« Les enfants sont des ancres qui tiennent les mères accrochées à la vie. »
Sophocle
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Ce roman est un très gros coup de coeur, je l'ai adoré !
C'est une très belle histoire d'éléphants, mais pas que… c'est aussi un excellent thriller saupoudré très légèrement de surnaturel, avec une fin surprenante et inattendue comme je les aime.
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Elevée par sa grand-mère, Jenna, une adolescente de 13 ans, vit l'absence de sa mère comme un déchirement.
Toute petite, elle vivait en Nouvelle-Angleterre dans un refuge pour éléphants maltraités fondé par son père Thomas Metcalf, comportementaliste animalier. Jusqu'au drame. Une nuit, une employée du refuge est tuée et sa mère, Alice, une brillante scientifique spécialiste des éléphants, disparait mystérieusement sans laisser la moindre trace. Suite à cet incident, son père est interné dans un hôpital psychiatrique.
Intimement persuadée que sa mère ne l'aurait jamais abandonnée volontairement, Jenna veut comprendre ce qui s'est réellement passé cette nuit-là et pourquoi sa mère s'est enfuie sans elle. Son côté « déchiré » et son besoin de vérité sont touchants. On ressent immédiatement de l'empathie pour cette adolescente intelligente, intrépide mais très seule. L'intrigue est prenante, et comme Jenna, on a hâte de savoir ce qui a pu arriver à cette jeune mère. S'est-elle enfuie ? A-t-elle été assassinée, et si oui, par qui ? Tout au long du roman, l'auteure sème des indices qui désorientent le lecteur et l'envoient dans de multiples directions.
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Aidée de Serenity, une voyante extralucide qui a perdu ses facultés de medium et de Virgil, un détective privé, alcoolique et ancien policier en charge de l'affaire, le trio forme une équipe bien singulière, abimée par la vie, mais très sympathique.
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Chaque chapitre s'ouvre sur un personnage et nous suivons donc soit la progression de l'enquête suivant plusieurs points de vue, soit un passage des carnets d'Alice, mine d'informations sur sa vie personnelle et sur la thèse qu'elle menait sur le comportement des éléphants, et en particulier leur attitude face au deuil.
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Le journal d'Alice est très agréable à lire, sans vocabulaire scientifique complexe et soporifique. Les recherches sur le terrain et les anecdotes sur les éléphants sont passionnantes et chargées en émotions.
Les éléphants ont-ils eux aussi des émotions ? Pleurent-ils leurs morts ?
A la lecture de l'étude d'Alice et sans faire d'anthropomorphisme, quelques mammifères comme les éléphants ressentent des émotions primaires comme la tristesse, la peur, l'amour… Ces émotions indiquent clairement des capacités sociales et cognitives, des émotions développées, des facultés à communiquer entre eux et une mémoire étendue. Elles vont les aider à s'adapter et survivre dans leur environnement.
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Très bien documenté et servi par une belle écriture, simple et fluide, «
La tristesse des éléphants » est un roman étonnant et étrange, mêlant plusieurs genres littéraires, et abordant de nombreux thèmes comme celui de la séparation et du deuil, de l'amour filial et bien entendu des éléphants et de l'attitude des mères à la perte de leur petit.
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Premier roman de
Jodi Picoult que je lis, j'en ressors attristée par le sort des éléphants victimes de l'inconscience, l'indifférence, l'ignorance et la cupidité des hommes. Les quelques pages de notes à la fin du roman consacrées à alerter l'opinion publique sur la situation désespérée des éléphants et à dénoncer le massacre des éléphants en Afrique sont à souligner et montrent l'engagement de l'auteure pour cette cause.
Je vous conseille cette belle lecture, enrichissante et émouvante.