Anne Percin ? Je ne connaissais pas.
Le "Groupe des Vingt" ou la famille Boch (grande famille d'artistes s'il en est), non plus.
Van Gogh, Gauguin, Toulouse-Lautrec et consor, à peine.
En gros je ne connaissais rien (bouh la honte !), et sans la "lecture imposée" d'un roman épistolaire - genre qui a priori ne m'attire pas plus que ça... - dans le cadre d'un petit challenge entre amis (salutations à vous, amis !) combinée à d'élogieuses critiques sur Babelio, ce livre n'aurait certainement jamais attéri sur ma table de chevet.
C'eût été dommage.
D'abord parce qu'il est bon parfois de "changer un peu d'air" ... surtout quand, comme ici, il s'agit d'air breton !
Ensuite parce cet échange de courriers entre Hugo Bloch (un peintre belge en villégiature dans le Finistère), sa cousine Hazel et son vieux copain Tobias fourmille d'anecdotes aussi divertissantes qu'instructives, et qu'il nous plonge tout en douceur dans la joyeuse fièvre artistique des années 1890.
Et puis enfin, bien sûr, parce l'écriture d'
Anne Percin, pleine de fraîcheur et de finesse, mérite vraiment tout le bien qu'on m'en a dit.
Ah, quel plaisir de s'immiscer dans cette correspondance !
Evidemment, c'est bien de peinture qu'il s'agit avant tout, et chaque courrier regorge de considérations artistiques et picturales (commentaires sur les derniers procédés créatifs, le choix des sujets, le rapport au vivant, la maîtrise des couleurs et de la lumière, les différents courants esthétiques en vogue à la fin du XIXème siècle), mais derrière le cours d'histoire de l'art, un peu austère à première vue, se cache en fait un délicieux voyage dans le temps et le reflet (probablement) fidèle d'une époque pleine de promesses et d'effervescence culturelle, technique et sociale.
Souvent les petites histoires rejoignent la grande, et au détour d'une lettre, d'une conversation, le lecteur apprend qu'une immense tour de fer est en pleine construction en face du Trocadero ("du métal et des boulons, et ça ne doit servir à rien : n'est pas tout à fait charmant ?"), qu'un mystèrieux tueur éventre des jeunes femmes à Londres, qu'un certain
Maupassant défraie la chronique à Paris et qu'un art mineur, nommé "photographie", commence à faire des adeptes qui tous s'équipent d'appareils étranges ("Pas plus que leurs inventeurs, nous ne pouvons prévoir quel sera l'avenir de ces babioles. L'important pour eux c'est d'innover, même si ça ne sert à rien").
Hugo le premier, depuis sa pension de Pont-Aven, délaisse peu à peu la peinture pour se tourner vers la photo, au grand dam de ses parents. Un regard neuf, une approche nouvelle mais une même soif d'Art absolu, celui qui "justifie d'être venu au monde". Dans son abondante correspondance avec Hazel et Tobias, il continue évidemment d'évoquer avec fougue et enthousiasme les grands peintres réunis autour de lui à Pont-Aven, et la frénétique émulation qui règne entre naturalistes, impressionnistes, symbolistes, pointillistes et autres synthétistes.
Bien vite, une figure émerge du lot : celle de l'impétueux Gauguin, bohème et grand coureur de jupons, qui dynamite les codes et la petite communauté d'artistes.
Les réponses que lui adressent Hazel et Tobias sont tout aussi passionnées et passionnantes, pleine d'humour (tous deux ont un caractère bien trempé !) et d'amitié sincère. Hazel en particulier m'a fait forte impression et m'a plus d'une fois régalé par son indépendance farouche, son féminisme d'avant-garde, son ambition et son énergie débordante.
Voilà un trio vraiment épatant !
Ah qu'il est loin le temps béni des prolifiques correspondances épistolaires, pleines de charme et d'intelligence ! Reconnaissez que c'été qd mm otre chose ke les sms et les "kikou sa va" des réseaux sociaux ! ... Houlà, serais-je en train de virer réac ?
Je retourne prendre mes cachets.
Bonsoir.