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DETROIT est le coeur du roman, articulé autour de la vie de plusieurs personnages sur différentes périodes de l'histoire.
DETROIT - ville capitale du Michigan, que racisme et violence ont poussé à la déconstruction.

C'est un roman dense et puissant, politico-socio-historique.
Mélancolie et nostalgie transparaissent ainsi que des messages plus forts.
C'est l'ascension et la chute d'une ville américaine. « Les hommes se sont effondrés avec la ville ».

La ville raconte son histoire, du chaos au renouveau.
Evolution, crises et déclin.
« Etrange comme une simple maison, sans même qu'il soit nécessaire d'ouvrir sa porte, laisse entrevoir deux siècles écoulés ».

Lueurs d'espoir aux rythmes de la soul music et visages d'une Amérique désenchantée, désorientée.
« Detroit a le syndrome de l'abandon ».

Ancien fleuron de l'industrie automobile initiée par Henry Ford, la ville fut le symbole de l'Art Déco, le Detroit Institute of Arts et sa fresque peinte par Diego Rivera, le berceau de la musique soul – Diana Ross et les Supremes, Marvin Gaye, Aretha Franklin, Stevie Wonder, Chuck Berry et tant d'autres, et du label Motown.
La soul music a laissé place à un autre refrain qui résonne : « Bankrupcy » ; signifie-t' il la fin ou les prémices d'un renouveau ?

De capitale de l'industrie automobile Detroit devient capitale des villes en déclin « shrinking-cities ».
« On dit souvent qu'à Detroit le bruit de l'industrie a influencé la musique ».

Fondée en 1701 par un français, boom industriel première moitié du XXème avec la fameuse visite de la First Lady Eleanor Roosevelt – construction d'ensembles immobiliers tels que l'emblématique Brewster Douglass Project, l'autoroute… puis déclin économique, fermetures d'usines – fin d'un modèle.
L'épopée industrielle et fructueuse a laissé place au vide, à la décrépitude, et au vent.

Victime de la ségrégation raciale, économique, immobilière.
Scène d'embrasement, de rébellion des hommes, de combustion, de gens désoeuvrés.

En 2013, Detroit est une ville qui a coulé sous le poids de sa dette, aggravée par un contexte économique difficile, crise des subprimes, crise financière. Engluée dans une spirale infernale d'endettement, elle se déclare en faillite.
Ville en ruines, terrains vagues, usines désaffectées, repères de squatteurs – dealers – délinquance - prostitution - espaces architecturaux éventrés. « Ghost City ».
Avec un taux de criminalité en hausse de 500%, Detroit fut l'inspiratrice de productions hollywoodiennes, tant de films avec ses « flics de Detroit », « gang de Detroit ».
« Cet après-midi encore, je me suis assis en face d'un suspect, je lui ai demandé ce qu'il faisait pour gagner sa vie. Je tue. Voilà ce qu'il m'a dit ».

Aujourd'hui DETROIT tente de se construire un nouveau destin et essaie de renaître de ses cendres telles un phoenix. Combativité et résilience de ses habitants impulsent un esprit créatif de renouveau, de modernité.

