Citations sur La papeterie Tsubaki (439)
A trop se préoccuper des conventions, on obtient une lettre compassée, bizarrement formelle et gauche. Bref, c’est exactement comme avec les gens : trop de respect, de prévenance et de bonnes manières tuent le naturel. Il n’y a pas de recettes toutes faites pour écrire une lettre.
"_Poppo, la vie nous réserve bien des surprises ! a-t-elle commenté d'un air convaincu.
C'était vrai. Inversement, si on pouvait tout prévoir, ça manquerait de piquant."
En attendant que l'anguille soit prête, il a commandé une bouteille de bière. Un ravier nous a été servi par la même occasion. Dedans, il y avait plein de foies d'anguille.
- Du foie confit à la sauce soja. Ça se marie bien avec la bière.
Il devait aimer ça car il plissait les yeux d'un air ravi.
L'automne, c'est peut-être une saison qui donne envie d'écrire.
Ces derniers temps, les commandes se succédaient.
- Ne vous prenez pas la tête, a murmuré Monsieur Morikage en continuant à me porter, sa voix prête à se fondre dans la nuit printanière.
- Pardon ?
Les feuillages écoutaient silencieusement notre conversation.
-Ce que je veux dire, c'est qu'on n'échappe pas aux regrets. J'aurais dû faire ceci, je n'aurais pas dû faire cela. Moi non plus, je n'arrêtais pas d'y repenser.
- Mais un jour j'ai compris. Ou plutôt c'est ma fille qui me l'a appris.
- Plutôt que de rechercher ce qu'on a perdu, mieux vaut prendre soin de ce qui nous reste.
……
…….
Les mots qui étaient restés prisonniers, pieds et poings liés, cherchaient à se libérer. Grâce à Monsieur Morikage, sûrement. Il avait fait passer un souffle d'air chaud sur mes mots pris dans la glace.
Ce que je veux dire, c’est qu’on n’échappe pas aux regrets. J’aurais dû faire ceci, je n’aurais pas dû dire cela. Moi non plus, je n’arrêtais pas d’y penser.
Mais un jour, j’ai compris. Ou plutôt, c’est ma fille qui me l’a appris.
Plutôt que de rechercher ce qu’on a perdu, mieux vaut prendre soin de ce qui nous reste. Et puis… a-t-il ajouté. Si quelqu’un vous a porté sur son dos , la prochaine fois, à vous de le faire pour quelqu’un d’autre. Moi aussi, ma femme m’a souvent soutenu. C’est pour ça que maintenant, je peux le faire à mon tour. Et ça, c’est déjà bien.
"Bref, l'écriture, c'est comme une réaction physiologique. On a beau vouloir écrire joliment, quand la main ne suit pas, on n'y arrive pas. On peut se tordre de douleur par terre et souffrir tous les maux du monde, quand ça ne vient pas, rien n'y fait. L'écritures est ce genre de monstre. C'est alors que soudain, la voix de l’Aînée a murmuré à mon oreille.
C'est avec le corps qu'on écrit."
J'ai opté pour du vergé crème fabriqué en Belgique, un type de papier utilisé depuis longtemps par les familles royales et nobles d'Europe. Les vergeures- les marques laissées par les fils du tamis utilisé pour fabriquer le papier, qui lui donnent son nom- forment des aspérités ténues, apareilles à des rides, qui projettent de subtiles ombres sur la feuille blanche. Au toucher, ce papier a la chaleur du fait main, il en émane bienveillance et douceur. C'était parfait pour communiquer les sentiments de Monsieur Sonoda.
Dans l'air printanier encore un peu frais, j'ai savouré ma bière, les yeux arrachés à l'arbre.
Papeterie à gauche et Tsubaki à droite. Tsubaki comme le grand camélia du Japon qui se dresse à l'entrée, véritable sentinelle chargée de protéger la maison.