisais lentement, parce que je n'avais pas envie d'arriver à la fin. Fin qui m'a laissé un goût d'inachevé, mais qui est parfaite telle qu'elle est (même si l'auteure aurait peut-être été plus loin si elle l'avait pu…?).

J'ai vraiment énormément aimé ce livre, il m'a profondément touchée et marquée, même si, moralement, c'est une lecture parfois difficile. Evidemment je recommande très vivement!

PS: la préface est spoilante, ne la lisez pas avant de lire le roman!
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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Juin 1940. L'exode, de Paris à la Province. La faim, la fatigue, le découragement, le chagrin et le départ, plus ou moins volontaire, plus ou moins préparé ou précipité, des bourgeois comme de petits gens du peuple. Les allemands arrivent, on a peur ; que feront-ils des villes conquises et de leurs habitants ? La famille Pericand, l'écrivain Corte et sa maitresse, les Michaud, ou encore Charles Langlet prennent la route et quittent la capitale. On se heurte au chaos ambiant, aux autos qui n'avancent pas, à la pénurie d'essence, aux femmes, enfants et vieillards parcourant les chemins à pieds, aux chargements insensés qui résument à eux seuls une vie. Ce sont les thèmes de cette première partie de Suite française intitulée Tempête en juin.

Dans le second chapitre, Dolce, les allemands sont arrivés au village de Bussy. C'est le début de l'occupation, la découverte de ces soldats étrangers qui vont vivre dans les maisons, dans les fermes. Les sentiments sont partagés du côté français comme de celui de "l'ennemi" : curiosité, haine, indifférence, bienveillance... Bruno von Falk, l'officier qui loge chez les dames Angellier, n'est-il pas, au-delà de la figure de l'opposant, du conquérant, un homme qui réussit à attirer la douce et triste Lucile, depuis longtemps morte vivante dans cette maison tenue d'une main de fer par sa belle-mère, aux reproches toujours acerbes, effondrée par l'emprisonnement de son fils en Allemagne ? Les hommes français sont rares au village ; seuls les réformés, invalides, vieillards ou quelques privilégiés n'ont pas été faits prisonniers. Tous les autres jeunes gens ont laissé derrière eux des femmes, des mères et des soeurs seules, inquiètes, parfois désemparées ; souvent fortes par nécéssité. Alors que penser de toute cette agitation créée par l'arrivée d'un régiment de soldats ?

Irène Némirovsky dépeint admirablement et presque "en direct" les évènements figurant dans son roman. Elle était extrêmement lucide, tant sur sa situation personnelle que sur ses écrits. le 2 juin 1942, soit un mois avant d'être arrêtée et emmenée au camp de concentration de Pithiviers puis d'Auschwitz où elle sera assassinée par les nazis, elle écrivait : " ne jamais oublier que la guerre passera et que toute la partie historique pâlira. Tâcher de faire le plus possible de choses, de débats...qui peuvent intéresser les gens en 1952 ou en 2052". Car en effet, Suite française tire sa force dans une analyse inimitable de l'âme humaine. Toutes les facettes en sont sondées, et il n'est plus question d'héroïsme ou de grands actes, mais de quotidien. Comment l'humain se révèle t-il à la lumière d'un bouleversement aussi fort que peut l'être la guerre et l'occupation, l'exode et les privations, la répression et le besoin inaliénable de liberté ? Chacun aura sa propre réponse, sa propre attitude face aux choses. Certains ne défenderont que leur intérêt propre ; d'autres prendront des risques pour sauver une vie, ou donner un peu à autrui quant d'autres cacheront biens et nourritures en attendant que l'orage passe. Irène Némirovsky se savait en danger et n'était pas certaine de survivre à cette guerre ; pourtant elle a mis toute son énérgie a tenter de terminer ce livre qui aurait dû compter trois chapitres de plus et faire environ 1000 pages. Ses deux petites filles, Denise et Elisabeth Epstein, auront survécu à leur parents et permis à ce manuscrit d'être protégé, caché, et un jour enfin publié. On ne peut qu'admirer la force de ce récit hors du commun et déplorer qu'il ait été aussi tragiquement inachevé. Un chef d'oeuvre contre la barbarie des hommes, et un hommage à la liberté ; de penser, d'être et de se conduire en humain ; telle est la leçon que nous donne cette grande dame trop tôt disparue.

http://manoulivres.canalblog.com/archives/2013/09/09/27980501.html
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A lire absolument !!!

