Net Force, tome 1 : Un jeu très meurtrier

La machine était censée stimuler vos muscles trois ou quatre fois par heure, pour entretenir des contractions ; mais parfois, ces mouvements de routine ne suffisaient pas à éliminer l’excès d’acide lactique amassé dans les grosses fibres musculaires à cause du stress. Raison pour laquelle les joueurs impénitents avaient tendance à pratiquer les haltères et la gymnastique à un rythme régulier : le stéréotype du pratiquant assidu de RV était peut-être mou et malingre, mais les joueurs de Sarxos tendaient au contraire à avoir une forme physique assez étonnante. Il n’était pas question de faire campagne pour réussir à se gagner un royaume si votre corps n’était pas capable de soutenir l’effort du jeu…

En artisan attentif et minutieux, le créateur du jeu avait trop bien fait son travail pour qu’on s’autorise par une aussi facile pirouette à en esquiver les conséquences. L’air aurait dû embaumer la proximité du couchant ; ce n’était pas le cas. Certes, il y aurait par la suite grande célébration de la victoire de Shel, dès son retour à Minsar, une imposante réunion pour féliciter les héros qui y avaient contribué, les bannières flotteraient, on emboucherait les trompettes et les bardes chanteraient leurs louanges… mais pas ici. Ici, nulle autre force que celle de la Nature ne parviendrait à nettoyer ces lieux, et encore lui faudrait-il plusieurs mois.

Et même quand l’herbe aurait reverdi et les marguerites rouvert leurs corolles, les moutons broutant ces pâturages contourneraient encore pendant plusieurs années, épées rouillées, têtes de flèches, os et crânes couverts de tavelures.
Du moins l’herbe serait-elle de meilleure qualité, et plus vigoureuse, venu l’été suivant. Le sang faisait un engrais prodigieux…

L’épée que les gens d’ici appelaient Ululator (ou Hurleuse) avait méchante réputation, et elle était fort connue pour sa capacité à protéger son maître sans qu’il ait même à la tenir. Bien rares étaient ceux qui avaient entendu le cri d’Ululator et survécu pour en parler.

Beaux atours, bonne chère, exhibition d’un riche butin pour les vainqueurs ; humiliation rituelle pour les vaincus… la routine. Des cordes autour du cou et le bon peuple leur jetant des os de bœuf et des osselets de porc…