Le roman intitulé
Un si petit oiseau de
Marie PAVLENKO a été publié en 2019 aux éditions Flammarion Jeunesse. Il raconte la reconstruction d'Abigaël, suite à un accident de voiture qui lui a valu de lourdes séquelles, la plus visible étant la perte de son bras droit. Celle-ci (âgée de 20 ans) qui se voyait devenir vétérinaire a fait face à ce coup d'arrêt avec beaucoup d'intelligence et de courage. En effet, à peine un an après cet évènement tragique, Abigaël, avec l'aide de ses proches, a repris sa vie en main : nouvel amoureux, nouvelles ambitions universitaires, nouveaux loisirs...
D'abord, j'aimerais dire que j'ai trouvé cet ouvrage difficile à lire. Les phrases sont courtes, mais contiennent des termes compliqués comme ‘lactescent' (qui veut dire laiteux), ‘cramoisi' (dans le contexte du livre, le conducteur cramoisi est en fait rouge de colère), ‘être misogyne' (qui désigne haïr les femmes) ou bien ‘les scories du passé' (qui signifie les mauvaises choses du passé). J'ai également eu du mal avec les nombreux noms d'oiseaux (gypaète barbu, sitelle, nonnette, pouillot, torcol fourmilier, ...) qu'Abigaël et Aurèle aiment tant observer. Je trouve les images tellement plus parlantes. Mais j'admets que la réalité doit être époustouflante, car elle permet de mieux ressentir les choses : l'air, le vent, les couleurs...
Ensuite, concrètement, une fois les difficultés linguistiques dépassées, cette histoire m'a fait comprendre que la vie est précieuse et fragile. Elle ne tient qu'à un fil, parfois juste à un hasard malheureux, à deux minuscules secondes et le destin chavire. Ainsi, si Abigaël, devenu le ‘boulet manchot' avait noué son lacet avant de monter dans la voiture, si elle avait remarqué une fleur, et si elle s'était arrêtée pour la renifler, si elle avait reçu un SMS ou éternué avec un besoin urgent de mouchoir, elle s'en serait sortie indemne avec un ‘plus peur de peur que de mal'. Jamais, il n'y aurait eu d'accident de la route, jamais elle ne se serait fait percuter par cette femme au volant, celle qui beuglait et qui cherchait son chemin sur son téléphone en conduisant.
Enfin, que dire des nombreux personnages du livre. Ils sont tous hauts en couleur ! Elsa, sa mère, qui met sa vie entre parenthèse pour soutenir coûte que coûte Abigaël, Martin, son père, qui préfère faire des blagues pour ne pas pleurer, Millie, sa soeur de 15 ans qui ne trouve plus sa place dans la famille, Coline, sa tante paternelle complètement déjantée, Aurèle, son amoureux de CE2 qui partage sa passion pour les oiseaux avec elle, et qui use de stratagèmes bienveillants pour lui faire retrouver goût à la vie... René, le grand père de Rose, qui a survécu à la guerre 14-18 suite à l'amputation de son bras...
Il y en a bien d'autres, je pourrais continuer à les énumérer, mais je tiens à dire que le personnage principal à savoir Abigaël est vraiment ‘remplie' de courage. Sa résilience (capacité à surmonter les chocs traumatiques) est admirable.
D'abord, elle est anéantie et révoltée (elle écrit ‘avec ses tripes par jets irrépressibles qui soulagent et laissent groggy'. Elle écrit ‘comme on vomit').
Ensuite, elle fait face à sa douleur, ses difficultés pratiques, s'isole volontairement des autres jusqu'au déclic, la réception de trois de
Blaise CENDRARS (lui-même amputé d'un bras comme elle) et son envol vers une nouvelle vie après l'identification de son inconnu
Cendrars (Aurèle) dont elle tombera amoureuse.
Pour conclure, ce livre aborde avec beaucoup de sensibilité, d'humanité et d'humour le combat d'une ‘estropiée' de la vie nommée Abigaël. Au détour d'une rencontre, celle d'Aurèle, cette dernière retrouvera goût à la vie (la passion des oiseaux, l'envie de se réinscrire en faculté, une vie amoureuse comblée) et parviendra à s'accepter telle qu'elle est.
Cette histoire qui montre qu'il y a un avant et un après l'accident, me fait penser au film En équilibre de Denis DERCOURT sorti en 2015. Il s'agit d'une histoire vraie, celle de
Bernard SACHSÉ, un cavalier-cascadeur qui suite à une mauvaise chute à cheval l'a rendu paraplégique. Grâce à sa détermination, il parviendra à remonter en selle seulement quelques mois plus tard.
L'une des scènes fortes du film montre Marc (alias
Bernard SACHSÉ), planté devant Florence (chargée du suivi de son dossier d'assurance accident) dans son fauteuil qui lui dit ‘on fait ce qu'on veut dans la vie'. Ces quelques mots tranchants rappellent vraiment le journal intime d'Abigaël dans lequel est écrit ‘ils (les soldats de 14-18) ont vécus comme ils le voulaient. Pas comme ils le pouvaient'.