AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782729109219
Editions de La Différence (02/04/1993)
4/5   2 notes
Résumé :
Pericle Patocchi (1911-1968). Tessinois, de mère italienne, exilé dans la langue française qu'il a élue pour écrire, ses contemporains reconnaissent en Pericle Patocchi un "poète de la transparence". Artisan diamentaire, alliant douleur, doute et patience, il met en lumière le noyau dur des êtres et des choses. Il explore l'autre face du temps, là "où murissent les morts à la lueur des songes". Dans ce français, qu'il ne parle guère, il trace - en "pure perte", écri... >Voir plus
Que lire après L'ennui du bonheur et autres poèmesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Langue de feu

Ce n'est pas tous les jours qu'on fait une rencontre importante.

De ces rencontres qui s'inscrivent en nous comme une marque au fer rouge.

Avant de lire une anthologie poétique de Georges-Emmanuel Clancier, poète limousin, je puis le dire : je ne connaissais rien de Pericle Patocchi ; ni du fait qu'il fut un prodigieux vivant méconnu, et encore moins qu'il était le père d'une oeuvre poétique petite soeur de la foudre.

Depuis, j'ai appris à connaître ce poète d'origine tessinoise qui fut englouti par la lumière en 1968, happé par une mort qui n'a jamais rien pu contre son verbe.

C'est rare de sentir, au fil des mots d'un poète, comme un lien fraternel.

Je le constate : Pericle Patocchi est, pour moi, l'égal d'un frère.

Le lire fut une extase. Ce frère humain m'a aidé à faucher la nuit à mes pieds comme une moisson de ténèbres.

Il m'a appris à faire flamber cette paille noire avec la lumière qui gisait en moi. Cette lumière à l'état de friche, et que je devais rendre à nouveau fertile, en enterrant les cendres du passé pour mieux renaître, pour faire peau neuve.

Sa poésie, recueillie dans "L'Ennui du bonheur et autres poèmes", contenue comme un peu d'eau au creux d'une paume, possède une langue propre incontestable, un frémissement singulier.

Chantre de la disparition, de la si fragile joie et de la fatigue d'exister, sa parole poétique est un psaume de grâce douloureuse, l'éclat d'une âme passionnée, au sens premier de ce terme.

Un grand poète, je le reconnais à sa capacité de transmuer le papier et l'encre des mots en autant de tessons de chair lumineuse.

Pericle Patocchi place un coeur blanc au sein des feuilles ; et dès lors la vie tambourine dans le sein du livre comme la pulsation d'un orage, comme des grains de pluie sur un cerisier en fleur.

Tout autant fauve que berger, Patocchi nous lacère par ses mots et nous guide sur les chemins tortueux du vivre.
Et du "livre" au "vivre", il n'y a qu'un pas ; seule une lettre de différence.

La parole de Pericle Patocchi est une bouche pour nous redonner du souffle, un bâton de pèlerin pour nous épauler l'âme.

Chez ce poète, il y a une langue de feu que la nuit ne pourra jamais engloutir.

À présent, je vais laisser Pericle Patocchi raturer le silence par l'un de ses poèmes intitulé Pure perte :

« Je vous donne mes yeux
jetez-les à vos fleurs,
je vous donne ma voix
pour vos chambres sonores.

Je renais en tombant
de mon haut dans la mer.
Disparu ! Quel poisson
se nourrit de mon coeur ?

Oh, la paix d'être enfoui
quelque part, sans connaître
qui je suis où je vis
dans le feu clair de l'Etre.

Pure perte. Désir
libéré par le chant.
Le passé, l'avenir,
quels beaux vents dans le vent !

Ces paroles ? C'est vous
qui les dites, amis.
J'étais moi, je suis vous
et ma fable est finie. »

© Thibault Marconnet
14/12/2013
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
Commenter  J’apprécie          60
J'ai découvert ce petit recueil sur une étagère poussiéreuse d'un bouquiniste, il y a quelques jours. Je l'ai lu en peu de temps. Patocchi, suisse tessinois, s'est toujours refusé d’écrire en italien, préférant la langue française, qu'il ne parlait que très peu. Situé entre Baudelaire et Quasimodo, avec qui il était ami, ses poèmes mêlent les thèmes de la mort, la souffrance, la condition humaine avec des notions plus liées à la nature et aux mythes antiques. Il en ressort une poésie qui malgré la justesse et la finesse de ses images, m'a semblé manquer parfois de profondeur, restant à la surface des choses. Quoiqu'il en soit, ça reste une très agréable découverte que je recommande vivement.
Commenter  J’apprécie          90

