La collusion des élites est une collusion de fait, qui n'a nul besoin d'un chef d'orchestre. Les réseaux personnels sont inclus dans un ensemble qui comprend les relations sociales faites institutions comme les cercles, les clubs de golf, certains équipages de vénerie, mais aussi les conseils d'administration et les partis politiques. Tout cela, et bien d'autres structures de relations sociales, dessine une toile d'araignée à la trame complexe mais très solide. Chaque personne apporte à ses relations son propre carnet d'adresses et les liens avec les instances sociales les plus diverses, ce magma quelque peu confus finissant par offrir un espace social puissant et accueillant. Le pouvoir de chacun est ainsi démultiplié par le pouvoir de tous les autres. Le principe de la cooptation, sur la base de la naissance et de l'appartenance à cette caste, donne à chacun l'assurance de la solidarité du milieu. L'intense sociabilité mondaine constitue pour cela une excellente technique sociale, qui entretient avec efficacité le maillage infini du pouvoir. (p. 3)
La vulgarisation se contente de diffuser des résultats de recherche sans se soucier d’applications possibles. La valorisation met la recherche à la disposition de l’action. En fait, pour les sciences sociales les deux notions se superposent : il ne peut y avoir vulgarisation sans valorisation, et toute valorisation suppose une vulgarisation. Car tout savoir produit sur le monde social et porté à la connaissance des agents sociaux transforme ce monde social par la puissance de dévoilement qu’il recèle. Ainsi les drames vécus par les enfants en situation d’échec scolaire, les calvaires familiaux générés par un système d’enseignement qui est avant tout un système d’élimination sociale, seraient vécus avec moins d’intensité dramatique et de culpabilité, dans les catégories populaires, si les conditions réelles de la compétition étaient véritablement connues. Et cette connaissance elle-même serait en mesure de provoquer une exigence sociale de changements, et non l’auto-exclusion des plus démunis qui renoncent à courir dans une compétition où ils pressentent leur échec quasi inéluctable. (p. 117-118)
Le réel est relationnel, et ce n'est qu'en prenant conscience de la position occupée dans ce système de relations, c'est-à-dire du point de vue d'où la recherche va se faire, qu'elle peut atteindre à un minimum d'objectivité, qu'il est possible de passer de la relation causale et de l'explication à la compréhension et de rendre intelligible ce qui, de trop loin, dépasse l'entendement. (p. 171)
On pourra vous planter là, avec votre coupe de champagne, votre interlocuteur ayant profité d'une légère bousculade, d'un mouvement de foule pour s'éclipser en vous laissant avec la fin de votre anecdote. Car ce qui fait la qualité du réseau, c'est son extension, si bien qu'il faut multiplier les liens. Ce qui est échangé c'est du capital social et la richesse des échanges se résume à cela. (p. 64)
Les rapports sociaux sont toujours des rapports de domination, exercés ou subis. La confrontation à l'autre social révèle l'intériorisation profonde de la place occupée par chacun dans la société. (p. 4)
L'émouvant hommage de Monique Pinçon-Charlot à son mari, Michel Pinçon.