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Citations sur Le gardeur de troupeaux (66)

Et Il ne nous donnera plus rien parce que nous en donner plus serait nous en retirer.
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XXV

Les bulles de savon que cet enfant
s’amuse à lâcher au bout d’une paille
sont dans leur transparence toute une philosophie.
Claires, inutiles, et provisoires comme la Nature.
amies des yeux comme des choses,
elles sont ce qu’elles sont
avec une précision rondelette et aérienne,
et personne, pas même l’enfant quand il cesse de jouer,
ne prétend qu’elles sont autre chose
que ce qu'elles paraissent.

Certaines se voient mal dans la luminosité de l'air.
Elles sont comme la brise qui se lève, touche à peine les fleurs
et nous savons qu’elle passe
quand quelque chose s'allège en nous
et que nous acceptons tout plus clairement.

p.34
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Au volant de la Chevrolet sur la route de Sintra,
au clair de lune et comme en songe, sur la route déserte,
tout seul je conduis, je conduis presque lentement, et un peu
il me semble - ou je me force un peu pour qu'il me semble -
que je suis une autre route, un autre songe, un autre monde,
que je la suis sans avoir quitté Lisbonne ou sans avoir à gagner Sintra,
que je poursuis, mais qu'y-aura-t-il à poursuivre, sinon que de ne pas s'arrêter, mais aller de l'avant?

Je vais passer la nuit à Sintra puisque je ne puis la passer à Lisbonne,
mais en arrivant à Sintra, je regretterai de n'être pas resté à Lisbonne.
(...)
POESIES D'ALVARO DE CAMPOS
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XLIV

La nuit, je me réveille brusquement.
Et ma montre emplit toute la nuit.
Je ne sens pas la Nature au dehors.
Ma chambre est une chose obscure aux murs vaguement blancs.
Il y a dehors une tranquillité comme si rien n'existait.
Seule ma montre continue son tic-tac.
Et cette petite chose à engrenage qui est sur ma table
étouffe toute l'existence du ciel et de la terre…
Je m'épuise à chercher ce que cela signifie
puis je m'arrête et dans la nuit
un sourire me vient au coin des lèvres
parce que l'unique chose que ma montre symbolise ou signifie,
quand elle remplit de sa petitesse la nuit immense,
c'est la sensation curieuse qu'elle remplit la nuit immense
de sa petitesse…

p.47-48
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XLVI

D'une façon ou de l’autre, 
selon que ça tombe bien ou mal, 
ayant parfois le pouvoir de dire ce que je pense, 
et d’autres fois le disant mal et d’impure façon, 
j’écris mes vers involontairement, 
comme si l’acte d’écrire n’était pas une chose 
faite de gestes, 
comme si le fait d’écrire était une chose 
qui m’advînt
comme de prendre un bain de soleil.

Je cherche à dire ce que j’éprouve 
sans penser à ce que j’éprouve.
Je cherche à appuyer les mots contre l’idée 
et à n’avoir pas besoin du couloir 
de la pensée pour conduire à la parole.

Je ne parviens pas toujours à éprouver ce que 
je sais que je dois éprouver.
Ce n’est que très lentement que ma pensée
traverse le fleuve à la nage 
parce que lui pèse le vêtement que les hommes 
lui ont imposé.

Je cherche à dépouiller ce que j’ai appris, 
je cherche à oublier le mode de pensée qu’on 
m’inculqua,
à gratter l’encre avec laquelle on a barbouillé 
mes sens,
à décaisser mes émotions véritables, 
à me dépaqueter et à être moi — non 
Alberto Caeiro,
mais un animal humain produit par la Nature.

Et aussi me voilà en train d’écrire, désireux 
de sentir la Nature, même pas comme 
un homme,
mais comme qui sent la Nature, sans plus. 
Ainsi j’écris, tantôt bien et tantôt mal,
tantôt touchant sans coup férir ce que je veux 
exprimer et tantôt me blousant, 
ici tombant, et là me relevant, 
mais poursuivant toujours mon chemin comme 
un aveugle obstiné.
N’importe... Et malgré tout je suis quelqu’un. 
Je suis le Découvreur de la Nature.
Je suis l’Argonaute des sensations vraies.
A l’Univers j’apporte un nouvel Univers 
parce que j’apporte à l’Univers l’Univers 
lui-même.

Cela je le sens et je l’écris,
sachant parfaitement et sans même y voir,
qu’il est cinq heures du matin
et que le soleil, qui n’a pas encore montré la tête
par-dessus le mur de l’horizon,
même ainsi on distingue le bout de ses doigts
agrippant le haut du mur
de l’horizon plein de montagnes basses.
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XXXIX

les choses n’ont pas de signification : elles ont une existence.
Les choses sont l’unique sens occulte des choses.
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Holà, gardeur de troupeaux, sur le bas-côté de la route, que te dit le vent qui passe ?."

" Qu'il est le vent, et qu'il passe, et qu'il est déjà passé

et qu'il passera encore.

Et à toi, que te dit-il ?"

"Il me dit bien davantage.

De mainte autre chose il me parle, de souvenirs et de regrets, et de choses qui jamais ne furent."

" Tu n'as jamais ouï passer le vent.

Le vent ne parle que du vent.

Ce que tu lui as entendu dire était mensonge, et le mensonge se trouve en toi.
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[...]
Être poète n'est pas une ambition que j'aie
C'est ma manière à moi d'être seul.
[...]
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XIII

Léger, léger, très léger,
un vent très léger passe
et s'en va, toujours aussi léger.
Et je ne sais pas ce que je pense
ni ne cherche à le savoir.

p.26
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Tout ce que je vois est net comme un tournesol.
J’ai l’habitude d’aller le long des routes
Tout en regardant à droite et à gauche,
Et de temps en temps derrière moi…
Or ce que je vois à chaque instant
Est cela même qu’auparavant jamais je n’avais vu,
Et je sais fort bien m’en rendre compte…
Je sais maintenir en moi l’étonnement
Que connaîtrait un nourrisson si, à sa naissance,
Il remarquait qu’il est bel et bien né…
Je me sens nouveau-né à chaque instant
Dans la sereine nouveauté du monde…

Je crois au monde comme à une marguerite,
parce que je le vois. Mais je ne pense pas à lui
Parce que penser, c’est ne pas comprendre…
Le monde ne s’est pas fait pour que nous pensions à lui
(Penser, c’est être dérangé des yeux)
Mais pour que nous le regardions et en tombions d’accord…
Moi je n’ai pas de philosophie : j’ai des sens…
Si je parle de la Nature ce n’est pas que je sache ce qu’elle est,
Mais c’est que je l’aime, et je l’aime pour cela même,
Parce que lorsqu’on aime, on ne sait jamais ce qu’on aime
Pas plus que pourquoi on aime, ou ce que c’est qu’aimer…

Aimer est la première innocence,
Et toute innocence est ne pas penser…
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