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Citations sur Petit précis de mondialisation, tome 1 : Voyages au pay.. (64)

L'âge d'un pays se reconnaît tout de suite au rythme de l'air, une sorte de pouls. Chez nous, il est craintif, paresseux, alangui. La jeunesse du Brésil vous fait sentir la France vieille, si vieille.. Et rien de plus jeune, au Brésil, que cette savane brute, le Mato Grosso: les terres sont à peine défrichées, les villes viennent de surgir du sol. Et les directeurs n'ont pas tout à fait quitté l'adolescence, comme les généraux de Napoléon.
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Nous sommes de courts vivants. L'arbre, né bien avant nous, nous survivra des siècles. Je parle de l'arbre digne de ce nom. Pas l'arbre de pépinière. Lequel vivra moins qu'un homme.
Les directeurs de ces pépinières ne peuvent que s'être déclarés en guerre contre le temps. Ainsi, on croit deux fois triompher de lui : en économisant sur l'enfance et en abrégeant l'arbre.
L'espace est une grandeur simple. Peu ou prou, tous les peuples y livrent bataille de la même manière.
Le temps est une autre affaire. Un pays bien plus retors. Où se révèlent les civilisations.
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Au sortir de Shanghai, le voyageur croyait trouver des rizières ponctuées d'aigrettes, des bosquets de bambous, quelques buffles, au loin, tirés par des enfants, bref, ces paysages qu'on appelle communément « la campagne » et qui reposent l'âme.
Pauvre voyageur !
Quelqu'un lui a volé son Asie éternelle.
Trois cent kilomètres durant, des chantiers vont l'accabler, des grues, des tours, des ponts, des usines, des villes entières flambant neuves, des échangeurs, des rocades et de nouveau des usines, encore et toujours des usines, les unes à peine achevées, les autres cachées derrière des bâches vert sombre et d'autant plus menaçantes.
Et, pour le cas où il n'aurait pas deviné, pauvre voyageur, le rêve chinois, de gigantesques panneaux multicolores lui présentent l'avenir proche, ô combien radieux. Ici une marina lacustre, The Splendid City. Là un parc de loisirs, A Paradise for Children, Les idéogrammes suffisent auraient suffi. Pourquoi ces traductions anglaises sinon pour planter le clou de l'humiliation sur la tête de l'étranger que le décalage horaire, déjà, chamboule ?
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La honte soudain me prend de m'intéresser au coton : lui aussi s'attaque au vert. Éternelle bataille entre les cultures qui nourrissent et celles qui enrichissent (cultures vivrières contre cultures d'exportation).
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Le vrai tissage est le lien qui se développe entre les humains.
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[...] les Chinois ont inventé l'ouvrier idéal. C'est-à-dire l'ouvrier qui coûte encore moins cher que l'absence d'ouvrier.
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Quand cette ritournelle monte vers le ciel, les amateurs de football se réjouissent. Ils savent qu’ils vont assister au plus beau des spectacles, puisque c’est l’équipe brésilienne qui joue. Le drapeau jaune et vert, « ordre de progrès », descend lentement, enroulée autour d’une main. On dirait qu’un oiseau s’est mêlé à la chorale. Il ne se fatigue pas, il pousse un sifflet rauque et continu. Après vérification, ce n’est que la poulie de la drisse qui grince.
Que vaut l’équipe de la Santista dans cette compétition féroce, la coupe mondiale du textile ?
Quelles seront ses chances, au final, contre la Chine ?
Pour être franc, les deux jeunes filles exceptées, celle du blaster et celle du pavillon, le reste des choristes ne chantent que du bout des lèvres, et sur le visage, on lit plus de fatigue que d’exaltation. Mais ils tiennent le garde-à-vous et personne ne ricane. Chacun sait qu’un homme fier de son travail lui donne plus. La fierté est mère de l’énergie.
Bientôt, leurs instruments de mesure s’affinant, les contrôleurs de gestion connaîtront le taux de fierté présent dans le sang de chaque travailleur. Et malheur à celui qui sera déficitaire.
Les nations qu’on pouvait croire dépassées dans notre monde sans frontières ont de beaux jours devant elles : c’est le bon espace pour cultiver la fierté.
Et le stade est une maquette de la nation.
Le lendemain, 23 mai, le Brésil, ce chevalier du marché, grand donneur de leçons libérales au reste du monde, à commencer par les États-Unis, décidait d’élever vertigineusement ses barrières douanières. Son industrie textile – « qui ne craignait personne et surtout pas la Chine » – risquait de mourir à très court terme si on ne la protégeait pas. En quatre mois, les importations de produits textiles chinois s’étaient accrues de cent soixante-dix pour cent.
