Bye bye Iran

Après avoir passé le reste de la nuit sur la plage, nous nous levons aux premières lueurs du jour et prenons la direction de la salle. Nous espérons pouvoir nous reposer quelques heures. À l’intérieur, tout le
monde dort encore et le manque d’aération rend l’atmosphère lourde et irrespirable. Il n’y a rien d’autre à faire que de subir. À chaque fois que le découragement me gagne, je me dis : personne ne t’a invité à venir te
mettre dans cette situation. Tu veux la liberté, tu paies le prix. Tu veux de l’humanisme, tu parcours le chemin qui y mène. Tu veux la civilisation, tu surmontes les difficultés pour l’atteindre. Cette bataille à l’intérieur de moi me soutient et me donne la force de continuer avec l’assurance de meilleurs lendemains.

Il peine à comprendre qu’il s’agit d’une responsabilité commune. Dès
qu’il part, je reprends le balai. Au milieu de la journée, presque tout est
enlevé. On a aussi lavé la salle à grande eau. L’odeur a disparu et les
enfants jouent comme des petits anges dans des espaces agrandis. Il est
temps de prendre une pause déjeuner, de se reposer un peu, puis de
recommencer au début de l’après-midi. Une camionnette chargée de pain
frais apparaît. Le conducteur nous annonce en grec que le pain provient
de sa boulangerie et qu’il espère qu’on l’acceptera.

C’est ainsi que je fais la connaissance de Tony, l’Autrichien qui rompra le sortilège et bravera tous les dangers pour me conduire en Italie. Nous
sortons ensemble des sanitaires. Il sait déjà que je suis iranien.

Il m’invite à prendre un café bien chaud dans son van. Je le suis volontiers. La voiture compte trois places dans l’habitacle, c’est un modèle courant en Iran, utilisé surtout pour les transports de biens ou les déménagements.

Je suis surpris de trouver un petit chien brun assis sagement sur le siège à côté de celui du conducteur. Il contemple tranquillement le paysage autour de lui.

Le cardinal Mateo a 80 ans. Il est très grand. Plus grand que moi. Il doit facilement mesurer un mètre quatre-vingt-dix. Il souffre du coeur et des reins. Il est la main droite du pape Jean-Paul II. La rumeur court qu’en
1999, il était à deux doigts d’être choisi comme pape.

Bref, un personnage important. Tous les jours, vers dix heures du matin, quand l’équipe de médecins et d’infirmières a fini de lui prodiguer des soins, la porte de la chambre s’ouvre pour laisser passer ses innombrables visiteurs venus lui baiser la main.

L’ambulance me conduit à l’hôpital Gemelli, l’un des plus grands hôpitaux d’Italie, géré par le Vatican. Le diagnostic – fibrillation atriale – demande une hospitalisation.

Immédiatement, on me transfère en cardiologie au dernier étage de l’hôpital, précisément là où le pape Jean-Paul II, les cardinaux et tout ce que le Vatican compte comme dignitaires se font soigner. Je n’apprends cela que quelques jours plus tard et je me dis que j’ai de la chance.