Soupçons de ruses habiles à la conduite assassine et machiavélique, joutes oratoires jouissives un tantinet suffisantes et vaste support de réflexions en un condensé de pages,
Barbe bleue livre un univers aux dualités athlétiques sans jamais créer d'espace de respiration. L'évocation d'un hiatus pur sucre, de la déliquescence des relations humaines dont l'issue, prévisible, n'entache en rien la délectation de la lecture. Interprétations modernes, plurielles, presque cabales d'une oeuvre indélogeable,
Amélie Nothomb effleure de près l'inaltérable.
Au charisme et immoralité de Don Elemirio Nibal y Milcar, prisonnier de notre époque, nargue le flegme et la contenance de Saturnine Puissant dont les convictions éthiques et opinions seront progressivement mises en branle. Perfide évolution, pendant laquelle s'ouvre un véritable espace de réflexions sur des thématiques universelles telles que l'amour, la mort, la religion, l'art, la luxure, la nature de l'Être et bien évidemment…le meurtre. Allégation de dissensions idéologiques. Fors de ses qualités narratives, presque théâtrales, l'écrivaine à succès se heurte au conte original en y agréant, sinon une posture féministe, à tous le moins une déchirure : si la légende s'adresse aux petites filles désobéissantes et espionnes, le roman présente ici une femme -au nom quelque peu capilo-tracté, emblème nothombien- indépendante, libérée, presqu'insolente. Au fond, une colocataire colorée, celle qui saura rompre avec une folie artistique, une manoeuvre scélérate, entre deux coupes de champagne.
Hormis les joutes oratoires à consommer comme de véritables friandises, le roman est chargé d'une tension entre le pouvoir et la soumission, cocktail ambivalent dans un presque huis-clos, une domestication. Une menace tacite, insidieuse, arrière plan de l'ouvrage, à mi-chemin entre le polar et le conte philosophique.
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