Le Pygargue à tête blanche. Emblème des USA.
« S'il a laissé un nid dans le Project, il n'y sera plus à son retour. Pauvre rapace, devenu le symbole du racisme congénital de ce pays. Il s'en fout. Son royaume, c'est le ciel ».
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Un titre à la Richard Powers qui rappelle « du temps où nous chantions » la comparaison toutefois s'arrête là, les objectifs de narration des deux auteurs ne sont pas les mêmes et c'est peut-être là, sur la question de l'objectif que pêche le livre de Judith Perrignon malgré ses qualités certaines. « Là où nous dansions » se présente comme un roman et le titre trahit bien son intention première, le personnage principal n'est ni un homme ni une femme, ni une famille, même si les uns et les autres n'en sont pas absents. C'est Détroit qui tient la vedette, ville symbole du capitalisme industriel à son apogée autour des usines métallurgiques et de l'industrie automobile. Ville magnifiquement représentée par Diego Rivera sur la fresque murale qu'il réalise dans les années 30 au sein du Detroit Institute of Art, la commande vient de la famille Ford, il l'exécute dans une parodie de l'enfer de Dante, pour suggérer l'industrie qui écrase et piétine. Une fresque gigantesque au pouvoir évocateur tellement fort que les écrivains s'en saisissent, Judith Perrignon n'est pas la première à le faire, Richard Powers, (encore lui) fait démarrer son récit devant elle dans « trois fermiers s'en vont au bal »
du martyre suggéré dans la fresque à la réalité de la catastrophe, il suffira de deux décennies. Les usines ferment, la ville décline comme toutes les villes américaines les étapes inexorables de la désindustrialisation, de la paupérisation du centre-ville jusqu'à l'exclusion de ses habitants pauvres, noirs comme ils se doit, rejetés en marge pour que les terrains ressuscitent à prix d'or sans eux. Détroit vit ce scénario jusqu'à la banqueroute, elle vit désormais sous contrôle, la vie démocratique y est exsangue. Tout est symbole dans l'histoire de Détroit, à commencer par le Brewster Project, planifié au temps du New Deal et des bons sentiments. Les bons sentiments ont toujours leur revers, les logements simples et dignes du Project n'ont-ils que l'humanisme comme étoile ? et ceux qui emménagent dans ses tours se posent déjà la question tout en acclamant Mme Roosevelt ambassadrice du projet, les deux visages de l'Amérique en somme. le propos de Judith Perrignon est tout entier centré sur cet espoir des débuts du Project et l'inexorables descente aux enfers qui accompagne son histoire. Elle met en scène la violence des hommes, née de la violence du système : « Après le chaos du capitalisme, il y a encore le capitalisme, lâche Jeff, laconique » (p322). le récit de l'auteur remonte le temps, à partir de la carcasse vide du Project en 2013 et le cadavre de ce jeune homme qui y est alors découvert, jusqu'à ses heures de gloire. La gloire est toutefois relative, s'attachant surtout à la naissance des tours, prenant forme ensuite dans la force de vie de ses habitants, sensible et vibrante dans leurs talents de musiciens, de chanteurs. Judith Perrignon fait revivre le souvenir des Suprêmes, trois filles du Project, avec elle, Stevie Wonder et bien d'autres, les studios Motown, l'espoir prenait forme en musique. Les personnages du roman sont entièrement déterminés par ce passé qu'ils portent dans leur vie et leurs souvenirs, au fil de la narration, les temps d'espoir, les temps de lutte se mêlent, l'histoire de Détroit prend forme. Récit incontestablement attachant mais qui perd de sa force par sa volonté trop démonstrative, les personnages n'ont de vie que pour faire revivre le passé, ou s'il s'agit du présent de l'attacher fortement à hier. Les personnages perdent ainsi en vérité, en profondeur, l'histoire finit par les asphyxier un peu. Malgré cette réserve, la lecture est vivante et permet d'approcher outre l'histoire de Détroit, celle des noirs américains, des luttes, des années 30 aux émeutes raciales des années 60. le lecteur ne s'ennuie pas et apprend beaucoup.
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Dans son nouveau roman Là où nous dansions, Judith Perrignon raconte l'histoire des premiers logements sociaux pour les noirs aux États-Unis à partir de la vie de ses habitants. C'est l'occasion pour elle de questionner « le rêve américain » mais aussi ses démons avec la ségrégation raciale, la violence et les conditions de travail.
Lorsque le roman commence, le Brewter Project, cet ensemble d'immeubles ayant accueilli des noirs pour la première fois dans des logements de confort, est entrain d'être démoli. Un ancien habitant, Ira, un flic couvert de succès, y a vécu et commence à raconter ses souvenirs.
Le 9 septembre 1935, Éléonore Roosevelt arrive à Détroit avec le train présidentiel pour annoncer le financement d'un plan de logements publics pour les noirs de la ville. Elle parle à une petite fille, qui sera un des personnages récurrents de ce roman.
En 2013 est retrouvé un corps dans un des immeubles avec une balle sous l'oeil. Sarah, la légiste, cherche à lui donner une identité. Mais « Frat Boy », comme elle le surnomme, va garder encore longtemps ses mystères.
Le deuxième fil de ce roman, qui en compte plusieurs, est l'histoire de la musique américaine noire à travers la maison de disques Mottow de Berry Gordy qui a puisé ses chanteurs(es) au coeur du Brewter Project. Ainsi, il y a eu les Supremes, trois filles qui s'essayèrent à la chanson. On découvrira bien plus tard que l'une aura son heure de gloire solo dans les années 60.
Par petites touches, la petite histoire dans la grande
Chaque chapitre raconte un événement historique précis en suivant une galerie de personnages ayant tous un lien avec ces immeubles.
Des années cinquante jusqu'à la décennie 2010 en passant par les années 60, c'est ainsi toute l'histoire d'une ville qui est marquée par l'idéologie « donner à chacun un emploi, une voiture et une maison ». Sauf que pour la communauté noire, plus précaire déjà, plus stigmatisée aussi et même racialisée, le rêve les a laissé sur le côté.
En prenant la ville de Détroit comme personnage à part entière, Judith Perrignon raconte la violence économique, le ravage du profit et le racisme ordinaire. Ville typiquement américaine, elle est décrite avec les autoroutes omniprésentes, l'absence de transport en commun, les barres d'immeubles usées et délabrées et les espaces de maisons individuelles immenses, sans fin, comme une toile d'araignée qui ne semble ne s'arrêter jamais !
En tant que journaliste de talent, Judith Perrignon documente son roman d'une foule de détails historiques sans jamais lasser. Son écriture est fouillée et précise pour rendre compte de la complexité du sujet mais élargir à l'universel.
Et puis, ce livre est un poignant hommage à un artiste français du street-Art, ­Bilal Berreni. Mais là je préfère ne rien en dire !
