Non, je n'aime pas les chasseurs, qu'ils flinguent le gibier de nos contrées ou les animaux exotiques d'ailleurs, et encore moins ceux qu'ils posent devant leurs trophées, exposant leurs massacres sur les réseaux sociaux…
Mais de là à faire du bashing, à les poursuivre, à les traquer, sur le Net ou dans la vie réelle, il y a un pas que je ne franchirai pas, contrairement à Martin, un garde au parc national des Pyrénées.
Un ami m'avait expliqué, il y a un certain temps, que l'on ne savait pas toujours ce qu'il se cachait derrière une photo, lorsqu'elle n'était pas expliquée, que l'on ne savait pas d'où elle était tirée, dans quelles circonstances… Mais que l'on avait tendance à extrapoler dessus et à lui inventer une légende qui convenait, surtout si ça peut faire le buzz.
Une jeune fille, avec un arc, devant la dépouille d'un lion, en Namibie, ça a de quoi révolter les anti-chasses (je le serais aussi) et Martin, notre garde, va mener l'enquête pour tenter de trouver l'identité de cette jeune fille, sans doute blindée de thune, pour avoir pu s'offrir une chasse au lion.
Donner l'histoire de cette photo, c'est ce que
Colin Niel va tenter de faire, avec ce roman choral, qui nous emmènera des Pyrénées à la Namibie, passant du dernier représentant des ours qui a disparu à un lion qui s'est mis à chasser les vaches et les chèvres des bergers du Kaokoland.
L'auteur donnera la parole à cette chasseuse, surnommée Lagolas, à Martin, le garde du parc, à Charles, le lion chasseur et à Kondjima, le jeune Himba qui a vu son troupeau de chèvres décimé par un lion solitaire.
La première moitié du roman est entraînante et je suis allée de surprises en surprises, la chasseuse n'étant pas aussi mauvaise qu'on pourrait le penser… le récit n'étant pas linéaire, on passera de l'arc pyrénéen à celui qui s'est déroulé en Namibie, quelques mois auparavant. Cela ajoute du mystère et du suspense, ce qui fait que le récit avance très vite.
Malheureusement, les personnages sont assez linéaires, stéréotypés, manquant de profondeur et le pire fut Martin, très radical, même s'il n'a pas tort dans ce qu'il dit, parlant des torts que les Hommes font à la Nature et aux animaux. Imbu de lui-même, il croit qu'il est le seul à détenir la vérité.
Là où le bât a blessé, ce n'est pas dans son obsession à trouver l'identité de la jeune fille, mais quand il a commencé à jouer au stalker, la suivant, l'espionnant, pénétrant dans son appart et lorsqu'il la suivra dans la montagne, là, le récit a perdu tout sens commun, notamment à cause du comportement dingue de Martin qui agira comme un vulgaire chasseur.
Le final ne manquera pas d'ironie, il est cruel, violent et on se prendra l'instant karma dans la gueule… L'histoire de la photo est dévoilée et elle ne manquait pas de cynisme non plus.
En fait, tout est ironique dans ce récit, puisque le lion, s'il s'est mis à s'attaquer aux troupeaux, c'est à cause de l'extension des Hommes, qui prennent de plus en plus de place, de la sécheresse, de l'extinction des troupeaux d'animaux sauvages qu'il chassait avant. Tout est lié et l'Homme, horrible virus, a propagé la maladie partout.
Dommage que les personnages aient été si stéréotypés et que Martin ait viré radicaliste, sinon, cela aurait pu être un coup de coeur. Son comportement extrémiste dans la montagne, m'a dérangé fortement. J'ai beau ne pas aimer les chasseurs, il est des choses qui ne se font pas, sinon, on ne vaut pas mieux qu'eux.
Malgré mes bémols, ce n'est pour autant pas une lecture ratée, car elle m'aura fait réfléchir sur le fait que l'être humain est un prédateur, une créature qui sème le vent et s'étonne ensuite de récolter la tempête, un être qui détruit quasi tout, qui pollue au-delà du possible et dont certains, qui ne pensent qu'à s'enrichir, sont prêts à tout pour y arriver, même à écraser les vivants : humains, animaux, plantes, insectes…
Nous sommes dans la merde, mais c'est notre faute, nous nous y sommes mis dedans. J'ai fait mon introspection et bien que n'étant pas contaminée par la consommation, je consomme tout de même, comme tout le monde. J'ai moi aussi ma part de responsabilité (sans doute moins grande que d'autres, enfin, je crois).
Comme quoi, même avec une lecture qui m'a un peu déçue par certains aspects, elle m'a tout de même élevée plus haut, me faisant pousser les curseurs de la réflexion plus loin. Une fois de plus, c'est ironique, ce roman. Rien que pour cela, je ne risque pas de l'oublier…
Chouette, alors, il me reste encore d'autres romans de cet auteur et je compte bien les lire. Qui sait, je ferai peut-être encore fumer mon cerveau ?
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