Challenge Babelio Solidaires 2022 :
Arto Paasilinna est sur la liste. En cherchant un
Pagnol à la médiathèque, je tombe sur
le Cantique de l'Apocalypse joyeuse. Bof, allons-y, c'est l'occasion...
A ce moment là, je suis convaincue - première erreur ! - que Paasilinna est un auteur sud-américain. Bon, il est scandinave, en fait. La seconde erreur, découlant de la première, est liée à l'image de couverture de mon exemplaire (qui n'est pas celle de la forêt représentée ici mais le toit d'une église rouge vue en contre plongée avec des poissons (?) ou des missiles (?) plein le ciel), j'ai cru que c'était un roman dans le style réalsime merveilleux, à la Cent ans de solitude. Ouf, en fait, rien à voir, c'est une dystopie !
Et comme dans toutes les bonnes dystopies, au début, tout paraît normal, et le glissement se fait subrepticement, presque à l'insu du lecteur, je dirais, même.
Eemeli Toropainen, la quarantaine au début du récit, est appelé au chevet de son richissime et bolchévique grand-père mourant.
Eemeli est divorcé : son mariage avec Henna n'a pas résisté à la faillite de l'entreprise familiale dont il avait hérité. Mais ils sont restés en plus que très bons termes ^^
Le vieil Asser laisse derrière lui une immense fortune, de vastes terres vierges de tout occupant, et une mission étrange pour son descendant : à la tête de la toute neuve Fondation funéraire d'Asser Toropainen, Eemeli est chargé de bâtir... une église ! Et cela ne se fera pas sans mal, et Eemeli aura à faire avec l'état finlandais, d'abord, qui ne lui accordera pas les permis de construire nécessaires alors que le bâtiment est presque terminé. Gloups ! le projet pourra cependant continuer grâce à l'intervention inattendue d'un groupe de jeunes militants écologistes... Pour les remercier, Eemeli les laissera s'installer sur les terres de la Fondation.
Ensuite, c'est le clergé - qui refuse de consacrer l'église, et même la justice qui causeront du souci à Eemeli... Sans parler d'une certaine experte en bonnes manières rencontrée dans un avion...
De fil en aiguille, à mesure que les travaux avancent, sans qu'on l'ait vu venir, une petite communauté prend vie. Puis grandit. Et plus elle grandit, au fil des années, plus la paroisse d'Ukonjärvi s'isole du reste du monde, et ses habitants contemplent les événements en spectateurs, tout occupés qu'ils sont à construire, pêcher, chasser l'élan et faire des réserves de nourriture pour l'hiver...
Côté événements, on est servis aussi ! Tentatives de meurtres, chute du clocher, quelques attaques d'ourses, tentatives de chirurgie de pointe, espionnages, vol de cadavres... Mais où donc
Arto Paasilinna est-il allé chercher tout ça !
L'histoire vaut réellement le détour donc, mais les personnages aussi ! Entre les vaillants jeunes écologistes qui ne savent pas - au départ - tenir une hache, et manquent de mourir dès le premier hiver, la pasteure aux armées Tuirevi Hillikainen, (je l'adore !!!), le chef doleur - et organiste ou espion à ses heures perdues, Severi Horttanainen, les fonctionnaires véreux et les américains criminels, on en croise du beau monde ! Sans parler de l'apprenti menuisier pris de passion pour les cloches et l'ex-femme du patron, ou l'Ange volant, jeune fille échappée d'un asile qui rendra de fiers services à la communauté...
Une lecture très plaisante donc, que j'ai bien appréciée. le seul bémol que j'apporterai - et encore ! - c'est que jamais, à aucun moment on n'a accès aux ressentis, aux pensées intérieures, aux émotions des protagonistes. On reste "dehors" pour ainsi dire. Par exemple, on sait que le chirurgien qui tente à un moment donné un pontage cardiaque est nerveux car il transpire, mais pas parce qu'on nous dit qu'il l'est. du coup, je trouve qu'il manque peut-être de profondeur pour en faire une vraiment très bonne histoire.
Histoire plaisante, personnages pittoresques, et par-dessus le marché, une vraie fin ! Qui est aussi un commencement d'ailleurs.
Comme quoi, décidément, sur un malentendu ça peut marcher !