Ces mesures suffiront-elles ? La plupart des importations chinoises au Brésil sont soit. clandestines, soit sous-facturées. La différence entre l’économie et le football, c’est l’arbitre. Imaginez un match sans arbitre, se déroulant dans l’obscurité, avec un enjeu de vie ou de mort. Qui respecterait les règles ?
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Lépange-sur-Vologne, mille deux cent cinquante habitants.
Patrick Decouvelaere, scientifique de formation, dirige depuis vingt-cinq ans une entreprise de textile qui porte son nom. Il habite sur place. Outre sa société (tissage et teinture, quatre-vingt-cinq employés), il préside le syndicat du textile de l’Est et le pôle de compétitivité « fibre naturelle ». Patrick, la soixantaine chaleureuse, des épaules de rugbyman qu’il balance en marchant (vite), se définit comme un « Israélien» : « Pour moi, la guerre est un état normal. » Dès les années 1970, il faut affronter la rive sud de la Méditerranée et ses bas salaires : Maroc et Tunisie. Certains entrepreneurs choisissent d’y délocaliser leurs productions. Les autres mécanisent et robotisent. L’emploi diminue, mais le niveau de production demeure. Tant bien que mal, on réussit à faire face.
La deuxième guerre débute avec le XXIe siècle. Son ampleur et sa violence ne ressemblent à rien de connu. Cette fois la concurrence vient d’Asie, à commencer par la Chine. Le coût de la main-d’œuvre n’est pas l’essentiel : le textile vosgien s’est modernisé en conséquence, contrairement à la légende qui parle d’installations dépassées. Mais comment se battre contre un yuan sous-évalué ; contre un système bancaire chinois qui «oublie », sur ordre des autorités, de demander le remboursement des prêts ; contre ces mêmes autorités qui font payer presque rien l’énergie ; contre des normes beaucoup plus laxistes en matière de santé ou de protection de l’environnement ; contre les violations manifestes du droit de propriété intellectuelle ; contre les disparités effectives des droits de douane… ?
Résultat : l’emploi continue de baisser. Et la production, à son tour s’effondre. Elle a chuté de quarante pour cent en quatre ans.
Patrick Decouvelaere n’est pas du genre à refuser la compétition. À condition que claires et semblables pour tous soient les règles du jeu.
Gronder n’est pas agir. Que faire?
D’abord « ennoblir », c’est-à-dire donner aux tissus une qualité inconnue des concurrents. Par exemple, en brossant la surface, on va parvenir à des « touchers » délicats : le « peau de pêche », le «pétale de rose »…
Mais le grand espoir de Patrick est le brevet qu’il vient de déposer. KIS : keep it stretch. Une technique secrète qui donne aux tissus des propriétés révolutionnaires. Ainsi traités, le lin et le coton gardent la mémoire de leurs formes antérieures. On a beau les étirer, les chiffonner, ils reviennent à leur état premier. Chacun sait qu’il suffit de regarder le lin pour qu’il se froisse. C’est dire si tous les amoureux de cette matière - dont je suis – attendent avec impatience l’arrivée de vêtements KIS.

Docelles, mille quarante-deux habitants.
Autre petite ville sur la même rivière Vologne.
Son usine à elle est une papeterie créée en… 1478 et aujourd’hui propriété du groupe finlandais UPM.
Spécialité : les enveloppes.
Michel Chakaï, le directeur, chante les louanges de la grande idée nouvelle.
– Le bois, le papier, le textile (principalement le coton) : telles sont les trois activités principales de notre département. Nous nous sommes enfin rendu compte que nous travaillions une même matière, la cellulose. Ainsi est né le pôle de compétitivité fibre naturelle Grand Est. Avec un premier projet : créer avec l’université de Nancy un centre de recherche commun. Les Vosgiens sont gens de vallées, vous savez : nous aimons les compartiments, nous suffire à nous-mêmes. Grâce au pôle, on fait connaissance, on se parle, on échange, on projette. Puisque derrière il y a, les forces, enfin, s’unissent.
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Comme l'aide alimentaire qui concurrençant les paysanneries, porte si souvent en elle les germes des famines futures, le don ruine la production locale. En une étrange complicité, l'industrie chinoise s'alliait à la charité du Nord pour détruire dans l’œuf toute velléité de textile malien.
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Un despote albanais très éclairé; une graine venue on ne sait comment des Barbades; un delta d'Afrique; un botaniste français; un conflit interne à l'Amérique; une industrie du Lancashire ... Qui peut encore croire que la mondialisation est une réalité neuve ? (p.158)
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