Irène Némirovski est née en Russie en 1903. En 1919 sa famille se réfugie en France et Irène étudie à la Sorbonne. Remarquée à 26 ans dès son premier roman "David Golder", Irène devient rapidement une auteure internationalement reconnue. Son mari et elle se convertirent au catholicisme et eurent deux petites filles.
Pendant la guerre, ils se réfugièrent en province mais Irène se fit arrêter le 13 juillet 1942 et déportée à Auschwitz le 17 juillet. Elle y est assassinée, affaiblie et malade, le 17 août de la même année.
Pendant ce temps-là son mari, Michel Epstein, n'a cessé de se battre pour obtenir sa libération. Son couvert était mis à chaque repas. Il alla même jusqu'à se proposer en échange de sa femme pour aller en camp de travail "voyez, voulez-vous, s'il ne serait pas possible de nous faire échanger nos places, ma femme et moi - je pourrais peut-être rendre plus de services à la sienne et elle serait mieux placée ici".
Comme seule réponse il est déporté à son tour à Auschwitz et gazé à son arrivée avec sa soeur le 6 novembre 1942.

En 1942 Iréne Némirovski a commencé un roman sur la débâcle, la guerre. un roman qu'elle voulait ambitieux, son oeuvre majeure. Elle l'a écrit dans l'urgence "je suppose que ce seront des oeuvres posthumes" sur du papier de mauvaise qualité, au crayon. Elle l'a écrit sans savoir l'issue de cette guerre. Dans l'air du temps.
Ses filles, âgées de de 4 et 11 ans à l'époque, ont été sauvées par leur nourrice, et sont passées d'un refuge précaire à l'autre. Après la guerre, elles ont été prises en charge par les éditeurs d'Irène qui avaient uni leurs efforts pour essayer de faire libérer la jeune femme.
Pendant des années elles ont emporté dans leur valise les feuillets des derniers écrits de leur mère. Incapables de les ouvrir et encore moins de les lire.
Tardivement elles décidèrent de confier la dernière oeuvre de leur mère à l'Institut Mémoire de l'Edition Contemporaine. Ce qu'elles prenaient pour une suite de notes était un roman immense et bouleversant.
Publié en 2004.

Une oeuvre magnifique. Il faut lire la préface, qui raconte la genèse ainsi que la postface où on trouve les notes de l'auteur, sa correspondance, ainsi que celle de son mari, une fois Irène disparue.

Pour ne pas oublier Irène Némirovski.
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J'ai lu, j'ai relu, et je relirai Suite Française. Pour moi, ce livre est à l'exode de 1940 ce que "La Peur" de G. Chevallier est à la guerre de 14/18. Un témoignage saisissant de ce que furent ces heures sombres. Plus qu'un roman, un document d'un réalisme époustouflant sur le comportement des hommes propulsés dans le chaos de la fuite. Ou confrontés à l'Occupation dans leur quotidien. En un an, Irène Nemirovsky avait compris ou pressenti toutes les ambiguïtés, toute la fausseté des rapports entre occupés et occupants. Elle raconte les tentations ou le refus de la collaboration bien avant que le mot ait pris le sens qu'on lui connaît aujourd'hui. Cette prescience est bouleversante quand on a à l'esprit, ce que fut le sort d'Irène Némirovski, dans les mois suivant l'écriture de ces textes.
Et pour connaître l'incroyable parcours du manuscrit jusqu'à sa publication, et celui, terrible, des filles d'Irène Nemirovsky, le témoignage de Denise Epstein : https://entretiens.ina.fr/memoires-de-la-shoah/Epstein/denise-epstein