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Exercices d’amour

Sueur d’insomnie
croisée
aux fougères devant l’aube

et le coq enroué du remords

l’instant vacille au faîte
de ma pensée
je sors
de mes souvenirs pardonné


*


L’autre était l’autre le vrai
mon visage sans moi-même
je pouvais le saluer
sans rougir dans le miroir

je le vis même de dos
sur le seuil de la porte
un homme
qui s’acheminait vers le jour


*


A contre-courant du sommeil
je descends l’avenue
l’asphalte
m’ouvre ses pentes de pierre
sous l’averse
les portes
sans lumière
les talons
qui martèlent les trottoirs
m’avertissent que la ville
creuse la nuit


*


Je traverse son rêve elle chante
pendant que je marche
je pleure
tous ses matins oubliés

et me voici à l’entrée
de ses prunelles
je vois
de mes yeux et dans les siens
une rue pleine de gens


*


L’envie de mourir
l’ancienne
pâleur d’une image abolie
je les mords à belles dents
je souris
au vieux soleil quotidien

à qui voit les derniers arbres
s’allumer au fond des rues
la journée
ouvre son ventre qui saigne


*


Une boule d’air t’enroule
et t’enlève à la nuit

le souffle court
le cri
du bouvreuil tire les bois
des prunelles ensevelies
sous les paupières

le pain
est là sur la nappe
pétri
de soleil et de larmes


*


Arpenteur d’une courbe
qui tranche le ciel
tu te dresses et les pierres
sont si lointaines
des plaines
qui s’estompent à tes pieds
tu te penches
là-bas les orties
griffent le bleu

une fille survient
son regard
est à la taille de tes yeux


*


Il visite une feuille
l’esprit
plane au loin sur les eaux

il tournoie vers la lumière
le voulant sans le vouloir

quand il rentre dans ses membres
il s’aperçoit qu’au soleil
une ombre coule
sans arrêt de son corps


*


Tu es entré dans le vacarme
de tous les bruits assemblés
le silence
le beau silence a chanté

à ce moment tu as reconnu
le son du nom qui te nommait

et maintenant tu lèves
ton visage vers ton nom
quel flot t’enlève ?
tu cours
à travers champs délivré
Commenter  J’apprécie          20
Ronde

Dressons-nous dans la mort du soleil.
comme au sein d'une flamme magique !
Les filles qui chantent derrière les vitres
célèbrent le rite
des prairies épousées par le soir.

Pour comprendre le mystère
de nos corps se mouvant dans le noir,
nous allons devenir notre danse
et partir sur des routes pensives.
Commenter  J’apprécie          90
Pure perte

Je vous donne mes yeux
jetez-les à vos fleurs,
je vous donne ma voix
pour vos chambres sonores.

Je renais en tombant
de mon haut dans la mer.
Disparu ! Quel poisson
se nourrit de mon cœur ?

Oh, la paix d’être enfoui
quelque part, sans connaître
qui je suis où je vis
dans le feu clair de l’Être.

Pure perte. Désir
libéré par le chant.
Le passé, l’avenir,
quels beaux vents dans le vent !

Ces paroles ? C’est vous
qui les dites, amis.
J’étais moi, je suis vous
et ma fable est finie.
Commenter  J’apprécie          50
Pour saluer les morts

Ma mère s’avançait
me roulant dans son ventre
remuant ses verdures
la planète virait

je montais vers le jour
par l’étroit corridor
et soudain quels beaux antres
devant moi s’entrouvrirent !

sous la haute futaie
ma mère disparut
mais sa voix m’appelait
dans le cri du coucou

où es-tu ? les torrents
écumaient aux clairières
j’étais là j’apprenais
à leur bruit quelle danse ?

depuis ce temps je sais
que ce qui meurt commence
donc je souris aux morts
en toute confiance

ils sont si doux la terre
pleine de mères mortes
soulève chaque année
toutes ses graines vertes
Commenter  J’apprécie          30
Cimetières

Quand je serai sous les fleurs
il y aura toujours des jardiniers
et le matin des fossoyeurs
silencieux
les cimetières
sont vivants à leur façon

nos fils se meurent
leurs enfants
avec raison nous oublient
mais il y a parmi les tombes
toujours de bons travailleurs
et dans les buissons des mésanges
et dans l’herbe des grillons

nous serons au pied des croix
en fidèle compagnie
Commenter  J’apprécie          40

autres livres classés : poésie suisseVoir plus
Les plus populaires : Jeunesse Voir plus

Lecteurs (9) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1228 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}