"Voilà toutes les princesses après avoir essayé cette pantoufle, elle n'allait point à aucun pied. Ma Cendrouse s'approche, essaie cette pantoufle, enfin, elle était comme moulée à son pied !
Elle lui allait ! Et puis, comme il avait dit que celle-là à qui elle irait, ça serait son épouse, les voilà toutes à se regarder, ces princesses et le tout :
- Ah, mon Dieu ! le fils du roi se mariera avec la Cendrouse ! " ............
Excellents, ces contes, pardié !
Un recueil simple et sans prétention, présentant ces contes tels qu'ils étaient racontés à
Léon Pineau par les autochtones du Poitou à la fin du dix-neuvième siècle.
Pineau lui-même précise qu'il fait là seulement l'oeuvre d'un collectionneur, et non pas d'un critique; et il nous propose ce joli bouquet tel qu'il l'a cueilli - herbe et fleurs.
Divisé en plusieurs thèmes ( contes d'animaux, contes merveilleux, féeries, facéties et bons tours, moines et curés...), on est quand-même assez surpris à quel point Perrault, et surtout les frères Grimm ont semé leur graine là où Pineau a récolté des années plus tard...
Et je me demande à quel point ces contes de référence, recueillis de la même façon "romantique" par les Grimm, ont été refaçonnés et adaptés aux moeurs irréprochables des dames, enfants et académiciens ?!
En tout cas, l'humble paysan de la vallée de la Vienne s'en empare avec l'avidité, pour les remanier encore une fois à sa façon.
Les dialogues en patois sont irrésistibles, la syntaxe "laide comme le péché"; il faut souvent deviner qui est "il", quand deux héros ou plus agissent en même temps... Parfois plusieurs contes se mélangent, pour aboutir à une fin sans aucune moralité - que le plus rusé gagne !
Quand le narrateur ne sait plus comment s'en sortir, il y a toujours cette bonne fée qui apparaît comme par miracle ( et C'EST un miracle, d'ailleurs !).
Quand le "mari" sort de la maison pour se rendre à Lussac, le curé libidineux rapplique sans tarder - pour finir, le plus souvent, dans un four ou dans un chaudron quelconque !
le loup n'y est jamais "grand et méchant", mais bête et naïf - et le compère renard lui joue plus d'un tour sur la route du marché de Verrières (qui existe toujours !)
J'ai passé un vrai bon moment de lecture, plongée dans ce monde où la "treue" se gausse de loup dans son logis bien solide, où le prince "saute une grenouille sur la croupe de son cheval" et où le Diable casse les noix à minuit au cimetière...
Et j'ai enrichi mon vocabulaire par quelques belles expressions du crû, pour le plus grand bonheur de toute la famille !
Dommage qu'il faille le rendre à son propriétaire - Eh ben, dame, pile entre Lussac et Verrières qu'il habite, le bonhomme ! Ah !