Publié en août 2012, "
Barbe bleue" est le 21ème roman de l'écrivaine belge
Amélie Nothomb, notamment auteure de "
Hygiène de l'assassin", "
Cosmétique de l'ennemi", "
Le Voyage d'hiver" ou encore d'"
Une forme de vie".
Saturnine, jeune femme belge de 25 ans, se retrouve dans une salle d'attente au milieu d'une quinzaine d'autres candidates convoitant une colocation à petit prix dans un hôtel de maître parisien.
Une femme l'entretient de l'étrange propriétaire et assure à Saturnine que celle-ci obtiendra l'appartement, tout comme les 8 femmes précédentes ayant mystérieusement disparu...
Comme annoncé, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, Don Elemirio Nibal y Milcar convie Saturnine à s'installer dans ses appartements, à la seule condition que la jeune femme ne pénètre jamais dans sa chambre noire.
Saura-t-elle résister à la tentation de céder à la curiosité ?
Amélie Nothomb reprend ici la trame du célèbre conte de Perrault mais en lui insufflant les petites touches personnelles qu'on lui connaît : noms à coucher dehors (Térébenthine ou Digitaline cette fois), goût prononcé pour le champagne dont on se souvient notamment dans "
Le fait du prince", importance donnée à l'esthétique, rapport étrange et presque mystique au corps et à la nourriture le tout saupoudré d'une fine dose de morbide, situations incongrues, mise en balance de principes moraux établis.
Contrairement au conte (que j'ai relu dans la foulée) où la jeune femme tombait rapidement dans le panneau et réfléchissait ensuite ("Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?"), Saturnine fait preuve de beaucoup plus de jugeote.
Esprit indépendant opposé au mariage, elle ne se laisse pas facilement conter fleurette malgré les multiples attentions de cet esthète espagnol qui lui confectionne une jupe en or, lui fait la cuisine et met à sa disposition un frigo à champagne (c'est du Nothomb hein, fallait pas s'attendre à du Martini blanc).
Devant la réticence et les interrogations de la jeune femme, Don Elemirio est conquis et trouve enfin en une femme une compagne intellectuellement à son niveau.
Agacée par la complaisance de cet homme dont le seul métier est de rester digne à plein temps, Saturnine ne se montre pourtant pas complètement insensible à son charme.
Les tentatives de séduction de l'un se veulent accueillies par l'impertinence de l'autre, chacun essayant de faire douter l'autre de sa moralité.
"
Barbe bleue" se profile plus comme une suite de joutes verbales (qui aura donc le dernier mot ?) portant sur des questions mythologiques, esthétiques, culinaires et...chromatiques abordées de façon incongrue, que comme une discussion.
Au centre de ce face à face : la notion de jardin secret. Jusqu'où se situe le droit à la vie privée ? Est-il possible de conserver une vie intime en vivant sous le même toit ?
Les situations conflictuelles, intérieures comme dans "
Biographie de la faim" ou "
Cosmétique de l'ennemi" ou partagées avec un autre comme dans "
Hygiène de l'assassin", abondent dans les romans de Nothomb et se déclinent bien souvent en de nombreuses phrases péremptoires prononcées par les adversaires.
J'ai beaucoup aimé la façon dont Nothomb donnait une direction nouvelle à la personnalité de la cruche jeune femme du conte.
Je me suis délectée de la vivacité des échanges entre Saturnine et son logeur mais, là où le bas blessait parfois, c'est lorsqu'il me semblait être tenue à l'écart par ces mêmes échanges (les allusions bibliques par exemple), la frontière entre loufoque et intelligible s'avérant plutôt mince par moments.
Pas de déception cuisante mais pas non plus un coup de coeur pour ma part.
A croire que je ne connaîtrai plus jamais avec cette auteure l'engouement de mon adolescence.
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