Son roman est un voyage au coeur de sujets encore brulants d'actualité mais aussi au coeur d'une poésie humaniste au style accessible, visuel mais exigeant, malgré quelques longueurs.
En racontant les quatre saisons d'une année entière à chercher l'identité de « Frat boy », un jeune retrouvé assassiné dans les immeubles mythiques de Détroit, Judith Perrignon dresse une histoire du quotidien de la communauté noire des années 50 à presque nos jours. Cette ville est un modèle de l'histoire américaine si particulière qui est passée d'un modèle économique libéral flamboyant à une faillite inédite. Et Là où nous dansions en dresse un portrait complexe et fouillé. A recommander !
https://vagabondageautourdesoi.com/2021/02/24/judith-perrignon-la-ou-nous-dansions/
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Biographie de Detroit par le biais de ses figures emblématiques. Résumé comme cela, ce roman peut paraître rebutant. C'est tout le contraire.
Il y a dans cette oeuvre toute la force du romanesque et la justesse du documentaire. On y entend, dans une symphonie parfaitement orchestrée, l'euphorie des années glorieuses de l'industrie automobile, la vitalité débridée des tubes musicaux de la Motown, l'espoir portés par les luttes politiques, mais aussi la violence économique, les émeutes racistes pour finir par sombrer des suites d'une banqueroute collective. Alors, l'on voit arriver de nouveaux rapaces qui tentent de dépouiller ce qui peut l'être encore.
Tour à tour poétique et joyeux, âpre et dur comme de l'acier, «Là où nous dansions » est une oeuvre accomplie qui, par le foisonnement de sa forme, rend le plus bel des hommages à son sujet.
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Très beau livre sur la ville de Détroit et ses habitants d'hier et d'aujourd'hui.
On y croise Stevie Wonder, les Suprêmes et Diana Ross, Aretha Franklin et son père et des dizaines d'inconnus qui ont fait de Détroit cette ville industrielle, peuplée de noirs qui avaient espérés une vie meilleure loin du Mississipi.
Le fil conducteur de ce récit est la découverte d'un jeune blanc assassiné dans Brewster Douglass Project, une tour en cours de démolition voulue par madame Roosevelt pour y loger décemment les travailleurs noirs. de l'enquête menée par deux flics Sarah et Ira, on découvre le Détroit d'hier avec ses espérances, ses joies, les familles solidaires, les artistes connus aujourd'hui mais en herbe à cette époque et le Détroit d'aujourd'hui en banqueroute, en démolition où le crime est devenu légion et le remord absent.
Une belle écriture, de la poésie, du rythme font de ce roman un bel hommage à tous ceux qui ont vécu dans ce quartier aujourd'hui détruit.
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De l'auteure, je n'ai lu que deux autres romans qui m'avaient passionnés. Je me faisais une joie de lire celui-ci.
Je me suis accrochée jusqu'à la moitié du livre, mais force m'a été de constater que je n'accrochais pas : ni aux personnages, ni aux situations, si à cet immeuble.
Même l'enquête sur Frat Boy ne m'a pas permis de m'accrocher au roman.
J'ai trouvé la plume très scolaire, comme si l'auteure avait fait un exercice sur un sujet imposé.
Certes, j'ai appris que Diana Ross était né dans ce quartier, que la première dame Roosevelt est à l'origine de sa création. Rien de bien passionnant.
Malgré les titres de musique, je n'ai pas eu envie de chanter ou de danser pendant ma lecture.
Quelle déception pour moi.
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Sarah et Ira, deux flics de Détroit. La première a grandi en banlieue avant de trouver sa place en ville, le second habitait au sein du Brewster Project, grand projet de logements résidentiels initié en 1935 par Eleanor Roosevelt, qui accueillit une grande partie de la population noire ouvrière de Détroit – celle qui s'épuisera dans les usines Chrysler –, avant d'être détruite entre 2013 et 2014. À travers ces deux personnages, et les ancêtres d'Ira, c'est tout un pan de l'histoire noire américaine que Judith Perrignon explore – le Brewster Project a vu naître Diana Ross et les Supremes, la famille de Stevie Wonder y habitait. "Là où nous dansions" trouve un équilibre précieux entre romanesque et documentaire. Derrière chaque ligne, on sent le travail d'enquête, le temps passé sur le terrain, les interviews des habitants, et de celles et ceux qui serviront de canevas aux personnages du roman. En cela, l'approche de Judith Perrignon rappelle celle de David Simon sur "The Wire" et plus particulièrement sur "Treme" : on y ressent la même nécessité de faire jaillir sur un même plan l'histoire de la ville et les liens émotionnels, parfois contradictoires, que ses habitants entretiennent avec elle. Une ville et des habitants malmenés par le racisme, par les crises économiques, qui essayent de tenir bon, malgré l'injustice. Intense, passionnant et nécessaire.
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▶️Detroit, 2013 ; la ville est en banqueroute, gangrenée par la misère, le racisme et la violence : “Un épais brouillard était tombé sur nous, ville noire, pauvre, criminelle et corrompue”.
▶️C'est Ira, flic d'exception, qui nous raconte l'histoire de sa ville et du Brewster Project, quartier où il a grandi et qui aujourd'hui, est en cours de démolition...
▶️1935, Eleanor Roosevelt, 1ère dame des États-Unis, annonce le lancement du Brewster Project, un programme ambitieux de logements sociaux à destination des familles pauvres, noires essentiellement et travaillant pour Ford, Chrysler et l'industrie lourde - après la crise de 29, Détroit est alors en plein essor économique...
▶️1960 ; le Brewster Project devient le berceau de la culture musicale afro-américaine d'où vont éclore les étoiles de la Motown, The Supremes, Diana Ross et le tout jeune Stevie Wonder, bien d'autres encore...
▶️Mais au fil des décennies, la cité radieuse devient un ghetto - prostitution, gangs criminels, trafic de drogue : "Ils nous ont parqués là pour qu'on aille pas ailleurs, les Roosevelt. Mais dis-toi bien que quand ils te sortent d'un taudis et t'installent dans une cité toute neuve, c'est le prochain taudis, et ça ne va pas prendre longtemps!"
▶️Un roman choral, musical, historique aussi ; au travers des destins individuels des personnages principaux et des stars en devenir de la Motown, c'est d'abord le récit d'un quartier "rongé par la misère qu'il était censé éradiquer" et au delà, de toute l'histoire de Détroit, hier porteuse d'espoirs, puis dévastée par la pauvreté, la violence et la ségrégation économique et immobilière...
▶️Un récit précis, fouillé, remarquablement documenté, qui alterne les voix de personnages cabossés par la vie, certains amers , d'autres idéalistes et résiliants - tous attachants - qui croise les époques et les regards pour dire les désillusions d'une cité rêvée et déchue - un roman immersif, musical et vibrant ; passionnant - coup de coeur !..