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Ce n'est pas une oeuvre magistrale, c'est une oeuvre qui l'aurait été. Qui d'autre a écrit sur cette période historique quasi en temps réel ? Les notes préparatoires de l'auteur laissent entrevoir ce qu'auraient pu être les trois autres parties de ce roman, et qu'elle envisageait une oeuvre monumentale, une sorte de “Guerre et Paix” français. Elle n'évoque pas la Résistance qui devait être traitée dans la troisième partie du roman, juste ébauchée. Elle anticipe les revirements individuels qui auront lieu. Elle commence même à imaginer des fins selon l'issue de la guerre.
C'est de l'Histoire en train de se faire, vue par un regard extrêmement lucide sur la société (le seul point où elle a malheureusement pour elle-même manqué de lucidité est le sort des juifs, absents par ailleurs du roman, encore qu'elle ait organisé la mise à l'abri de ses filles).
Elle nous fait suivre en direct l'exode, puis l'arrivée des allemands (Tempête en juin) et les débuts de l'occupation (Dolce). A travers des destins individuels, elle nous transmet fidèlement toute la palette des comportements, des réactions, des choix au moment de quitter Paris. C'est un portrait intime de la population française. Dans Dolce on a à nouveau toute la palette des sentiments éprouvés face aux envahisseurs, sans manichéisme, dans toute leur ambiguïté, sans jugement.
Un grand roman, qui a bien mérité son prix Renaudot posthume en 2004.
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Un ouvrage en deux parties.
La première partie (Tempête en juin) raconte l'exode de mai-juin 1940.
La seconde partie (Dolce) raconte la vie d'un village de Bourgogne, de l'armistice à juin 1941, date de la rupture du pacte germano-soviétique.
Dans la première partie, on suit plusieurs personnages au cours de l'exode et on prend la mesure de l'état de désorganisation de la France : « la moitié de la France cherchait alors l'autre moitié » (page 173).
Dans la seconde partie, on observe la vie d'un village bourguignon à l'heure allemande, en y retrouvant quelques personnages de la première partie. le contexte a changé : la débâcle du printemps 1940 a conduit à l'armistice. Ce n'est plus la guerre, c'est l'Occupation : « la guerre... oui, on sait bien ce que c'est. Mais l'occupation en un sens, c'est plus terrible, parce qu'on s'habitue aux gens; on se dit : ils sont comme nous autres après tout, et pas du tout, ce n'est pas vrai » (page 358). Alors que les hommes sont prisonniers en Allemagne, les Allemands sont les seuls hommes présents au village. Ainsi, le regard des femmes sur l'occupant évolue et des sentiments se nouent entre eux, malgré eux. Dans le même temps, un allemand est tué par un français, « tué par ce paysan que les uns traiteront de criminel et les autres de héros » (page 363). Quelle est la bonne réaction ?
Irène Némirovsky a écrit ce livre en 1941, peu de temps avant d'être déportée à Auschwitz, où elle mourra en 1942. Elle ne connaîtra pas l'issue de la guerre.
L'ouvrage est donc une photographie, un instantané de l'état de la France en 1940-1941. Même s'il s'agit d'un roman, Suite française présente un vrai intérêt historique. On y retrouve l'ambiance qu'Henri Amouroux avait relatée dans sa Grande histoire des Français sous l'Occupation. On pense à Paul Reynaud, Président du Conseil jusqu'à mi-juin 1940, dont la maîtresse sera tuée lors d'un accident de la circulation à la fin de ce même mois. le roman présente aussi un intérêt sociologique. Il décrit en effet l'attitude des Français face à l'exode, face à leur exode. Quel que soit leur milieu social, tous les Français sont égaux devant l'épreuve; mais l'épreuve révèlera leur vraie nature : les courageux, les lâches, les mesquins et les autres...
Une lecture agréable et instructive.
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Suite Française/Irène Némirovsky /Prix Renaudot 2004
Irène Némirovsky est une romancière russe d'origine ukrainienne de langue française née en 1903 à Kiev. Émigrée en France à la révolution de 1917, elle est morte assassinée en 1942 à Auschwitz.
Elle est le seul écrivain à avoir obtenu en 2004 le prix Renaudot à titre posthume pour son roman « Suite française ».
Suite Française est un témoignage vécu sur l'Exode en juin 1940 sur les routes de France, puis l'Occupation allemande, après la Débâcle face à l'invasion allemande.
La Suite se décompose en deux mouvements : Tempête en juin et Dolce.
Plusieurs familles sont mises en scène.
Tout d'abord la famille Péricand, issue de la haute bourgeoisie parisienne, Charlotte et Adrien les parents et leur cinq enfants, Philippe l'aîné qui est prêtre, Hubert 18 ans, Jacqueline 9 ans, Bernard 8 ans et Emmanuel un bébé. Ajouter la femme de chambre Madeleine, le valet de chambre Auguste, la cuisinière Maria, le sénile père d'Adrien et le chat Albert. Tous vont devoir fuir la capitale en voiture, en vélo ou encore à pied…Une fuite épique !
L'écrivain Gabriel Corte et sa maîtresse Florence devront eux aussi fuir la capitale ainsi que la famille Michaud, le mari et la femme employés de banque avec le sieur Corbin lui aussi de la banque avec sa danseuse de maîtresse, la belle Arlette.
Charles Langelet est un collectionneur d'objets d'art, un esthète raffiné pour qui quitter son appartement, un véritable musée, est un crève-coeur.
Tous et tous les autres vont être des réfugiés aux figures lasses, livides, en sueur en ce mois de juin caniculaire, avec les enfants en pleurs, à la recherche en cours de route d'un lit et d'un morceau de pain :
« Cette multitude misérable n'avait plus rien d'humain ; elle ressemblait à un troupeau en déroute ; une singulière uniformité s'étendait sur eux. Leurs vêtements froissés, leurs visages ravagés, leurs voix enrouées, tout les rendait semblables. »
Maurice Michaud, dont le fils Jean Marie a été envoyé au front, est le seul à comprendre que l'Histoire est un éternel recommencement :
« Envers ses compagnons de souffrance, Michaud éprouvait de la pitié, mais elle était lucide et froide. Après tout, ces grandes migrations humaines semblaient commandées par des lois naturelles songeait-il… Il se souvenait que les exodes avaient eu lieu de tout temps. »
Hubert Péricand que l'inaction ronge devant cette débâcle rejoint les soldats en déroute et ne peut s'empêcher de constater que ceux qui l'entourent, sa famille, ses amis, éveillent en lui un sentiment de honte et de fureur. Il voit sur les routes les fuyards, officiers, politiciens et fonctionnaires abandonnant leurs postes et songe :
« Et dire que personne ne le saura, qu'il y aura autour de ça une telle conspiration de mensonges que l'on en fera une page glorieuse de l'Histoire de France…Le réfugiés pillaient les maisons…Partout le désordre, la lâcheté, la vanité, l'ignorance ! »
Dans la seconde partie entrent en scène les dames Angellier, la mère et la belle fille Lucile dont le mari Gaston est retenu prisonnier en Allemagne. Cette partie du récit évoque les conditions de l'Occupation et les relations des soldats allemands avec la population dans le Morvan. Il est même arrivé qu'une certaine admiration se fasse jour dans l'esprit de Lucile qui visiblement est tombée amoureuse d'un gradé allemand :
« Elle avait trouvé comique autrefois cette courtoisie surannée, un peu affectée des soldats du Reich. Maintenant, elle pensait qu'elle regretterait ce tintement léger des éperons, ces baisemains, cette espèce d'admiration que lui témoignaient presque malgré eux ces soldats sans famille, sans femme… »
Jusqu'au jour où la Russie entre en guerre en juillet 1941 : les Allemands qui avaient alors pris leurs habitudes et parfois pactisé avec la population repartent vers d'autres horizons…plus à l'est.
le récit reste inachevé : en effet Irène Némirovsky est arrêtée, déportée et exécutée à Auschwitz en 1942. Dans une annexe figure l'ébauche d'une troisième partie.
Ce livre nous montre une facette de la guerre, celle vécue par le peuple des villes et des campagnes lors du chaos de l'Exode de 1940, loin des combats. Dans un style percutant et sincère, sans aucune concession, l'auteure nous fait connaître ce que les livres d'histoire ne nous ont jamais dit.
Pour la petite histoire, il faut savoir que c'est la fille de l'auteure, Denise Epstein, qui a caché durant 60 ans les deux premiers tomes manuscrits que lui avait confiés sa mère avant d'être arrêtée et a décidé finalement de les faire publier.



