L'écran rouge. Syndicalisme et cinéma de Gabin à Belmondo a agi sur moi comme une madeleine de Proust façon casse-dalle à Boulogne Billancourt. L'écran rouge, je suis tombée dans son chaudron quand j'étais petite via ma grand-mère communiste, fidèle lectrice de L'Humanité, de la Vie Ouvrière et d'Antoinette, qui en dehors du Parti, avait une autre passion, le cinéma. En plus de devoir taper sur une vieille machine à écrire les compte-rendus de ses réunions syndicales, il fallait que je l'accompagne dans les festivals et les soirées Ciné-Club où l'on projetait avant débat ses films favoris, des vieux films français engagés qui mettaient en scène la vie des gens modestes et des ouvriers, et des films soviétiques, bien sûr. J'ai du voir son idole absolue Gérard Philippe, qui lui avait dédicacé une photo au cours d'un congrès du Parti dans TOUS ses films, pareil pour Simone (Signoret, mais plus Montand, le traître), sans compter Quand passent les cigognes ou Soy Cuba en russe sous-titré alors que j'aurais préféré aller voir Le grand bleu comme tout le monde…Enfin bref, avec le recul, je la remercie de m'avoir donné cette éducation très personnelle qui m'aura permis de passer mes dimanche soir à ses côtés devant l'émission Cinéma de minuit au lieu d'aller au lit comme les autres mioches, de lire Soljénitsyne et Koestler pour l'emmerder et de savoir en lui faisant la lecture de L'Huma que l'histoire sociale était aussi passée par le Grand Ecran.
C'est donc avec nostalgie que j'ai lu les textes consacrés à La bataille du rail, à La bête humaine, à Toni et bien d'autres.
Dans L'écran rouge préfacé par Costa-Gavras, le lecteur parcourt vingt années d'une histoire du cinéma méconnue ou oubliée. Le cinéma français, ce ne sont pas juste des festivals au rayonnement international, un système de financement unique, des écoles prestigieuses, mais ce sont aussi des combats, des sacrifices, des postures militantes courageuses dans des périodes où défendre ses droits vous valait le peloton d'exécution ou un aller simple vers les camps de l'Est. Impossible de résumer ici la quarantaine de textes qui, du Front Populaire aux mouvements des années 50 pour la défense du cinéma hexagonal, retracent les combats contre les injustices sociales, la xénophobie, le nazisme, et la censure. L'exception culturelle française a aussi été syndicale. Combats des techniciens du cinéma pour obtenir des conventions collectives, films d'auteur pour montrer au public la vie dans les usines, pédagogie militante, documentaires sur les ouvriers grévistes, résistance des petites mains et des grands noms du Septième Art pendant la guerre, projets financés par une souscription de la C.G.T. (La Marseillaise de Renoir), valorisation des acquis de la Libération … L'écran rouge vous dit tout sur les combats syndicaux jusqu'à l'année 1959, au cours de laquelle Malraux rattache le CNC au nouveau Ministère de la culture.
Je remercie les Editions de l'Atelier pour l'envoi de ce beau livre illustré reçu dans le cadre de l'Opération Masse critique, qui m'a donné une furieuse envie de mettre la main sur un film de Jean Epstein intitulé Les bâtisseurs, et qui nous pousse à nous interroger sur la représentation du monde ouvrier dans le cinéma d'aujourd'hui. Où sont-ils?
N.B: Je mets en ligne un petit quiz intitulé Ouvriers au cinéma, d'après les films mentionnés par l'ouvrage, pour les joueurs. (sur ma page, rubrique "quiz")
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Pendant l'Occupation, les acteurs et actrices du cinéma français furent des cibles de choix pour les services allemands de propagande. A leurs dépens ou non, ils ont joué un rôle de séduction de l'opinion, tant par les films que par l'utilisation de leur image dans les médias de masse de l'époque. Si, au moment de l"épuration, les jugements se sont concentrés sur la participation à des productions de la Continental Films, cette société franco-allemande ne fut toutefois pas le seul instrument de la mainmise de l'Occupant sur le cinéma français. Les parcours d'Harry Baur et de Danielle Darrieux illustrent la diversité des sollicitations et des pressions des autorités allemandes sur les comédiens. Âgés respectivement de 23 et 60 ans en 1940, Danielle Darrieux et Harry Baur n'eurent pas l'occasion de partager l'affiche d'un film à cette période. Outre les événements mondains, c'est en mars 1942, au cours d'un voyage en Allemagne des artistes cinématographiques français, qu'ils eurent l'occasion de se rencontrer.
Le passage dans un ciné-club conduit selon Jean Delannoy à donner au public les moyens de choisir les " bons " films et d'apprendre à les apprécier afin de développer son " bon goût cinématographique ".
Pour les représentants du mouvement ciné-club, l'imprévisible succès populaire des films de la Nouvelle Vague en sera la preuve éclatante. Ils peuvent de plus s'enorgueillir d'avoir montré certains chef-d'oeuvre du Front populaire, revendiquer la redécouverte de l'oeuvre de Jean Vigo ou participer à la diffusion de certaines cinématographies telles que le néoréalisme italien.
Le Front populaire fut une période heureuse et fructueuse pour Robert Desnos.
Il participe à la vie de la maison de la culture dirigée par Aragon, milite pour l'Espagne, écrit des lyrics et des cantates pour les organisations du Front populaire, des chroniques de disques pour la revue " Commune"...
Le 24 juin 1937, il anime le Grand festival de la jeunesse présidé par Léo Lagrange et écrit pour le film " Les Bâtisseurs " : l'Hymne au travail.
Personnage romanesque, André Colomer a notamment exercé une forte influence sur le jeune Léo Malet, qui le rencontre à son arrivée à Paris, au milieu des années 1920, au foyer végétalien de la rue de Tolbiac, refuge anarchiste que le romancier met en scène dans Brouillard au pont de Tolbiac et Le soleil n'est pas pour nous (il donne aussi à l'un des personnages de 120, rue de la Gare, le nom de Colomer).
Les morts tragiques de Jean Gabin dans les fictions de l'époque - jusqu'au suicide de l'ouvrier métallo François dans Le jour se lève (1939) - illustrent la fin du Front Populaire tandis que les bombes franquistes, italiennes et allemandes qui s'abattent sur l'Espagne annoncent la guerre qui se profile.