Et maintenant le pouvoir

C'est la première fois que je lis une oeuvre qui fait de l'afroféminisme non pas une sous-catégorie du féminisme en général, mais plutôt un des mouvements appartenant aux féminismes Noirs. Les féminismes Noirs qui se distinguent politiquement des féminismes tels que conceptualisés par les femmes blanches vers la fin du XIXe siècle. L'essayiste explique aussi en termes clairs comment l'esclavage, la colonisation et l'impérialisme ont permis la construction d'une bicatégorisation genrée et raciste des corps noirs, faisant croire aux hommes noirs qu'ils ont été émasculés par « leurs » femmes qui sont, elles-mêmes, trop effrontées et trop bestiales. Ce qui, paradoxalement, n'empêche pas qu'elles soient surreprésentées parmi les nounous des enfants blancs.

Ce livre montre aussi les liens qui existent entre la culture pédocriminelle et la misogynoir puisque les enfants et les adolescentes noires sont perçues comme toujours moins innocentes et plus adultes que les enfants et les adolescentes blanches. Fania Noël dénonce également « les tentatives de dépolitisation, de récupération et de blanchiment » (86) du concept d'intersectionnalité. de plus, les liens que fait l'autrice entre le transfuge de classe et la reproduction sociale des élites ou encore son analyse sur la récupération raciste des discours sur l'urgence climatique sont particulièrement éclairants.

En bref, on peut dire que ce livre a comblé d'énormes lacunes dans ma culture politique féministe et je lui en suis tout à fait reconnaissante.

Petit désaccord cependant à la page 126 de l'édition de poche où il est écrit : « Penser que la terre est ronde en 2021 n'expose clairement pas aux mêmes risques qu'au XVIIe siècle en Europe. » C'est une erreur factuelle de la part de l'autrice puisque, en effet, nous savons que la Terre est ronde depuis l'antiquité et, contrairement aux idées reçues, ce savoir ne s'est pas perdu pendant le Moyen Âge. Enfin, je suis aussi en désaccord par rapport à sa définition de la science-fiction. L'autrice semble en effet estimer que ce qui distingue la science-fiction des autres genres littéraires et cinématographiques est sa dimension anticipative et spéculatrice. Or, s'il est vrai qu'une bonne partie de la science-fiction, notamment les utopies, imagine un futur qui a pour but de contester notre présent, toutes les oeuvres de SF ne sont pas des oeuvres d'anticipations (X-Files, Stargate, Farscape, etc.)