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Il m 'a bien fallu un mois pour décanter tant ce récit (ces récits ) est dense ,vivant, prenant .
Comment Détroit, ville phare de l'industrie américaine ,berceau de l'automobile au XXème siècle (et de l' armement lourd durant les années 40 ) connut la prospérité avant de voir son tissu social se déliter pour ressembler à un champ de ruines .
Dit comme cela ,d'un trait lapidaire, c'est survoler la question .
Entrer comme le fait Judith Perrignon dans le tissu social de cette cité ,sentir battre la vie de ce quartier ,voulu par le gouvernement du Président Roosevelt et porté par sa très politique (et médiatique) épouse donne la mesure de la "question noire" aux Etats Unis
Hier (mais qu 'en est-il présentement* ) pour un Afro Américain ,émigré intérieur monté du Deep South vers le nord pour améliorer ses conditions de vie ,assurer l'avenir de ses enfants ,l'espoir était à Détroit ,Chicago ou Milwaukee,au nord...
Au fil des pages,on suit une trame policière en bas-bruit ,on partage les rêves des vedettes de la Motown (la ville moteur) on perçoit les tensions montant entre les classes sociales bien que les Blancs (WASP) soient assez discrets en ces quartiers .

Voilà un livre éminemment politique qui, mine de rien ,vous fait ressentir le malaise prégnant au sein des communautés noires considérées pour leur seul potentiel productif.
Pour évoquer le style : très agréable et naturel ,dialogues justes, descriptions fines et poétiques.
Une radiographie en couleurs des USA de cette glorieuse époque.
Un seul regret (de taille à mes yeux ) elle n'évoque pas l'existence et le poids de Bob SEGER auteur, chanteur rocker au talent mal connu qui fit lui aussi un portrait juste de la condition ouvrière lors de ce boom industriel d'avant le néo libéralisme qui transféra
l'industrie vers l Asie ,faisant de la Chine l'atelier du monde .
* Assassinat de George Floyd en 2020.
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Detroit, 2013. Un corps est découvert au pied de l'une des tours abandonnées du Brewster Project. Un jeune homme assassiné à l'identité inconnue. Il n'est qu'une victime de plus au milieu d'une ville fantôme, ce qui reste d'un rêve qui a viré au cauchemar.

