La France a peur
Je n'avais jamais lu
Hugues Pagan, je le confesse volontiers, moins de polars dans mes envies. Celui-ci m'a attiré et je n'ai pas été déçue, car c'est un véritable roman d'atmosphère comme je les aime.
La France des années soixante-dix y est parfaitement restituée et j'ai immédiatement entendu la voix de
Roger Gicquel (même si l'action se situe vers 1973 et non 1976) : La France a peur.
Schneider est un flic cabossé (retour d'Algérie) qui a préféré revenir dans sa ville natale en province pour diriger un groupe d'enquêteurs criminels.
Paris et la carrière offerte, ce n'est pas pour lui.
Très vite malgré les réticences qui accompagnent sa venue, il démontre son efficacité dans la gestion de ses hommes comme des dossiers.
L'affaire qui domine c'est l'assassinat de Betty,
Elisabeth Hoffmann, 15 ans qui n'est pas rentrée alors qu'elle se rendait à la bibliothèque. Son père déclare sa disparition immédiatement, sûr qu'il lui est arrivé l'indicible. A la suite du décès de sa femme, il a élevé sa fille seule.
La rencontre entre le père et le flic est d'une intensité humaine qui va sous-tendre tout le livre.
Schneider continue à appeler la victime Betty, une façon de retenir sa frimousse de chaton dans le monde des vivants.
Il enquête avec acharnement et va à l'encontre des pratiques de sa hiérarchie lèche-botte des politiques et plus encore.
C'est un homme à femmes, elles lui tournent autour comme les abeilles dans un champ de fleurs.
Pianiste à ses heures, il aime la nuit et cette faune qui y rôde.
Il prend les permanences nocturnes avec le sentiment que c'est là que se jouent toutes les misères du monde.
Il se sent plus proche de ces laissés pour compte que des sommets du monde.
C'est un roman noir, d'une écriture soutenue, tendue jusqu'à l'extrême. le lecteur entend cette musique du désespoir, des vies difficiles, celles qui laissent peu de place aux joies d'une vie aisée.
Cette écriture va être tenue jusqu'au point final.
Hugues Pagan sait brillamment faire remonter le fond dans la forme, son écriture épouse les méandres de l'histoire.
C'est indissociable, la rugosité est là mais la poésie aussi.
C'est un livre que je n'aurai pas mis dans la case Polar.
Une lecture que j'ai particulièrement appréciée.
©Chantal Lafon
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