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Quelle découverte, cette écrivaine !
Dans le contexte de la situation geo-politique actuelle en 2022 dans l'est de l'Europe, j'ai trouvé ce livre « par hasard ».

J'ai lu uniquement la première partie, Tempête en Juin. Jamais je n'ai « lu » une fresque historique relativement récente sous forme de roman, peinte quasiment en direct avec autant de précision, de finesse et de lucidité, d'ironie et même d'humour!
Les mots d'Irène Némirovsky sont de véritables coups de peinture ! Un pinceau très fin, des couleurs à l'infini ; ce roman réaliste composé de 4 tableaux autour de quatre personnes et familles parties sur les routes en quittant Paris, en juin 1940, est une galerie d'art…

Une galerie d'art dans le décor réel d'un monde tragique, celui du début de la 2ème guerre mondiale.
Comment cette écrivaine, d'origine juive née à St Petersbourg dans une riche famille bourgeoise mais ayant vécu et étudié en France dans un grand confort matériel et spirituel, a appris à avoir un regard aussi acéré, juste, tendre, lucide, sans pitié, ironique mais aussi poétique sur les êtres humains et leur environnement ? Son intelligence, son sens de l'observation ?

Grande bourgeoise elle-même, dans ce premier volet l'auteure observe et brosse les portraits très riches en couleur et en psychologie des gens qui se lancent sur les routes pour fuir Paris :
Les Péricand, une famille bourgeoise avec un grand-père en fauteuil roulant et 2 fils -dont l'un est prêtre et l'autre, Hubert, qui veut se battre dans l'armée en quittant la famille pendant leur fuite. Leurs domestiques ; le riche écrivain Gabriel Corte, imbu de lui-même, et sa maîtresse Florence ; les Michaud, couple d'honnêtes employés de banque de situation un peu modeste. Leur fils est déjà enrôlé dans l'armée; Charles Langelet, célibataire égoïste raffiné et pédant qui aime les belles collections, vivant hors du temps.