1935 à Detroit, le lancement de la construction du Brewster Project par Eleanor Roosevelt est l'aboutissement d'un projet de construction de logements résidentiels d'envergure. Construits entre 1935 et 1955 ces immeubles ont été le berceau de quelques stars de la Motown des années 70 dont Diana Ross. Mais au fil des années le rêve s'est envolé, l'économie s'est effondrée comme la ville qui n'abrite plus que de rares habitants qui s'accrochent à leurs souvenirs ou qui n'ont nulle part d'autre où aller.

Judith Perrignon nous livre la chronique amère d'une ville qui a cru en son destin et pour qui tout s'effondre et laisse la place à la précarité et à la violence.

Il y a là Ira, enfant de Detroit devenu policier. Archie, son oncle qui voit son monde disparaître et qui essaie d'entretenir les souvenirs d'un temps où les enfants jouaient en bas des tours et où les junkies n'avaient pas encore envahi les décombres des immeubles. Sarah, médecin légiste, qui cherche à redonner une identité à ce jeune homme inconnu qui s'est fait tuer au coeur de cette ville perdue. Et puis, par un effet de miroir, l'auteure nous raconte la vie dans les années 60, celle de la mère d'Ira notamment. Un temps où tous croyaient à un avenir plus radieux. A un futur où les filles des voisins devenaient les Supremes et rencontraient un succès qui rejaillissait sur tous. Avant que le chômage, avant que la prison, viennent mettent un terme à ces rêves. Avant que l'état ne décide de rayer de la carte ces tours chargées d'histoires et de vies anonymes.

On sent la patte de la journaliste dans ce livre qui, s'il est un roman, n'en est pas moins très documenté, très vivant. Judith Perrignon nous immerge totalement dans la vie, dans les vies de cette ville et de ceux qui l'ont habité ou qui y vivent encore. Elle nous invite à partager leur désarroi face à la déliquescence de leur monde. Elle nous plonge dans ce monde d'hier, porté par l'énergie de l'industrialisation et de l'essor de l'automobile avant de sombrer, emporté par la crise. Et c'est alors une ville en faillite, détruite qui émerge. Judith Perrignon nous raconte aussi l'exploitation des hommes par une économie qui prend et qui broie, la spéculation qui gangrène tout autour d'elle, la peur qui s'infiltre toujours plus présente de jour en jour, la violence qui naît du désespoir et au milieu de ce chaos des vies qui subsistent, qui cherchent à faire durer un peu du rêve américain ou à ce que la mémoire ne meurt pas.

C'est un magnifique roman dont tous les personnages sont attachants et qu'on ferme avec regret. Un récit, il me semble, assez véridique de ce qu'a pu être la vie de la communauté noire de Detroit et ce qu'elle est encore aujourd'hui.
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