Oui, ces personnes ont des caractères, des pensées, des réactions, des peurs, des ressentis, des espoirs, tous rendus d'une façon magique. Dans les épreuves, on sent que certaines changent, deviennent moins égoïstes, plus humaines. D'autres font semblant de rien, ne voient rien et espèrent que tout ira bien pour eux pour toujours. Oui, on a de la sympathie pour certain-e-s d'entre eux !

Ces récits se joignent ici et là, il y a des rebondissements inattendus et réussis. Parmi les pépites…Deux pages consacrées uniquement à l'observation d'un chat dans un jardin dévasté, un régal de poésie. La description de ce mois de juin si doux, si fleuri et printanier. Et le jeune garçon Hubert, dans sa naïveté et sa jeunesse, on ne peut que l'aimer. Et puis, les derniers instants du vieux Péricand entouré d'un notaire et de 2 nonnes …épique ! La fin surprise de ce Langelet. le retour inattendu du jeune Hubert présumé mort. de grands moments de lecture !

La mosaïque humaine que peint Némirovsky est d'une grande finesse et justesse. Sans jamais juger, l'auteure témoigne d'une très grande maturité personnelle. Némirovsky a senti arriver l'horreur avec lucidité et ne s'est pas trompée. Elle a eu 100 fois raison d'écrire ce printemps 1940 sous forme de roman. Mais voulait-elle absolument témoigner ? Pas si sûr…
Ecrire passionnément, telle était sa mission…

Un très grand talent qui malheureusement s'est éteint à l'âge de 39 ans dans les camps nazi.
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Si je n'ai pas vraiment accroché à la première partie de Suite Française, j'ai dévoré la deuxième. Je ne crois pas avoir déjà lu un roman qui peignait la France en guerre de cette façon. Au plus proche des personnages, de leur humanité. Si le début m'a moins entraînée, c'est parce que je l'ai trouvé assez décousu, dans le sens où on ne passe pas assez de temps avec chaque personnage - ou groupe de personnages - pour s'y attacher et vouloir apprendre la suite de leur histoire. Dans la deuxième partie, ce 'défaut' disparait. Les personnages sont rendus TRES humains : ils ont tous des faiblesses, des défauts, et des qualités auxquelles on s'attache : le suspens est créé.
Mais ce qui me restera surtout de cette lecture (je pense), ce sont les notes d'Irène Némirovsky : elle avait une clairvoyance sur le monde, la société française que je n'ai retrouvé dans aucun autre roman de cette époque, et bâtissant son roman sur ses constats, elle a construit une oeuvre remarquable, que je considère comme un portrait fidèle de la guerre.
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J'ai beaucoup aimé "suite Française"...il était dans ma PAL depuis longtemps et je me suis décidée grâce au challenge solidaire 2021, et c'est sans regret que j'ai lu un 1er ouvrage d'Irène Némirovsky (à en croire les commentaires, l'un des meilleurs de cette auteure).
Le premier opus de cette suite, "Tempête en juin" , nous emmène sur les routes de l'exode en juin 40...le terme de débâcle est souvent employé, c'est ce que l'on ressent à la lecture. Irène Némirovsky dépeint sans concession le désordre qui règne un peu partout, les travers des fuyards, les bourgeois prêts à tout pour sauvegarder leurs petits privilèges, bien loin de la fréquente idéalisation du courage Français... Mais elle ne se présente pas comme une moraliste : non, elle brosse une galerie de portraits authentiques , savoureux ou parfois sordides .
Le second opus nous emmène quelques mois plus tard dans un village occupé par les allemands. Et c'est le drame et le dilemme de l'occupation qu'elle dépeint: entre l'horreur de se retrouver sous le joug de l'ennemi et le soulagement de voir le conflit éteint, la sympathie naissante pour des hommes comme les autres, et l'amour aussi, voué à l'échec.
Irène Némirovsky s'attache beaucoup à la psychologie des personnages et c'est cela qui fait tout l'intérêt de "une suite Française".
J'ai aussi été très émue par le contexte de l'écriture de ce roman qu'Irène Némirovsky a elle même désigné comme posthume, car elle avait la certitude d'être morte -déportée - avant sa parution .J'avoue rarement prendre le temps de lire la préface d'un ouvrage, mais vraiment celle ci est à lire, car elle éclaire le roman ,lui donne une tonalité particulière.
Assurément je lirai d'autres ouvrages d'Irène Nemirovsky

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